Chapitre 38
Un bip bip assourdissant me fit émerger. Lentement j’ouvris les yeux et reconnus l’infirmerie du château. Pourquoi étais-je là ? Étais-je toujours en vie alors que j’avais senti mon cœur cesser de battre ? C’était impossible. Marc m’avait étranglé, il m’avait tuée. Je ne pouvais pas être en vie. Pas après tout ce que qu’il m’avait fait.
— Elena ? Elena, regarde à gauche si tu m’entends.
Océane. Elle était à côté de moi. Reprenant conscience de mon corps, je sentis sa main sur la mienne. Je ne souffrais pas, mais j’étais incapable de bourgeois. Je sentais toutes les blessures qui parcouraient mon corps, mais n’avais aucune douleur. Je devais sûrement recevoir des médicaments. J’ouvris un peu plus mes yeux et regardais à gauche, comme elle me l’avait dit. Je remarquais alors le tuyau dans ma bouche qui m’empêchais de bouger la tête, toutes les machines auquel j’étais reliée et surtout les cernes et le visage fatigué de celle que j’aimais. Même si je ne pouvais pas parler à cause de ce tuyau, je serais sa main pour la rassurer.
— Je suis tellement désolée, mon amour, pleura-t-elle. Je savais ce qu’il se passait dans cette chambre, mais je ne pouvais rien faire.
Fatiguée et ne voulant pas lutter, je serais sa main et fermais les yeux, me rendormant. À mon réveil, le tuyau dans ma bouche avait disparu, je pouvais respirer seule. Libre de tout mouvement, je me tournais sur le côté droit, une main sous l’oreiller et remontais mes genoux contre ma poitrine. La douleur physique était revenue. J’avais trop mal, partout, pour vouloir faire quoi que ce soit. Tout ce que je voulais, c’était mourir. Oublier tout le mal que Marc m’avait fait.
— Docteur ? entendis-je Océane dans mon dos.
— Laissez-lui du temps, Mademoiselle. Elle a vécu une expérience traumatisante.
— Qu’est-ce que je peux faire pour l’aider ?
— Continuer d’être présente pour elle. Je suis sûr que le simple fait de vous savoir à côté d’elle la rassure.
— Et pour ses cordes vocales ?
— Si jamais elle devait essayer, empêchez-la de parler pendant encore une semaine. Si elle ne les repose pas assez, ça risquerait d’être irréversible.
— Merci Docteur.
Quelques secondes plus tard, j’entendis la porte s’ouvrir avant d’être refermée. Je sentis Océane s’asseoir sur le lit, mais elle ne me touchait pas.
— Chérie, est-ce que tu veux que je m’allonge à côté de toi ?
Comme réponse, je me tournais dans sa direction et me rapprochais d’elle. Quand elle s’allongea à côté de moi, elle attendit que j’entreprenne le premier contact pour me serrer contre elle. Je posais ma tête contre sa poitrine et passais mon bras droit autour de sa taille. Il n’y avait qu’avec elle, dans ses bras, que je me sentais en sécurité. Une fois installée, je laissais mes larmes couler sur son tee-shirt.
— Je suis là mon amour, je suis là. Je ne te laisserais plus jamais seule.
Océane était la seule pour qui j’arrivais encore à me battre. C’était pour elle que je devais rester en vie et me ressaisir. Quand elle m’entoura les épaules de ses bras, je sursautais au contact. La dernière fois que Marc avait fait ça, c’était pour me bloquer contre lui et m’attacher les poignées alors que je lui résistais. Océane retira immédiatement ses bras, pour me faire comprendre qu’elle ne ferait rien sans mon approbation préalable. Elle était le contraire même de Marc. La brute face à la douceur, la haine face à l’amour. Dès le début, Océane avait compris que j’étais fragile et elle n’avait pas cherché à utiliser cette faiblesse. Au contraire, par sa présence, elle avait essayé d’en faire une force à voir de jouer le rempart contre ceux qui voudrait utiliser ma fragilité. Elle n’avait jamais cherché à m’utiliser, mais plutôt à me protéger.
