45 - Citseko : Ils donnent ces infos à toute la classe

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Il se remit face à Indilk qui attendait la prochaine question.

-Quelle est la personne qu'il aime ?

L'adolescent rougit violemment, le cœur battant. Comment ils savent ça ? La réponse s'imposa naturellement. Ils devaient avoir connaissance de tout ce qui pouvait être utilisé comme moyen de pression. Et maintenant, ils donnent ces infos à toute la classe. S'ils voulaient leur faire comprendre ce qu'avait été le vrai but des Enfermements, c'était gagné. Indilk le dévisageait toujours et en même temps que Meb levait le bras, il le pointa du doigt.

-Meb.

Le même sifflement que plus tôt se fit entendre et Indilk put quitter sa cellule. La voix l'informa cependant qu'il ne pourrait quitter la salle qu'avec les autres. Citseko allait s'asseoir quand la voix annonça :

-« Quatre » et « dix-sept ».

Il se releva, un peu surpris, puis Elférad l'imita. Les mêmes questions arrivèrent et Citseko pu répondre au nom, blason et clan avec une certaine fierté.

-Combien a-t-il de frère et sœur ?

Il se fia aux signes d'Elférad pour répondre à la suite :

-Un.

-Mort ?

-Oui.

-Comment ?

C'est quoi ça encore ? Il vit Elférad lui présenter passer son pouce sur son cou. Assassiné ? Est-ce qu’il faut que je précise si c’était dans un duel ou quelque chose comme ça ? Citseko tenta de lui faire comprendre qu'il voulait un complément, alors qu'Elférad cherchait déjà un moyen de compléter l'information. Il le vit jeter un regard vers ses affaires, tenter d'écrire la réponse, mais se retint. Citseko se concentra. Bon, je peux juste dire qu’il a été tué et voir ce que le haut-parleur raconte. Voyant que tous avaient les yeux sur lui, il finit par répondre :

-Il a été assassiné ?

Il retint son souffle en attendant la réaction de la voix qui finit par demander :

-Comment ?

Aucune idée ne vint à Elférad pour préciser l’information, alors Citseko tenta :

-Un poison ?

La voix répondit :

-Asseyez-vous.

L’héritier d’argent articula des excuses à Elférad qui haussa les épaules. Tant que les réponses purent être mimées, certains réussirent à sortir. Lorsque la voix annonça que la nuit était tombée et qu'ils reprendraient le lendemain, Indilk, Neghttris, Bélera, Xutik et Falibi étaient les seuls dehors. Citseko mangea son sandwich en soupirant. Il avait espéré dormir à l'extérieur. L'espace dans la cellule était restreint et il serait obligé de dormir en boule, lui, qui préférait s'étendre.

Lorsque la voix les réveilla le lendemain, Citseko avait un torticolis et son corps était criblé de courbature. Il faut que je sorte aujourd'hui ou je vais pas être content du tout. Le jeu reprit et quand les cellules s'ouvrirent au moment où les surveillants livrèrent un nouveau sac de nourriture, les adolescents passèrent des uns aux autres pour compléter leurs informations. Citseko s'approcha d'Elférad :

-Il est mort comment ?

L'héritier d'or grimaça :

-On ne sait pas exactement. Mes parents sont sans doute au courant, mais ils ne m’en ont jamais parlé.

Citseko sentit une réticence chez le garçon et n'insista pas. Il alla récupérer deux sachets de nourriture avant de revenir à sa place. Il en posa un chez Meb et y ajouta une moitié de son sandwich. Il était clair qu'on leur avait fait sauter le petit-déjeuner. Citseko savait que son héritier d'or avait dû être affamé toute la matinée. Lui avait, bien sûr, prévu le coup et avait conservé la pomme qui lui restait. Il vaut mieux que je le prévienne, qu'il ne s'étonne pas.

-Meb ?

