Arc II, chapitre 24 : Comme un prince.
Loin des îles, deux jours avant le couronnement.
Le soleil se leva et cette fois il était prêt, après des semaines passées cloué au lit, il se sentait enfin capable de se lever et de quitter ce placard lui servant de chambre. Il se redressa vivement, ce qu'il regretta immédiatement avec un vertige qui le força à se rallonger.
En bas il pouvait entendre le bruit des autres habitants qui se réveillaient à leurs tours. Excité à l'idée de pouvoir bouger, le garçon fit de son mieux pour s'asseoir au bord du lit. Cette fois il prit le temps qu'il fallait pour son corps encore faible.
Une fois assit, il inspira profondément comme s'il s'agissait d'un nouvel air frais. Trop impatient pour les attendre, il s'agrippa au pied du lit et commença à se lever. Ses jambes tremblèrent un peu mais il tint bon et une fois debout, il ne put s'empêcher de pousser un petit cri de victoire.
En réponse, un juron se fit entendre d'en bas et quelques secondes après le bruit sourd en provenance de l'escalier suivit. La porte s'ouvrit en fracas, laissant entrer un homme dans sa fin quarantaine, visiblement très ennuyé par le garçon debout.
- Pourquoi il faut toujours que tu te lèves par toi-même ?! Aboya-t-il en inspectant soigneusement le jeune garçon. Si ton corps ne souhaite pas se lever, respecte-le.
- Évidemment que non, rétorqua le garçon fièrement. Le mental se doit de dominer notre corps.
- Encore à raconter des conneries, allez viens et fais attention où tu marches.
Le garçon n'attendit pas un instant et emboita le pas du médecin qui descendit sans lui prêter plus d'attention.
- Ah, se souvint Maurice en se stoppant net. Montre-moi ta main.
Sans même attendre que le garçon lui réponde il s'en empara. Il scruta la main avec attention, cherchant des détails qui auraient pu évoluer depuis hier. Le garçon savait que ce qu'il faisait ne servait à rien et il lui avait déjà répété de nombreuses fois. Sa main était parfaitement normale hormis ses traits qui maintenant luisaient d'une couleur rousse.
- Toujours rien, maugréa-t-il en lâchant sa main.
- Évidemment.
Les deux hommes descendirent les escaliers, provoquant au passage un boucan terrible. Le garçon fit quand même attention à ne pas tomber, ni de faire de mouvements trop brusques qui pourraient le renvoyer au lit sans sommation.
- Tu as bien vérifié sa cicatrice ? Demanda Marjorie en pointant de sa cuillère en bois le garçon. Sa blessure pourrait très bien s'être rouverte.
- Elle a cicatrisée, répondit Maurice en s'asseyant sur le tabouret. Y'a plus rien à faire d'autre.
- Vérifie !
Ils repartirent ainsi, s'insultant comme à leur habitude. Au début, il avait été choqué par cette façon de vivre, si peu... si sale ? Quoiqu'il en soit il n'y était toujours pas habitué, mais il les laissa faire, sachant très bien que cela ne durerait pas trop longtemps.
Cette fois c'est Marjorie qui eut le dernier mot et Maurice se tourna alors vers lui, marmonnant quelques insultes encore. D'un geste de main il lui fit signe d'avancer, mais le garçon refusa encore. Personne n'avait le droit de toucher son corps aussi facilement, ne serait-ce que par principe.
- Il me soûle ce gosse, fulmina le médecin en se levant.
- C'est de ta faute pour avoir accepté la demande de la gamine, lui répondit Marjorie en touillant pour une énième fois sa mixture.
- Que lui ait-il arrivé d'ailleurs ? Demanda le garçon en levant sa tunique. Je ne l'ai jamais rencontré.
- Sûrement crevée quelque part, récrimina-t-il en inspectant la cicatrice sur sa poitrine. Cette blessure me fascinera toujours, qui te l'a fait et surtout comment tu as survécu ? Ton cœur aurait dû être transpercé.
- Je ne sais pas, menti-t-il en la recouvrant immédiatement. Mais je sais que quand je retrouverais celui qui me l'a faite, il le regrettera.
Maurice n'était pas dupe et sûrement qu'il s'était rendu compte du mensonge, mais il s'en fichait royalement à partir du moment où il était payé. Les deux hommes s'assirent autour de la table, attendant patiemment que Marjorie leur amène la soupe.
- Mange lentement et ne te brûle pas, lui dicta-t-elle en lui tendant le bol.
Le garçon hocha de la tête et récupéra le plat en bois sans entrain, il connaissait déjà bien la cuisine de Marjorie. Le garçon rechigna un peu avant de commencer, le goût infâme de cette soupe étant la fautive de nombreux maux. Il ne pouvait tout simplement pas supporter sa cuisine allant jusqu'à même feindre dormir pour éviter qu'ils le force à en boire.
- Et donc, tu comptes faire quoi maintenant que tu es à peu près guérit ?
- Retourner chez moi ! Répondit Nils avec force. Et enfin récupérer ce qui me revient de droit.
