80 - Elférad : Il n'y a qu'une personne qui puisse sortir comme elle veut
Gzadien appuya son menton sur l'épaule du garçon pour lire. Au bout d'une minute de silence, Elférad demanda :
-C'est bon ? Je peux la ranger ?
L'héritier d'argent ne répondit rien et Elférad tourna légèrement la tête pour voir son expression :
-Gzadien ? T'as fini ?
Celui-ci avait l'air sombre, les yeux toujours sur la note. Il finit par inspirer profondément :
-Oui. C'est bon.
Elférad la remit dans sa poche en disant pour le rassurer :
-T'inquiètes pas. Je me doute que c'est des conneries, comme les autres.
-Toi, mais Neghttris ? Pourquoi tu as voulu lui parler en privé ?
L'héritier d'or mêla ses doigts à ceux du garçon :
-Neghttris s'inquiète. Il a peur que tu ais raté un truc.
Gzadien retomba dans le silence. Elférad lui tira une mèche de cheveux :
-Fais pas cette tête, je te dis. Je lui ai dit de ne rien faire. Je veux m'en charger moi-même.
L'adolescent lui déposa un baiser dans le cou avant de commencer :
-Dorase n'était pas très utile. J'ai demandé à son héritière d'argent si elle, elle avait noté des choses bizarres, mais pas plus. J'ai écrit à mes parents pour savoir s'ils avaient eu des menaces quelconques, s'ils s'étaient embrouillés avec une famille de notre nouveau clan, mais rien. J'ai entendu parlé du Second des cinq. Il paraît qu'il sait tout sur tout le monde, mais qu'il y a un prix à payer. Alors, j'ai pas voulu le voir. J'ai essayé de revenir vers Dorase, j'ai fait un tour auprès de sa classe, mais mis à part qu'il est angoissé à en être cardiaque, je n'ai rien appris. J'ai aussi tenté le service de poste. Je crois que je vais finir par aller voir le Second.
Elférad se crispa :
-Non, c'est pas la peine. Je ne vois pas comment il pourrait en savoir plus.
-Tu crois ? Il faudrait quand même tenter le coup, non ?
-Non, non. Le coup du prix à payer, c'est jamais bon.
L'héritier d'or savait bien ce en quoi consistait l'échange proposé par le Second. Il n'avait pas voulu le voir en espérant que Gzadien s'en sortirait, mais si maintenant, son copain songeait à le rencontrer, il préférait le faire lui-même.
-Je vais trouver autre chose.
Elférad proposa :
-Je sais qu'on pensait qu'il était préférable que je ne m'en mêle pas au début, mais vu que cette note m'est clairement adressée, on peut dire qu'on est visé tous les deux...
-Tu veux chercher de ton côté ?
L'adolescent acquiesça :
-Ça rassurerait Neghttris.
Gzadien plissa ses yeux bridés :
-Tu ne commencerais pas à te méfier de moi ?
Elférad lui enfonça son coude dans les côtes :
-T'as pas d'autres questions à la con ?
Gzadien lui embrassa l'oreille :
-Une seule.
L'héritier d'or prit la parole avant qu'il ne continue :
-Moi aussi, dis donc. Que fait ta main sous ma chemise ?
-Eh ben, justement. Je me demandais si tu n'avais pas trop chaud avec TOUS ces vêtements ?
Elférad éclata de rire.
Il se réveilla paniqué sans savoir pourquoi. Son cœur battait la chamade, sa respiration était entrecoupée et en ouvrant les yeux dans la pénombre, l'héritier d'or eut un instant le sentiment d'être dans un refuge. Non, c'est fini. Je suis dans ma chambre. Tout va bien. Il n'y a rien. Il réussit à reprendre le contrôle de sa respiration et son cœur s'apaisa. Elférad réalisa soudain la pression autour de son poignet. Elférad baissa les yeux et vit la main de Gzadien cramponnée à son bras. Il sentait le souffle de l'adolescent sur son dos :
-Gzadien ? Ça va ?