Le garçon, à quelques pas de lui, se retourna pour lui répondre :

-Quoi ?

-Je te donne une part de mon sandwich. Au cas où ça durerait encore un moment.

-OK.

Meb revint à ce qu'il était en train de noter.

-Citseko ?

Cette fois, c'est Hiloy qui était venue lui parler. Il s'inclina, alors qu'elle commençait :

-T'a combien de frère et sœur, déjà ?

-Cinq, tous en vie.

La Cinquième sembla n'avoir rien d'autre à demander, pourtant, elle resta là. Il finit par dire :

-Si tu veux autre chose...

Hiloy se lança :

-En fait, je voulais savoir s'il y avait une information en particulier, concernant Meb, que tu penserais nécessaire... que l'on connaisse.

Citseko regarda autour de lui :

-Tu penses aussi qu'ils cherchent à nous passer des renseignements compromettants.

Elle rectifia :

-Compromettant, je ne sais pas, mais ils ont l'air de vouloir révéler nos secrets, oui. Si on peut appeler cela des secrets. Je ne vois pas en quoi savoir qu'Elférad a un frère qui est mort va changer nos vies.

Citseko approuva :

-Nous, peut-être pas, mais pour lui, ça a l'air important. Il n'avait pas l'air ravi que je lui en reparle tout à l'heure.

-Ah oui ?

Hiloy posa un regard scrutateur sur Elférad :

-Ce qui me dérange, c'est qu'on ne cache pas tous quelque chose. On ne sera pas sur un pied d'égalité quand ce sera fini.

Citseko la dévisageait, bouche bée et elle crut ne pas avoir été assez claire :

-Je veux dire, maintenant, on sait tous qu'Elférad a un frère mort, alors que par exemple, moi, je n'ai pas de secret. Pas de membre de la famille qui ait été tué ou rien du tout.

L'adolescent l'observa avec douceur. Elle est mignonne.

-Je peux te dire quelque chose, Hiloy ?

La Cinquième hocha la tête en souriant :

-Bien sûr. Vas-y.

-Tout le monde a des secrets.

Elle réfléchit intensément :

-Je ne crois pas en avoir. Je le saurais si j'avais des secrets.

Citseko ajouta :

-Un secret, ici, peut être une information que tu n'as pas jugé nécessaire de partager avec la classe. Comme le frère d'Elférad ou le fait que je sois amoureux de Meb.

Hiloy montra qu'elle avait compris en hochant la tête :

-D'accord, mais pourquoi ils veulent que l'on sache ce genre de chose ?

Citseko s'étonna que l'évidence ne la frappe pas :

-Eh bien, savoir qui aime qui te permet de trouver des moyens de pression. Savoir qui est mort et par qui te permet de jouer sur une vengeance.

L'adolescente soupira :

-Je sais oui. Mais je ne vois pas qui dans la classe ça peut intéresser. Je ne vois personne ici qui pourrait vouloir te faire chanter en utilisant Meb.

Le regard du garçon se tourna vers Xutik et Gec-Nüj. On ne sait jamais.

-Fais attention, Hiloy. C'est facile de faire le gentil quand rien ne te menace. Attends les Grands Jeux pour savoir à qui tu peux faire confiance.

Hiloy eut un sourire amusé :

-Tu me fais penser à Tefpiro... en plus gentil.

-Qui ?

-Le Quatrième.

Citseko chercha dans sa mémoire et il crut bien avoir déjà entrevu les jumeaux au blason portant le chêne. Il eut un demi-sourire :

-C'est un compliment ?

Hiloy se pencha comme pour lui dire un secret :

-Il est en seconde année, pas une égratignure et c'est le Quatrième, je dirais que oui.

Il n'avait jamais vraiment parlé à Hiloy avant cet instant, mais il décréta qu'il l'aimait bien.

-Merci.

La voix leur demanda de rejoindre leur place. Falibi agita un mouchoir en guise d'au-revoir à Hiloy qui éclata de rire.

