Arc II , Chapitre 13 : Phantasme
-"Pourquoi es-tu si faible ?"
-"Arrête ! Je ne le suis plus."
-"Pourtant pense à Julia, si tu avais été différente elle ne serait pas morte à quelques mètres de toi sans que tu t'en rendes compte."
Au même moment que le venin entrait ses oreilles une odeur écœurante de thé entra dans ses narines. Elle secoua la tête en tentant d'attraper cette odeur horrible avant de se plier en deux pour vider son estomac. Pourtant, là où de la bile devrait sortir le goût fut celui du sang avant qu'un violent choc lui coupe la respiration.
Elle ouvrit alors les yeux sur rien mais son corps se redressa sous le choc, cherchant à récupérer sa respiration.
Sentant lentement son calme revenir, Aurora sentit pourtant des larmes couler le long de ses joues qu'elle essuya à l'aide de son drap.
Sentant qu'il lui serait impossible de se rendormir avant l'aube sans aide, elle finit par se pencher sur le coter en cherchant au sol un verre d'eau contenant quelques herbes médicinales.
Mais en agitant sa main tremblante, elle heurta le verre qui se renversa au sol.
La princesse se maudit un long moment avant de se rétracter sous ses draps, hésitante à réveiller Abraham pendant un instant. Elle ne pouvait pourtant pas se résigner à le déranger.
En tendant l'oreille, la respiration du soldat pouvait être entendue en provenance de son fauteuil qu'il avait apporté lui-même de sa maison... maison qu'il n'avait pas vu depuis bien une semaine déjà.
C'est en se rendant compte de sa froideur dans la journée, elle se sentit un peu mal pour lui qui ne vivait plus que pour la protéger jusqu'à dormir dans la même pièce.
Non, maintenant il faut dormir sinon elle sera fatiguée lors de son rendez-vous avec la duchesse Duncan.
Aurora ferma les yeux avec conviction, cherchant à contrôler sa respiration du mieux qu'elle put. Après quelques minutes elle parvint à ralentir sa respiration, relaxant tout son corps lentement, mais surement.
Ses sens s'alourdirent et finirent par s'évanouir dans un corps devenu quasiment amorphe avant que soudainement un parfum trop connu brûle son esprit à vif. Elle se redressa donc à nouveau, bien que fatiguée elle commença à paniquer comme si quelque chose se passait sans qu'elle ne puisse le savoir.
Pour se rassurer elle tendit l'oreille à nouveau, cherchant à entendre le relaxant souffle du garde du corps. À son grand soulagement une réponse fut entendue et le cœur de la princesse se tranquillisa dans un soulagement refroidissant la blessure invisible.
Mais le soulagement fut rapidement effacé par un sentiment de tristesse mortifiant alors que sa mémoire lui faisait un roman de sa vie... un mauvais roman où tout le monde souffre et meurt.
Soupirant devant son cerveau trop actif, Aurora prit son oreiller pour pouvoir s'adosser à la tête de lit en bois.
Dans sa tête défila en boucle sa dernière discussion avec Mélissandre dont les excuses résonnaient encore comme un sinistre glas. Le lendemain elle était partie à l'île Bleue d'où elle était originaire au soulagement de la princesse.
Dans ces moments-là elle voudrait bien passer un peu plus de temps avec sa mère ou Bravos, mais elle était bien trop occupée la journée avec les préparations pour le couronnement... Ou les rendez-vous entre autres.
De plus elle avait rendez-vous avec Jobbs aujourd'hui. Chose dont elle n'avait vraiment pas envie à cause d’une mauvaise appréhension. Comment ferait-elle si la duchesse la refusait en tant que souverain, ou plutôt comment réagira-t-elle ?
En fait, si cette femme n'était pas de son côté il serait trop compliquer d'imposer son règne parce qu'elle n'aurait pas le moindre noble qui lui serait loyal. Alors qu'elle commençait à réfléchir comment elle pourrait gagner des partisans, elle se rendit compte que cela était inutile d'y penser maintenant car elle serait incapable de parvenir à des solutions viables.
C'est justement cette lucidité qu'elle aimait vraiment la journée, bien qu'elle était froide et dure elle restait rationnelle qui, accouplée à cette lucidité pouvait résoudre toutes les situations inimaginables... Bien que les décisions ne soient pas toujours les meilleurs moralement.
Avec le sceau elle se sentait capable d'être une reine capable et forte comme elle l'avait toujours voulue, si c'était au prix de ses nuits alors ce ne serait pas très cher payé pour son futur radieux. Pourtant la voilà assise sur son lit, incapable de dormir à cause de son cauchemar la hantant.
Naturellement elle n'avait aucune idée de l'heure qu'il était et finit par s'ennuyer profondément en attendant que quelque chose se passe. D'abord elle tenta de dormir un peu mais dès qu'elle commençait à somnoler une morsure de rappel réveillait tous ses sens en un instant, ensuite elle essaya de penser au futur mais les réminiscences du passé s'éveillaient comme un dangereux poison.
Alors elle pensa à son frère, espérant qu'il soit au moins heureux là où il était malgré les horreurs qu'elle avait dit sur lui précédemment. Alors elle l'imagina riant avec d'autres voix pouvant appartenir à une famille... sa famille. En parlant de famille, qu'est-ce qu'elle devrait faire ?
Un souverain ne peut pas régner seul et jamais un souverain ne l'a été dans l'histoire, tout simplement car l'une des priorités était les héritiers pour le trône, d'autant plus que les Damoclès avaient été les seuls sur le trône depuis la fondation du Royaume d'Almer.
