55 - Elférad : Il va me bouffer le bras

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Encore quelques minutes et ils arrivèrent à un escalier. Leur lampes leur révélèrent la présence d'une trappe de métal comme à leur point d'entrée.

-Va falloir qu'on essaie de soulever tous ensemble.

Ils montèrent les marches, se calant comme ils le pouvaient sous la plaque et poussèrent. Elférad accueillit les quelques rayons de soleil avec reconnaissance, mais il sentit le poids du métal s'appesantir sur ses épaules et dût laisser tomber. Tahiya reprit son souffle en leur révélant :

-Il y a un truc qui bloque.

Elférad grogna, déçu de ne pas pouvoir sortir de suite :

-Laisse-moi voir.

Ils échangèrent leurs places. Assis sur l'une des dernières marches, le dos contre la plaque, Elférad donna le signal et ils poussèrent. Un regard dans l'intervalle qu'ils dégageaient lui permit d'apercevoir une chaîne.

-Lâchez.

La plaque retomba lourdement.

-Je crois que c'est attaché.

Xutik tapa dans ses mains :

-Bon, demi-tour alors.

Laxo demanda :

-Attaché comment ?

Tahiya jeta un regard à Elférad même s'il ne pouvait pas la voir dans le noir :

-C'était comme une chaîne.

Il confirma :

-Ouais, une assez grosse chaîne, mais j'ai pas vu de cadenas ou comment ça tenait exactement.

Qegh proposa :

-Si on soulève plus, tu peux essayer de passer le bras pour voir comment c'est ?

Elférad acquiesça :

-Je peux, mais dès qu'il y en a une qui lâche, elle prévient.

Xutik s’insurgea :

- Non mais je rêve ou…

Les autres approuvèrent, se remirent en place et soulevèrent en chœur, dégageant une plus grande ouverture. Elférad y passa le bras rapidement, désireux de ne pas s'attarder dans cette position. Il tâtonna la chaîne pour en trouver les bouts :

-Je crois que c'est juste enroulé autour....

Un poids soudain se fit sentir, rabattant violemment la plaque sur le bras de l'adolescent qui commença à hurler. Les autres manquèrent de dévaler les marches, s'accrochant à ce qu'ils pouvaient.

Elférad serra fortement les dents, soufflant de toutes ses forces, fermant les yeux pour ne pas être distrait par les flash des lampes qui allaient dans tous les sens. Il se concentra sur la douleur de son bras. Elle va partir, elle va partir... il réussissait à peine à respirer plus régulièrement quand quelque chose appuya de nouveau sur la plaque, ravivant la douleur. Elférad sentit les larmes perler aux coins de ses yeux, mais s'efforça de ne pas crier et jeta un œil par l'ouverture. Il aperçut son poing serré à l'extérieur.

-Il y a quelque chose qui marche dessus.

La voix de Falibi n'était pas plus qu'un murmure et Elférad n'y prêta pas attention, concentré sur son bras. Qegh fut la première à retrouver ses sens et à agir. Elle agrippa le garçon :

-Il faut le tirer de là.

Tahiya s'assit près de lui :

-On va soulever. Qegh tu tires son bras. Falibi, t'es plus grande, mets-toi là.

Elle continua à donner des instructions, mais la seule chose qu'Elférad perçut, fut le museau qui s'approchait de sa main. Il va me bouffer le bras. A cet instant, Tahiya leur ordonna de pousser. Dans un concert de grognements et de cris, ils obéirent. Elférad relâcha sa respiration dès que la plaque se sépara de son bras. Qegh le tira aussitôt :

-C'est bon.

Ils relâchèrent la plaque aussitôt, descendirent les marches en trébuchant et se bousculant, cherchant à récupérer leurs forces. Elférad observa son bras comme s'il s'agissait d'un corps étranger.

-Il est cassé ?

La question de Falibi se perdit sous le choc sourd qui résonna dans le tunnel. Ils se figèrent, fixant les plaques de métal, incapable de bouger. Au deuxième choc, Xutik cria :

-Il faut qu'on bouge !