Sans réponse, il se tortilla pour se tourner de l'autre côté, faire face à l'héritier d'argent. Le mouvement ne le réveilla pas, sa poigne emprisonnant toujours son poignet. De sa main libre, Elférad lui caressa le visage, essuyant une larme qui s'échappait au coin de l'œil :
-Gzadien ? Réveille-toi. Tout va bien.
Le jeune homme finit par ouvrir les yeux. Elférad lui posa un baiser sur le front, puis le nez avant de lui montrer son poignet emprisonné :
-Libérez-moi, monsieur le surveillant, c'est une erreur judiciaire.
Gzadien eut un rire sans joie en embrassant le poignet libéré :
-T'es con.
Il passa une main sur ses joues :
-J'ai pleuré ?
-Non.
-Menteur.
Elférad passa une main dans ses cheveux :
-Si tu veux parler.
Gzadien se blottit contre lui :
-Je n'ai pas envie. Ça va passer.
-OK.
Un claquement de porte le réveilla en sursaut. Au moins, cette fois, il fait jour. Elférad resta immobile à écouter le silence. Avait-il vraiment entendu une porte claquer ? Puis, même, ça n'a rien d'anormal. Il referma les yeux pour se rendormir quand il réalisa ce qui le gênait. Son réveil marquait cinq heures. Les portes n'étaient pas ouvertes. L'adolescent hésita une seconde, après tout, ça ne le regardait pas, mais finit par se lever. Il enfila rapidement son pantalon bleu qui traînait au sol et se dirigea vers la porte pour tenter d'entendre s'il se passait quelque chose dans le couloir. Tu ne vas rien entendre. Qui que ce soit, il a largement eu le temps de partir le temps que tu te décides. Le garçon s'écarta de la porte. T'es con ou quoi ? Il n'y a qu'une personne qui puisse sortir comme elle veut.
-Elf ? T'es où ?
Il revint dans la pièce pour se diriger vers la fenêtre.
-Qu'est-ce que tu fais ?
Elférad observa les jardins avec attention en espérant apercevoir quelque chose.
-Elf ? Qu'est-ce que tu fais ?
-Je crois que lae Cinquième est en vadrouille et je me demande si je ne peux pas voir où iel va d'ici.
Gzadien grinça :
-Il est cinq heures du mat, un jour de repos et tu espionnes les voisins. T'as rien de mieux à faire ?
Elférad finit par ouvrir la fenêtre pour se pencher à l'extérieur :
-Tu ne trouves pas ça bizarre qu'iel se lève si tôt ?
L'héritier d'argent se leva pour enfiler un pantalon :
-Fais gaffe, ne te penche pas autant. Tu sais que t'es pas très discret pour un espion.
Il rejoignit Elférad à la fenêtre :
-Tu vois quelque chose ?
L'héritier d'or se rejeta en arrière en se mordillant la lèvre :
-C'est louche.
-Pourquoi ? Iel a peut-être envie de manger tranquille.
Elférad grimaça :
-Non, les cuisines sont fermées.
Gzadien le dévisagea avec un petit sourire amusé :
-Pourquoi iel t'intéresse tellement tout d'un coup ?
-Il y a eu un moment dans le grand Enfermement où iel a avoué avoir formé une union avec les autres héritiers des cinq.
Cette fois, l'héritier d'argent retrouva son sérieux :
-Comment ça une union ?
Elférad fit un geste vague de la main :
-Pas grand chose apparemment. Neghttris lui a demandé et il semblerait que ce soit en cas de besoin, un truc comme ça.
-En cas de besoin ?
L'adolescent acquiesça :
-Oui, je pense que si l'un d'eux à des ennuis, les autres vont l'aider, je suppose.
Gzadien croisa les bras en jetant un regard dehors :
-Si c'est que ça, pourquoi tu l'espionnes ?
-Parce que si c'est que ça, pourquoi iel se glisserait dehors en douce à cinq heures du matin ?