— J’ai besoin de savoir, mon amour. Tu veux que je te prenne dans mes bras ou pas ?
Pour lui répondre, j’ouvris lentement les yeux et relevais la tête. Je la regardais et lui dis oui du bout des lèvres. De toute façon, je ne pouvais pas parler. Je déplaçais ma main et agrippais son tee-shirt, au niveau de son épaule.
— Prends le temps qu’il te faut pour aller mieux, ne te presse surtout pas. De toute façon, tu as besoin de repos pour la santé des bébés. Mais comme je te connais et que tu vas vouloir trouver une excuse pour vite revenir, Juliette a retrouvé les informaticiens de ta mère. Dès que tu seras en état de les recevoir, que tu puisses parler ou non, elle les fera revenir pour que tu puisses les rencontrer. Quant aux habitants qui étaient là le jour de l’annonce de ta grossesse, ils sont de ton côté. Marc s’est enfui, mais ils ont fait passer le message à tout l’Empire. Tous les Eryenniens sont à sa recherche. Il ne te fera plus jamais de mal, mon amour.
Plus les jours passaient, mieux ça allait. Petit à petit, je retrouvais l’usage de la parole. En m’étranglant, Marc avait écrasé ma trachée et mes cordes vocales au passage. Il m’avait fallu beaucoup de temps pour retrouver la capacité respiratoire et la voix que j’avais avant ce jour-là. Océane avait été d’une aide à toute épreuve ses derniers jours. Elle avait su me rassurer, me rattraper quand je sombrais et surtout, elle avait pris ma place sur le trône, soutenue par mon père. Elle avait réussi haut la main le défi de me remplacer durant ma convalescence. Elle m’avait prouvé qu’elle pouvait devenir Impératrice à mes côtés.
J’avais encore des difficultés à parler, mais j’étais rétablie. Aujourd’hui, Juliette avait fait revenir les informaticiens de ma mère pour que le problème d’internet soit résolu une bonne fois pour tout. J’avais écrit le discours que j’aurais voulu prononcer, mais nous avions décidé qu’Océane le ferrait à ma place. Je n’avais presque plus de bleus sur le corps, mais mes poignées n’étaient pas tout à fait guéries. Emma changea les bandages avant qu’Océane ne m’aide à vêtir une robe rose à manche longue. Emma termina ensuite ma coiffure. Ma couronne se trouvait sur le bureau, juste devant moi. Cela faisait près de trois semaines que je ne l’avais pas remis, la dernière fois remontant à l’annonce de ma grossesse.
— Et voilà, tu es comme neuve, voulut rigoler Emma.
— Merci, Emma, jouais-je le jeu, d’une voix faible.
— Tu es magnifique, me complimenta Océane.
— Vous croyez… que je vais réussir à revenir ?
— Mais bien sûr, chérie. Tu vas surmonter cet obstacle comme tu l’as toujours fait. Et puis si tu y arrives, j’ai une surprise pour toi. Une surprise que va te plaire. Et puis on est tous derrière toi, même ton père.
— Heureusement que vous êtes là toutes les deux.
Sans plus aucun gène, Océane me serra dans ses bras et m’embrassa passionnément. Elle avait attendu deux semaines pour que nos baisés reprennent. Elle avait attendu que je sois la première à l’embrasser.
— Prête ? me questionna ensuite Emma.
— Oui.
Elle me tendit sa main que j’attrapais en me levant. Avec Océane à mes côtés, il était facile de reprendre goût à la vie. Qui voudrait abandonnée une déesse comme elle ? C’est avec un grand sourire que j’entrais de la Grande Salle, ma main dans celle d’Océane. Quand les informaticiens, de tout âge, me virent, ils me saluèrent d’une révérence. Tous sauf un. Un jeune homme qui préférait embrasser Juliette à la place.