Sans attendre, il prit ses jambes à son cou. Falibi entraîna Elférad qui eut du mal à détacher ses yeux du métal qui tremblait sous les coups de la Bestiole. Ils coururent à en perdre haleine, les faisceaux de leurs lampes passant du sol aux murs dans un désordre complet, poursuivis par les chocs répétés de la Bestiole qui s'acharnait sur les plaques. Ils entendirent bientôt l'effondrement de celles-ci, suivit de la cavalcade d'une bête imposante. Qegh jeta un regard terrifié dans l'obscurité du couloir derrière eux :

-Elle approche.

Elférad fit de son mieux pour ignorer la chose qu'il entendait courir derrière eux. Il se concentra sur ses pieds, se répétant qu'il ne devait pas trébucher. Quand le garçon aperçut la lueur du jour par la trappe qu'il avait laissé ouverte, un regain de force le porta en avant. Tahiya et Laxo furent les premières à atteindre l'extérieur. Xutik juste derrière. Tahiya et l'adolescent s'occupaient déjà de refermer la porte quand les trois derniers sortirent.

-Aidez-nous, vite !

Elférad ne sentait toujours pas son bras et ne fut pas d'une grande aide. Ils avaient à peine réussi à refermer que la Bestiole arrivait, donnant un coup dedans. Ils crièrent de surprise en voyant la plaque se soulever sous le choc. Tahiya lança :

-Dessus, venez dessus.

Ils suivirent son exemple en se laissant tomber sur la trappe, sauf Falibi. Les mains tremblantes, la jeune fille cherchait frénétiquement quelque chose sur sa tablette. Un nouveau choc manqua de les faire basculer :

-Falibi, qu'est-ce que tu fous ?!

L'adolescente bégaya :

-Je cherche des informations... peut-être qu'ils nous disent...

Xutik gronda :

-On l'a même pas vue. Arrête d'être con et ramène-toi !

Falibi sembla se réveiller pour réaliser la situation. Elle les rejoignit sur la plaque, alors que celle-ci se soulevait de nouveau. Qegh demanda, la voix tremblante de panique :

-On fait quoi ? Elle va finir par nous éjecter.

Un silence lui répondit. Appuyant de tout son poids, Elférad aurait aimé pouvoir chercher une solution, mais toutes ses pensées étaient centrées sur son bras et la Bestiole sous la plaque. Il y eut un instant de répit, avant que, soudainement, une corne ne transperce la trappe. Ils se figèrent, les yeux ronds devant ce nouvel élément. Tahiya se ressaisit et chercha à la saisir :

-Attrapez là !

Personne d'autre n'eut le temps de bouger que la corne disparaissait déjà. L’adolescente lâcha un juron en se penchant au-dessus du trou laissé. Laxo s'inquiéta :

-Qu'est-ce que tu fais ?

Tahiya plissa les yeux pour tenter d'apercevoir la Bestiole et se mit à siffler. Les autres la regardèrent faire, sans comprendre. Brusquement, une large patte griffue aux poils gris surgit pour la saisir. Tahiya s'écarta à temps et plaqua la patte contre le sol :

-Qegh ! Prends-la !

Laxo était la plus proche d'elle et obéit rapidement. Tahiya en profita pour courir au fleuve pour ramasser la plus grosse pierre qu'elle put trouver. Lorsqu'elle revint, l’héritière d’or commença à frapper la patte de toutes ses forces et à répétition. Ils la regardèrent faire avec des yeux horrifiés. Sous la plaque, la Bestiole hurlait de rage. Laxo commença à flancher quand les premières gouttes de sang se mirent à lui couler sur les mains. Lorsque la créature commença à pousser des petits cris plaintifs ressemblant à ceux d'un chien en détresse, l'héritière d'or lâcha prise et la patte disparut dans le trou. La Bestiole s'enfuit en geignant, tandis que Tahiya jetait un regard rageur vers Laxo :

-Pourquoi t'as fait ça ?

Laxo bafouilla :

-Elle avait mal. Elle a pleuré.

