Chapitre 8 : Partie 3/3
Le lendemain matin, ils défaisaient les tentes et regagnaient le château sans faire de mauvaise rencontre.
Les gardes affluaient devant la porte principale, vêtus de leur armure. L’inquiétude et la colère partageaient leurs visages. Eileen perdit son sourire. Quelque chose clochait. D’un pas rapide, elle s’enfonça dans les couloirs, à la recherche de Merielle. Elle traversa les salles à vive allure pour la trouver enfin, assise à son bureau, occupée à ranger des documents.
- Merielle, que s’est-il passé ?!
Son intuition lui criait qu’il s’agissait de l’escouade de Gaël.
- Des renforts sont allés sur l’Entre-Deux ? enchaîna Eileen, sans laisser le temps à son interlocutrice de poser ce qu'elle avait en main.
- Ils y sont allés et… sont revenus, répondit-elle, la mine basse.
- Et ?! s’impatienta Eileen.
- Et ils n’ont pas trouvé les corps, enfin… Ils n’ont pas trouvé tous les corps. Il n’y avait aucun survivant, pas même à la tourelle.
Eileen crut que son cœur allait s’arrêter. Elle était essoufflée, la panique la défigurait.
- Comment ça, ils n’ont pas trouvé tous les corps ?
- La plupart ont été identifiés, d’autres étaient trop amochés. Mais en s’appuyant sur la liste, nous sommes sûrs que des hommes manquent à l’appel.
- Et Gaël ?
- Celui du commandant fait partie des disparus. Mais tu sais, ils ont sûrement succombé à la tempête et sombré dans les eaux profondes…
C’était impossible ! Gaël ne pouvait pas mourir dans une tempête, alors qu’il maîtrisait l’air !
Un espoir naquît soudain dans l’esprit d’Eileen. Se pouvait-il qu’il fût emporté par les Irnaths, sur leur territoire ? Etait-ce dans leurs habitudes de faire des otages ?
- Je suis désolée, ce n’est jamais facile d’apprendre la mort d’un être cher, reprit Merielle de sa voix chevrotante.
Eileen sentait qu’elle se trompait, mais cette phrase lui fit l’effet d’un poignard planté en plein cœur.
- Le Commandant Kilenswar était un homme bon, renchérit-elle.
La jeune femme dodelina de la tête d’un air défaitiste. C’était surréaliste. Impensable. Elle chassa ses pensées pessimistes, gagnée par un espoir soudain. Non, Gaël n’était pas tombé, c’était inconcevable.
- Il n’est pas mort, j’en suis sûre, marmonna-t-elle. Je vais aller le chercher.
Aussitôt, Eileen voulut quitter la pièce, mais la main de Merielle la retint.
- Si tu fais ça, tu te retrouveras enfermée.
- Enfermée ? Pourquoi ?
- Les personnes qui possèdent un don puissant sont bien trop précieuses pour le royaume. Tu peux être utile, surtout pour la garde en temps de guerre. Pour rien au monde le roi ne te laissera quitter Nergecye.
Eileen en resta bouche bée. Elle savait qu’intégrer l’école spécialisée entraverait sa liberté, mais de là à la faire rejoindre l’armée ? Elle se sentait trahie et avait l’horrible sensation que depuis son arrivée sur ces terres, elle ne cessait d’être manipulée.
- Et s’il était captif ?
- Captif… sur les Terres Rouges tu veux dire ? Tu ne pourrais même pas aller le chercher ! s’exclama Merielle. Dois-je te rappeler que tu n’es pas des leurs ? Tu ne possèdes pas le gène Z, tu ne passeras jamais leur dôme ! Et comment lui aurait pu le passer ? Y as-tu songé ?
- Je suis sûre qu’il n’est pas mort.
Peu importait la difficulté de la tâche, Eileen tenait trop à Gaël pour rester sans rien faire. De plus, il avait promis de l’aider dans sa quête et était sur le point de lui révéler une information capitale à propos du miroir. Qu’ils le veuillent ou non, elle le ramènerait.
- Et Mestre Keön, y-as-tu pensé ? Que va-t-il se passer si tu pars du jour au lendemain ? ajouta Merielle.
La voix du concerné résonna dans son dos et la fit sursauter.
- Je la couvrirai. Je peux prétexter une longue mission à l’extérieur. Que cela reste entre nous, Merielle.
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