— Juliette ! Ta sœur est là ! les interrompis-je pour l’embêter.
— Elena ! Enfin ! s’exclama aussitôt Emma en rigolant.
Je connaissais suffisamment Emma pour savoir à quel point elle était surprotectrice avec ses sœurs et en particulier avec Juliette. Cette dernière se mit à rougir en s’éloignant du jeune homme. Elle me rappelait moi au début de ma relation avec Océane. En pensant à ça, je ne plus me retenir de rire. Le visage d’Océane s’illumina alors. C’était la première fois en plusieurs mois que je riais.
— Bon retour parmi nous, Elena, me salua Juliette en s’approchant.
— Merci. Tu as fait du beau travail Juliette. Je n’ai jamais douté de toi.
— Il faut que je te présente quelqu’un ?
— Ah moi ? C’est Emma, ta sœur.
— Oh, mais je connais déjà ce petit garnement, enchaîna la concernée.
— Je vois.
— Du coup, je te présente Matéo, mon petit ami. Il faisait partie des informaticiens de ta mère et avait disparu un an avant ta prise de pouvoir.
— Matéo Marleau, pour vous servir, Votre Majesté, se présenta le jeune homme.
— Enchantée Matéo. Juliette, qu’est-ce que tu as leur dit ?
— Personnellement rien, mais ils ont entendu beaucoup de choses depuis leur libération.
— Super, merci.
— Ta voix, ça va mieux ? C’est toi qui vas faire le discours ?
— Non, c’est Océane. Si je force trop, je n’ai vite plus de voix et mal à la gorge.
— Je comprends.
Les deux amoureux s’éloignèrent et j’accompagnais Océane jusqu’au-devant du trône pour qu’elle fasse son discours. C’était aussi un moyen pour moi de la tester, pour savoir quelle Impératrice elle ferait quand on se marierait. Pour l’observer de plus loin, je m’éloignais d’elle et elle commença à parler. Comme prévu, elle évoqua la mort de ma mère, mon accession au trône, la recherche de Juliette pour les retrouver, le projet de mettre fin à la censure d’internet, mais surtout au travail qu’ils pourraient avoir au château pour rendre internet sûr pour tout le monde, sans aucun contrôle sur les vies privées.
Dans la salle, on pouvait entendre les mouches voler. Tout le monde écoutait Océane. Les plus jeunes garçons étaient surtout concentrés sur sa beauté, ce qui me fit sourire. Ils avaient raison, Océane était terriblement sexy dans sa légère robe blanche. Incapable de tenir en place, surexcité comme une enfant, je me devais de tester sa concentration. Je me plaçais derrière l’ensemble des informaticiens et tentais de la déstabiliser. J’enchaînais les grimaces, les baisées au vent, mais surtout des bêtises d’adolescente. À côté de moi, Emma était pliée en deux de rire, mais tentait de le cacher.
— J’en connais une qui va le regretter ce soir, joua Océane après avoir terminé son discours et répondu à toutes les questions.
Pour la taquiner encore plus, je me mordis la lèvre quand elle descendit de l’estrade. À son passage, le groupe se sépara en deux et les jeunes la détaillèrent de la tête au pied.
— Hé toi, baisse les yeux ! interpellais l’un des jeunes qui matait sa poitrine.
— Ex… excusez-moi, Votre Majesté.
— Elena, soupira Océane en croisant ses bras.
Je me rapprochais d’elle, au milieu de tous ses gens. Peu importe que je sois encore mariée ou non à Marc, peu importe que nous ne soyons pas seules, j’aimais Océane. Et aujourd’hui, je voulais que tout le monde le sache.
— Mais c’est que nous avons une Impératrice jalouse, critiqua-t-elle en me regardant droit dans les yeux.
— Hum… oui. Il n’y a que moi qui aie le droit de te regarder ainsi. Océ, ce discours, c’était un test.
— Je le savais, idiote.