L'après-midi vit sortir Vish et Ze. Citseko ne comprenait pas pourquoi on permettait encore les esclaves. Il y avait quelque chose de dérangeant dans le fait qu'ils ne soient rien et pourtant, ne les comptait-on pas dans les activités ? S'ils n'étaient vraiment rien, pourquoi pouvaient-ils s'asseoir en classe avec les autres ? Citseko était presque certain que Ze avait eu droit à un numéro, comme elle avait eu droit à une cellule, même si elle n'avait jamais été appelée.

-« Huit » et « onze ».

Gec-Nüj et Hiloy se levèrent. L'adolescent répondit aux premières questions sans même avoir à réfléchir. Puis, arriva le tournant fatidique et la voix demanda :

-Pourquoi « onze » ne peut pas se battre avec le reste des Cinq ?

Citseko se redressa, se tournant vers Hiloy. C'est ça son secret ? La Cinquième parut réfléchir une seconde avant de claquer des doigts avec une expression signifiant « mais, bien sûr ». Ça n'a pas l'air de l'angoisser au moins. De son côté, Gec-Nüj prenait le temps de la réflexion. Il finit par jeter un regard à Hiloy qui se serra les mains et l'adolescent sembla comprendre de suite :

-Parce qu'ils ont fait une union.

Citseko ouvrit des yeux ronds. Il avait du mal à imaginer la portée que pouvait avoir une union entre les Cinq. Pourquoi ? Dans quel but ? Il eut beau chercher, il ne se souvenait pas que cela ait déjà eu lieu dans l'histoire de l'école. Alors qu'il se creusait le crâne, Gec-Nüj fut libéré et c'est avec un sentiment désagréable que Citseko le vit rejoindre son héritier d'or, libre lui aussi. Il jeta un regard à Meb. On n'est pas fameux tous les deux.

Ils passèrent une autre nuit dans la salle. Cependant, les informations continuaient de se compléter par mime et peu à peu, les cellules se vidèrent. Citseko fut libéré peu de temps avant l'arrivée du repas. Ce fut sur Lyert qu'il avait été interrogé et quand la question fut posée :

-Quelle est sa passion ?

Lyert fit une petite démonstration qui ne pouvait laisser aucun doute.

-La danse classique.

La voix lui avait alors permit de sortir. Lyert s'avança vers lui dès que les murs eurent disparu, avant l'entrée des surveillants :

-Tape.

Citseko claqua la main tendue :

-Tu es doué en danse.

Lyert parut ravi :

-Tu trouves ? Merci.

Matior les rejoignit :

-Il est magnifique.

Puis, ce fut Neghttris :

-Magique.

Et Elférad :

-Fantasmagorique.

Neghttris reprit :

-Plein de truc en -ique.

Matior lâcha rapidement :

-Classique, panique, fantastique, plumique, torrifique, horrifique...

Elférad le coupa :

-Tu te rends compte qu'il y a un mot sur trois qui n'a rien à faire là.

Neghttris passa un bras autour des épaules de son ami et ajouta :

-Voir, même, qui ne veut rien dire.

Elférad répéta :

-Même.

Meb arriva pour tirer Citseko en arrière :

-Ça va pas tarder à reprendre. Tu m'as pris à manger ?

Citseko sursauta :

-Ah, non, j'y vais.

Il perçut la tension entre les deux héritiers d'or et prit note qu'il devrait éviter le groupe d'Elférad pour un moment. Meb devait estimer qu'ils étaient assez proches comme ça. Il n'était pas bon qu'un héritier d'argent passe trop de temps avec un héritier d'or qui n'était pas le sien. Enfin, dans la façon dont je vois les choses. Il observa Qegh qui n'était même pas dans la même classe que son héritière d'or et qui passait le plus clair de son temps à discuter avec Theaon.