***
Jayce, même jour à Mortreux
La nuit était déjà bien tombée et les rues se vidaient, à contrario des bars et auberges. Jayce avait décidé de faire la découverte d'un nouveau bar, plus proche des quartiers riches cette fois. Mortreux étant d'ordinaire une ville plutôt nocturne, les bars et maisons closes étaient véritablement le centre de son économie. Cet attrait pour les plaisirs de la vie en faisait un lieu de commerce phare où les gens riches se mêlaient aux autres, permettant d'avoir des financements diverses et variés.
L'ancien prince s'était basé sur ça, espérant ainsi faire décoller son affaire rapidement et récolter les informations dont il avait besoin. Un détail lui avait échappé cependant, celui des habitants. À sa grande surprise une grande partie de la population était raciste, si bien qu'il avait déjà eu ses fenêtres brisées gratuitement.
Il avait déjà monté la garde, surveillé dans l'ombre son échoppe, mais jamais il n'avait réussi à attraper les criminels. Appeler la garde serait la seule solution, en espérant qu'ils ne soient pas eux aussi dans le coup.
- Une autre s'il vous plait, demanda Jayce en posant une autre pièce sur le comptoir.
Le barman ne le fit pas attendre bien longtemps et une nouvelle choppe remplie se posa devant son nez en un instant. C'était la troisième qu'il buvait depuis le début de la soirée, mais la seule en solitaire. Jusque-là il avait toujours réussi à être accompagné d'une façon ou d'une autre, grâce à ça il s'était déjà fait quelques 'amis' auxquels il confiait de faux secrets pour se sentir plus proche. Ce que Jayce espérait vraiment c'était pouvoir se faire une place dans la ville et ainsi commercer tranquillement.
Cette dernière choppe étant pour la route, le marchand la vida rapidement avec plaisir. Boire une bonne bière avant de rentrer chez soi était une routine qu'il appréciait réellement.
D'un pas léger et satisfait il quitta le bar, évitant ainsi une nouvelle vague de clients entrant. La nuit était encore jeune et l'activité commençait à peine en ville. Les personnes étaient si nombreuses que certaines échoppes ouvraient spécialement la nuit, pour attirer un certain type de clients.
La nuit était tombée et pourtant les lumières en provenance des maisons éclairaient la rue parfaitement. En jetant un coup d'œil par les fenêtres ont pouvait voir des familles en train de souper, tranchant avec les ruelles où il n'était pas rare de voir des personnes en train de faire l'amour ou vomir.
S'écartant un peu des grands axes de la ville, Jayce arriva à son échoppe. Il remarqua encore une fenêtre brisée, lui arrachant un juron. Le trou étant placé près la porte il n'était pas compliqué de comprendre qu'ils étaient entrés dans la boutique. La porte étant ouverte, le marchand n'eut qu'à la pousser pour pouvoir entrer.
Il hâta le pied vers son coffre caché, espérant de tout cœur qu'ils ne l'avaient pas trouvé. Après quelques pas seulement dans la boutique, son pied tomba dans une flaque visqueuse, qui arracha une expression de dégoût au jeune homme. Étant donné qu'il faisait sombre, Jayce marmonna un peu avant de chercher une lampe à huile qui gardait toujours quelque part près de l'entrée. Il la trouva rapidement à sa place avec de quoi l'allumer.
Une fois allumée il retourna chercher la provenance de la flaque, sûrement une bouteille d'huile qu'ils avaient jetée au sol. En s'approchant, Jayce put constater la lueur foncée de cette huile, intrigué il se baissa et approcha la lampe de la flaque. Choqué, il se rendit compte qu'il ne s'agissait pas d'huile, mais de sang dont le corps froid était à quelques pas seulement.
Écarquillant les yeux et le corps tremblant, Jayce voulu s'enfuir mais une main gantée l'attrapa par derrière.
- Calme-toi, lui ordonna la voix. C'est juste le voleur.
Reconnaissant cette voix, l'ancien prince se retourna pour illuminer le visage de Ragnar, le mercenaire.
- Q-que fais-tu là ?! Et c'est toi qui l'a tué ?!
Soudainement fatigué par l'énergie de Jayce , Le petit homme lui tapota l'épaule pour calmer, sans réellement y mettre l'intention.
- Peut-être j'aurais dû le laisser voler ton petit coffre, répondit-il avec un petit sourire narquois.
- Que fais-tu là ?!
- Je suis venus t'assister.
- M'assister en quoi ?! Tu n'as pas une troupe à gérer ? J'ai un cadavre dans ma boutique !
- je n'ai pas eu le temps de nettoyer, calme-toi.
- J'ai un corps dans ma boutique !
Sous les yeux choqués de Jayce, Ragnar se pencha et prit le corps sur son épaule et commença à se diriger vers l'entrée.
- Où tu vas ?!
- Jeter le corps dans le port, répondit Ragnar sans cacher son petit sourire.
- Mais ils vont te voir ! Je vais finir en prison.
C'est en levant les yeux qu'il partit, sans même fermer la porte. Jayce se retrouva seul et complètement paniqué dans sa boutique.
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