-Non, mais je rêve là ! Ça veut nous tuer, t'en as conscience ?!

Elférad intervint, prenant le ton le plus autoritaire qu'il put à cet instant :

-Tahiya, ça suffit.

Bien que cela lui parut faible, il soutint le regard de la jeune fille qui finit par s'écarter, s'éloignant vers la forêt à pas furieux. Elférad la regarda s'éloigner, en se demandant soudain à quel âge on l'avait retiré de la zone de départ. C'était de là qu'on récupérait les enfants lorsqu'une famille d'un clan le voulait et ce n'était un secret pour personne que cet endroit était dangereux. Les personnes isolées, sans clan, se retrouvaient à vivre dans un endroit d'une grande pauvreté. Les enfants livrés à eux mêmes volaient ou assassinaient pour survivre. Tahiya ne se rendait probablement pas compte qu'elle se trouvait avec des adolescents qui, bien qu’entraînés, n'avaient jamais eu à faire preuve d'une véritable violence. S'ils en avaient été témoins, il était rare qu'ils agissent de même avant d'entrer à l'école des héritiers.

Laxo avait les larmes aux yeux et tentait d'essuyer le sang de ses mains sur le pantalon qui dépassait de sous sa jupe :

-Vous l'avez entendu pleurer aussi, non ? Ça pleurait.

Falibi alla l'enlacer pour la calmer, alors qu'Elférad essayait de la rassurer :

-Ce n'est pas grave, Laxo.

Xutik finit par se lever :

-On doit y aller.

Elférad suivit son exemple, mais il prévint d'abord Tahiya qui faisait des aller-retour près des arbres :

-On va y aller.

Elle répliqua :

-Où ça ?

Elférad pointa la direction qu'ils suivaient avant de découvrir la trappe. L'adolescente leva les yeux au ciel avant de se remettre en route. L'héritier d'or laissa les autres partir devant, marchant lentement, le temps d'analyser l'état de son bras. Il avait retrouvé la sensation dans ses doigts et pouvait les bouger. C'est une bonne nouvelle. Avec précaution, il commença à retirer son veston. Le voyant faire, Qegh lui proposa son aide.

-C'est bon. Je veux juste voir dans quel état il est.

Elle ralentit pour marcher à sa hauteur :

-Donne ta veste.

Il la lui tendit avant de remonter la manche de sa chemise. Une marque incrustée dans sa chair commençait déjà à changer de couleur. Qegh fronça le nez :

-Au moins, ça n'a pas l'air cassé.

Il acquiesça :

-Non, je le bouge sans problème.

Le jeune homme le fit tourner encore un peu pour s'assurer que ses gestes n'éveilleraient aucune douleur, puis récupéra sa veste. Ils accélérèrent le pas pour rejoindre les autres.

-Laxo ? Ça va mieux ?

Elle se tourna vers lui :

-Oui, désolée.

Qegh la rassura :

-Pas la peine. Qu'est-ce qu'elle voulait faire avec cette pierre de toute façon ? Lui couper la patte ?

Ils portèrent tous leur regard sur Tahiya qui avait repris la tête. Xutik ne put s'empêcher de lancer :

-Maintenant qu'on a perdu un bon moment dans ce foutu tunnel, j'espère que ça ne nous pénalisera pas pour la suite.

Tahiya lui accorda à peine un regard :

-Il fallait bien tenter.

Il ricana :

-Rien ne dit qu'on aurait débouché de l'autre côté.

La dispute ne tarda pas à prendre et le reste du groupe se contenta de marcher en silence. Ils progressèrent sans s'arrêter, le long du fleuve. Au bout de deux heures, Xutik finit par craquer :

-Ça sert à rien. On va nulle part, là.

Tahiya soupira en s'arrêtant :

-Y a toujours rien, c'est vrai. Pas même un passage où on aurait pied pour traverser.

Falibi se laissa tomber sur le sol pour se reposer, pendant que Qegh demandait :

-Une idée sur ce que l'on doit faire ?

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