A côté du sac, Tahiya râlait auprès de son cousin :

-Tu verras que je serais la dernière à sortir. J'ai jamais de pot.

Citseko ne put s'empêcher de laisser échapper un demi-sourire. Il était bien soulagé de ne pas avoir à retourner dans sa cellule. Comme si cela avait été une prémonition, à la fin de la journée, il ne restait que Tahiya. Elle écrivit rapidement sur une feuille quelle plaqua contre la paroi, avant que la voix ne commence l'interrogatoire :

Évitez de me regarder comme un animal en cage, merci.

Il y eut quelques rires, mais la plupart attendait la suite avec une certaine inquiétude. Qu'elle échoue et ils seraient bloqués là une nuit de plus.

-« Douze » et « neuf ».

Indilk s'avança. Les premières questions passèrent sans problème.

-Combien « neuf » a-t-il de frère et sœur ?

Indilk leva un doigt.

-Un.

-Mort ?

Hochement de tête.

-Oui.

-Quand ?

Il leva de nouveau l'index et Citseko ne put s'empêcher de se demander si c'était mois ou année. De son côté, Tahiya répondit rapidement :

-Il y a un an.

-Où ?

Citseko entendit les râles que ces camarades laissèrent échapper et quelqu'un soupira :

-Ça va finir, oui ?

Indilk pointa le doigt vers le sol, ouvrit largement les bras pour embrasser la salle.

-Il est mort ici ?

Chacun retint son souffle, mais la voix reprit :

-Quelles conséquences ?

Cette fois, l'énervement général se fit entendre clairement, alors qu'Indilk restait concentré. Il pointa son veston, mais Tahiya plissa les yeux, hésitante. Xutik lança au garçon :

-Trouve autre chose. Je refuse de rester ici une nuit de plus.

Indilk réfléchit, puis montra, plus précisément, les broderies d'or à la jeune fille. Tahiya commençait à se faire une idée, mais hésitait encore à répondre. Elle ne tenait pas plus que les autres à être la cause d'une autre nuit loin de leur lit. Citseko s'approcha :

-Dis nous ce que tu veux lui faire comprendre, on peut peut-être t'aider.

Meb le retint :

-Je ne crois pas qu'ils vont le permettre.

Citseko chercha une caméra du regard, sachant très bien qu'il ne trouverait rien.

-Citseko.

Il sursauta quand Indilk l'appela et répondit d'une voix un peu forte :

-Oui ?

-File moi ton veston.

Il obéit sans poser de question. Indilk retira le sien et posa celui de Citseko, aux broderies d'argent, sur ses épaules. Tahiya lui prêta toute son attention. Il enleva le manteau, remit le sien. Citseko réfléchissait également à la signification de ces mimes. Il a montré la pièce. Son frère ou sa sœur est mort il y a un an. Il change de manteau... parce qu'il n'était pas un héritier d'or à l'origine. Ça devait être son frère ou sa sœur aîné. Il crut bien que son cœur allait exploser lorsqu'il entendit Tahiya répondre :

-Indilk est devenu un héritier d'or à sa mort. Il est le cadet.

Un tintement se fit entendre et des cris de joie emplirent la salle.

-Vous pouvez rejoindre votre dortoir.

Ils ne se firent pas prier et ce fut presque une course dans les couloirs. Citseko n’aurait jamais imaginé être si heureux de se retrouver à l’air libre. La journée s'achevait. Les secondes années devaient être en train de dîner, mais Citseko ne rêvait que d'une douche et d'une bonne nuit de sommeil.

Meb cria en voyant son lit et se jeta dessus en faisant semblant de pleurer :

-Mon lit, tu m'as tellement manqué.

Citseko s'allongea sur le sien avant de poser une question fondamentale :

-Tu crois qu'on doit faire nos devoirs ?

Meb grommela dans son oreiller :

-Ils peuvent aller se faire foutre.

-Je trouve aussi.

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