— Non, mais ho ! Je ne te permets pas !
Pour me calmer, elle m’embrassa et les plus jeunes sifflèrent.
— Grâce à ce test, je suis maintenant certaine que tu feras une remarquable Impératrice à mes côtés.
— Mais je n’en ai jamais douté, mon amour.
— Épouse-moi.
— Non. Tu es trop impatiente, Elena. Attends encore un peu et je te ferais la plus belle demande en mariage de tout l’Empire.
— Combien de temps ?
— Oh, mais tu m’énerves ! rigola-t-elle. Si je te le dis, ça ne fera pas son petit effet.
— Très bien, très bien, j’attendrais.
Je lui tournais le dos, croisais les bras et me retenais de rire. L’instant suivant, elle entoura ma taille de ses bras et m’embrassa dans le cou. Je voulus annoncer le buffet organisé pour les informaticiens, mais j’en perdis la voix. Océane se retint de rire et fit l’annonce à ma place. Emma et Juliette devaient s’occuper de ce buffet pendant qu’Océane me montrait enfin sa surprise.
Dès qu’on put, on les laissa seuls pour aller s’enfermer dans ma chambre où Océane avait installé ses affaires. Désormais, le château était devenu son lieu d’habitation principale. Quant à ma chambre, elle était devenue la sienne.
— Alors, c’est quoi cette surprise ? la questionnais-je, assise en tailleur sur le lit, après avoir retrouvé l’usage de ma voix.
— La première c’est que ton père a annulé ton mariage à Marc. Juridiquement, c’est comme si tu n’avais jamais été mariée avec lui.
— Vraiment, c’est possible ?
— Ton père n’était pas Empereur pour rien.
— C’est super.
— Ensuite, comme tu as pu le comprendre, le Conseil à valider le mariage d’un couple comme le nôtre, à la seule condition que nous soyons le premier couple de femmes à se marier.
— Mais avec plaisir, rigolais-je. Plus vite on sera marié, plus vite…
— Minute papillon. On doit régler certaines affaires avant.
— Comme quoi ? demandais-je intriguée.
— Ta grand-mère. Je l’ai retrouvé, mais j’aimerais aller sur place seule avant que tu viennes avec moi. Tifna est une île libre, où les informations de l’Empire ne circulent pas. Ils ne savent peut-être pas que ta mère est morte et que tu es montée sur le trône. Mais j’ai réussi à entrer en contact avec celle qui faisait le lien entre l’Empire et l’île. Leurs frontières vont rouvrir.
— Et c’est qui elle ?
— Ta grand-mère. Mais elle ne sait pas qui je suis vraiment.
— Tu vas y aller comment ?
— En avion. Je vais devoir partir pendant trois jours, le temps d’étudier la situation sur place et je reviendrais ensuite de la même manière.
— Tu feras attention ?
— Bien sûr. Si ça peut te rassurer, je pourrais demander à partir avec des soldats habiller en civil.
— C’est une excellente idée. Ça me rassura, oui, de te savoir protéger dans un territoire inconnu. Surtout que là-bas, je n’ai aucun pouvoir.
— Je ferais comme ça alors.
— Tu comptes partir quand ?
— Tu me dis si tu es d’accord ou non. Mais je pensais partir demain, revenir dans trois jours, attendre un peu et repartir ensuite, toutes les deux.
— Demain ?
— Si tu ne veux pas, je peux attendre. Je ne veux juste pas que tu y ailles sans que j’aie vérifié la situation. On ne sait jamais, quelqu’un pourrait te reconnaître ou penser que tu es ta mère. Et cette île est peuplée de réfugiés politiques. Tous les habitants de Kelnya, la seule ville, ont tous fui ta mère.
— Alors, vas-y dès demain. Plus vite tu seras venu, plus vite je pourrais rencontrer ma grand-mère.
— J’aime cet état d’esprit. Je t’aime mon amour.
— Je t’aime aussi Océ.
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