Daemon

"Retourne là-bas ! Fais-la nôtre ! Maintenant !"

Artémis rugit, sa voix brute, impérieuse, résonnant dans chaque recoin de mon esprit.

Je serre les poings, les ongles s’enfonçant dans mes paumes. La douleur me ramène à moi-même, mais à peine. Mon souffle est rauque, mon cœur bat si fort qu’il résonne dans mes oreilles.

"Non," grogné-je mentalement, mais le mot me brûle. "Elle doit venir à moi. Elle doit choisir."

Artémis gronde, une vague de colère et de frustration déferlant comme une tempête. "Elle le fera. Elle te veut. Pourquoi attendre ? Elle est là. Si proche."

"Pas maintenant," riposté-je, ma mâchoire se contractant. "Je ne veux pas un reflet. Je veux elle. Celle que j’ai vue dans mes rêves, celle qui me dira ‘Je suis tienne.’"

Mais chaque fibre de mon corps hurle de céder. Ses murmures me hantent, son odeur est gravée dans mon esprit, et l’image de son visage, illuminé par la lumière de la lune, ne quitte plus mes pensées. Elle est là, si proche, et pourtant inaccessible.

Je descends à la cuisine, mes pas lourds résonnant dans les couloirs silencieux. Mes muscles tendus, chaque mouvement est une lutte contre moi-même. L’odeur de Lyra imprègne encore l’air. Elle est partout, me consume.

Selene et Andro m’attendent. Je sens leur tension avant même de les voir. Selene, toujours calme, observe. Andro, nerveux, cherche une manière de désamorcer.

"Elle s'est réveillée," dis-je d’une voix rauque, presque étranglée.

Andro ricane, son sourire éclatant comme un éclat de lumière dans cette obscurité. "Enfin ! T’étais prêt à exploser."

"Ce n’est pas fini," murmure Selene, son ton mesuré contrastant avec l’énergie brute que je dégage. Elle s’approche, posant une main sur mon bras. "Daemon... Nous ne savons pas comment l'aconit a affecté sa louve, ni comment se passera le sevrage. Si elle se réveille trop vite..."

"Elle se réveillera," dis-je, coupant ses mots, ma voix tranchante.

Artémis gronde, ses pensées déferlant comme un torrent. "Elle est prête. Elle nous appelle. Pourquoi hésiter ? Elle est à nous !"

Je ferme les yeux, luttant contre l’orage en moi. "Elle doit venir à moi," murmuré-je finalement, chaque mot une épreuve. "À son rythme. Pas au mien."

Selene recule légèrement, une ombre d’inquiétude dans ses yeux. Mais elle sait. Elle sent la lutte qui me consume.

Andro, lui, hausse les épaules, un sourire narquois sur les lèvres. "Tu pourrais peut-être lui faire un tableau PowerPoint : Lyra, voici pourquoi nous sommes faits l’un pour l’autre.’"

Je lui lance un regard glacial. "Ce n’est pas le moment."

Le silence retombe, lourd, oppressant. Selene hoche la tête, posant une main sur l’épaule d’Andro pour l’empêcher d’en rajouter.

"Prépare quelque chose pour elle," dis-je à Selene, ma voix basse mais ferme. "Elle aura besoin de forces."

Puis je quitte la cuisine, leur murmure disparaissant derrière moi. Mes pas me guident malgré moi. Je ne veux pas être là, devant sa porte, mais je ne peux pas m’en empêcher.

Je m’arrête, ma main sur la poignée. Son odeur m’enveloppe, douce et sauvage, un mélange de chaleur brute et de mystère. Elle m’appelle.

"Ouvre," rugit Artémis, sa voix résonnant comme un ordre dans mon esprit. "Prends-la. Fais-la tienne."

"Non," dis-je mentalement, mais ma voix tremble. Je ne suis pas sûr de pouvoir tenir.

Je tourne la poignée et entre.

Elle est là.

Debout près de la fenêtre, baignée par la lumière du soleil. Ses cheveux sombres, encore humides, tombent en mèches ondulées le long de son dos. Elle se retourne, et ses yeux, verts et brillants, capturent les miens.

Mon souffle se bloque.

Chaque fibre de mon être hurle de la rejoindre, de la toucher. Mais je reste immobile, mon corps tendu comme un arc, ma mâchoire si serrée que je pourrais briser mes propres dents.

"Nous devons parler," dis-je, ma voix rauque, brisée par le désir que je tente de contenir.

Elle avance, un pas, puis un autre. Aucun signe de peur dans ses yeux, seulement de la curiosité, et quelque chose d’autre. Quelque chose que je ne peux nommer, mais qui allume un feu en moi.

Chaque pas qu’elle fait vers moi est un supplice. Ses mouvements sont un défi silencieux. Elle teste mes limites sans même le savoir.

Je me détourne légèrement, la laissant passer près de moi sans la toucher. Si ma peau effleure la sienne, je ne pourrais plus me contrôler.

Elle entre dans le couloir, et je la suis, chaque pas une lutte pour ne pas céder.

Nous arrivons au bureau. Je pousse la porte, la laissant entrer en premier.

Elle s’arrête net, ses yeux captés par la fresque.

Une scène de bataille, sauvage et majestueuse. Un loup noir gigantesque domine l’espace, ses yeux brillants comme des flammes. Autour de lui, d’autres loups, en mouvement, comme figés au cœur d’une tempête.

Elle s’avance, fascinée. Ses doigts effleurent doucement la peinture, et je sens la tension dans son geste, comme si elle cherchait à se souvenir de quelque chose d’enfoui.

"Je… je le connais," murmure-t-elle, sa voix brisée mais remplie d’une certitude instinctive. “Il ressemble au loup de mes rêves.”

Mon cœur se serre.

Artémis gronde, son cri devenant un hurlement. "Elle sait ! Fais-la nôtre. Maintenant !"

Je ferme les yeux, inspirant profondément pour contenir la tempête. "Non," dis-je mentalement, mais chaque mot est un combat.

Je referme doucement la porte derrière nous, m’appuyant brièvement contre le bois. Puis je m’approche, lentement, chaque pas mesuré.

"Il est temps que tu saches," dis-je enfin, ma voix grave, vibrante d’émotions. "Il est temps que tu comprennes qui je suis… et qui tu es.”