Sur le continent, il était normal d'épouser quelqu'un de la famille royale d'un autre royaume pour créer des jeux d'alliances entre les royaumes. Or jusqu'à Dag, les rois d'Almer avaient toujours épousés des gens des îles, des nobles naturellement.
Pourtant ce n'était pas un instant son objectif, se marier ne ferait que lui perdre du temps utile pour assurer sa domination. Et pour rajouter comme un caillou dans la soupe, personne ne voudrait envoyer leur héritier pour l'épouser elle et ainsi perdre toutes leurs terres au profit de la royauté.
En temps normal, la femme ne possède rien et est comme donnée aux hommes, or pour son cas de figure c'est elle qui possède tout et si elle se marie il est bien sur impensable que son mari prenne le pouvoir, donc il faut un homme de haute stature capable de donner ses terres et ses titres à sa femme ou alors un second fils sans titre mais là ce sera la réputation de la couronne qui en serait affaiblie... Une belle impasse.
Soudain, elle se rendit compte de sa soif, peut-être que ses pensées avaient drainées l'eau de son corps. Mais elle ne se résigna toujours pas à réveiller Abraham, qui semblait toujours dormir paisiblement.
Donc, elle se leva silencieusement et se rendit à son alcôve où l'épée de Damoclès devrait se trouver et c'est avec succès qu'elle l'atteignit. Satisfaite, elle récupéra l'épée qu'elle mania avec difficulté pour s'en servir comme une canne. La princesse espérait vraiment qu'un jour elle pourrait l'utiliser sans problème grâce aux douloureux entrainement qu'elle faisait de temps à autre.
Lentement mais surement, elle se dirigea vers la porte de la chambre en tapant le plus doucement possible la pointe de l'épée sur le sol. Elle n'eut pas besoin de repère car malheureusement elle connaissait sa chambre par cœur.
Abraham bougea un peu sur son fauteuil et Aurora s'arrêta net, de peur de le réveiller. Après quelques instants, elle bougea à nouveau et son épée se heurta au pied de la porte.
D'un mouvement maladroit elle ouvrit cette dernière et s'échappa dans le couloir en prenant soin de fermer la porte derrière elle. En entendant le silence du couloir et le chant des insectes elle comprit qu'il était encore bien tard.
Alors qu'elle s'apprêtait à bouger, elle se rendit compte qu'elle avait oublié la direction des cuisines. Frustrée d'elle-même elle voulut se rendre dans la chambre de sa nouvelle servante avant de se rendre compte qu'elle ne savait pas non plus où elle était. Pendant un moment elle resta immobile, faisant travailler sa mémoire du mieux qu'elle pouvait pour se souvenir de tout en vain.
Finalement plutôt que rester immobile ou encore abandonner sa quête elle prit sa droite et marcha en longeant les murs à la recherche d'un escalier pouvant l'emmener au rez-de-chaussée, chose facile car elle se souvenait bien que les escaliers étaient toujours sur le côté gauche des murs.
Après un moment elle atteignit enfin son objectif et descendit minutieusement les marches une par une. Après cet effort remarquable de descendre en tenant une épée équivalent au quart de son poids, la princesse se retrouva encore plus assoiffée qu'à l'origine et se hâta de chercher quelqu'un au hasard pour l'emmener boire de l'eau.
Soudain, elle entendit des bruits de pas pressés par le temps au loin et sans même chercher à savoir qui c'était elle accéléra jusqu'à être à portée de voix de la personne.
-"Hum, excusez-moi ?" Tenta-t-elle assez timidement.
Heureusement, puisqu'il n'y avait personne et donc aucun bruit parasite sa voix porta naturellement et fut entendue ce qui soulagea la princesse quand elle entendit les pas s'arrêter et faire demi-tour vers sa direction.
-"Je te hais !" Cria Sam.
Dans ses côtes, elle sentit un métal se planter alors que son sang remontait pour être cracher violemment, remplaçant sa timidité par une terreur sans nom alors que la haine de son meurtrier se faisait plus souffrante que la blessure, et sans un mot, elle s'effondra au sol.
C'est dans un cri de terreur qu'elle se réveilla dans son lit avant de se rendre compte qu'elle était belle est bien en sécurité. Par sécurité elle toucha ses cotes là où le couteau était entré pour au final toucher du bout des doigts sa chemise de nuit à son soulagement.
Mais... Encore trop choquée par sa mort, elle ne put que se recroqueviller sur elle-même et essayer de calmer ses tremblements presque devenus maladifs. Alors qu'elle avait encore le goût du sang dans sa bouche, elle ne put contenir sa peur et pleura bruyamment, sans pouvoir contrôler ses expressions ou ses mouvements incohérents qui voulaient comme chasser un ennemi imaginaire.
-"Ab-Abraham ?" Tenta-t-elle, désespérée et effrayée.
-"Je suis là." Chuchota-t-il, proche du lit."Je vais vous remplir un verre."
Aurora se contenta d'acquiescer de la tête et attendit fébrilement alors que le bruit de l'eau coulant de la carafe faisait écho à ses besoins. Après que l'eau fut versée, un bruit de froissement averti Aurora que Abraham était en train d'effriter les feuilles données par Krayn pour aider au sommeil. Dès que le verre toucha le dos de la main elle s'en empara et bût avidement le verre quitte à s'étouffer.
Le verre finit, elle le lui rendit avant de se recoucher en se couvrant bien comme il faut sous les draps.
-"Merci."
Grâce aux herbes écrasées dans le verre, elle trouva rapidement son sommeil et cette fois-ci il serait sans cauchemars... Mais pourtant, même sans rêve, l'idée de sa mort était toujours présente comme une macabre prémonition.
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