L'héritier d'argent leva un doigt impérieux :
-Seulement ! Ce n'est pas parce qu'iel sort à cinq heures du matin, qu'iel a un rendez-vous secret avec les autres.
Elférad ricana :
-Tu vois, tu penses comme moi.
-Vraiment ? Je croyais que tu voulais l'espionner pour découvrir un secret et lae faire chanter ensuite.
L'héritier d'or prit un air blasé :
-Tu me connais tellement bien, c'est fou.
Gzadien haussa les épaules :
-Mais oui, je sais. Un genre de sixième sens.
-Bon, et bah, puisque c'est comme ça. Je vais à la douche.
Il alla chercher des affaires propres dans son armoire, alors que Gzadien jouait les choqués :
-Ta douche ? Il est pas six heures. Qu'est-ce que tu veux faire ?
Elférad prit un jean et un T-shirt en répliquant :
-J'ai des trucs à faire aujourd'hui.
L'héritier d'argent vint le prendre dans ses bras :
-Quoi comme truc ?
Elférad lui fit un sourire charmeur :
-Rien de ce que t'as en tête.
Il s'échappa et courut s'enfermer dans la salle de bain. Elférad resta un long moment sous le jet d'eau chaude à réfléchir à ce qu'il devait faire. Il n'avait pas pensé à demander le nom du seconde année qui lui avait porté le papier, mais il avait noté le blason. Par contre, je ne vois pas à quoi ça m'avance. Il n'a certainement aucune idée de ce qu'il se passe. Pour lui, il avait juste transmis un message sans importance. Elférad soupira. Il ne voyait pas d'autre option que de demander de l'aide au Second. Il coupa l'eau, se sécha, s'habilla et sortit pour retrouver Gzadien affalé sur le lit, la note entre ses doigts. En croisant le regard d'Elférad, il s'empressa de dire :
-Alors, ce n'est pas ce que tu crois. Je l'ai trouvée par terre. Toute seule, inerte, je me suis senti obligé de la ramasser.
Elférad eut un petit rire en venant s'asseoir à califourchon sur les jambes étendues de l'adolescent :
-Je m'en doute bien.
Gzadien continua de jouer avec en demandant l'air de rien :
-C'est à cause de ça que t'as des trucs à faire aujourd'hui ?
Elférad lui reprit le mot d'un geste sec :
-Non, c'est pas ça.
Il vit l'amusement se dessiner sur le visage de Gzadien.
-Qu'est-ce que t'as encore ?
L'adolescent passa les bras autour de son cou et Elférad le fixa avec méfiance.
-Tu sais, c'est pas grave si t'arrives pas à avoir de secret. Je t'aime quand même.
L'héritier d'or eut un sourire carnassier :
-Tu veux jouer à ça ? Tu crois vraiment que je ne me suis pas rendu compte que tu m'avais menti ?
Gzadien se crispa une seconde, avant de se détendre :
-Moi ? Quand donc ?
-Hier, tu m'as gentiment raconté tout ce que tu avais fait ces derniers temps.
Son copain se défendit :
-Je ne voulais pas que tu te sentes trop con de m'avoir laissé lire le mot sans contrepartie.
-C'est-y pas meugnon.
Elférad l'embrassa avant d'ajouter :
-Cela ne t'a pas empêché de me mentir dans ce que tu m'as raconté. Je ne sais pas exactement à quel moment, c'est sûr, mais je sais que quelque chose sonne faux.
Ils se sourirent, se dévisageant un moment, avant que Gzadien ne reprenne :
-Sinon, tu crois que tu vas le trouver où le Second ?
-Oh, je vois. On est direct.
-Oui, tu sais quoi que j'ignore sur lui ?
Elférad hésita :
-J'ai pas envie que tu viennes.
Gzadien prit un air malheureux :
-Pourquoi ?
L'héritier d'or se redressa :
-Parce que c'est toi qui as dit que tu voulais enquêter dans ton coin. Maintenant, c'est moi qui veut enquêter dans mon coin.
Gzadien corrigea :
-Alors, attends ! Parce qu'au début, vu qu'il n'y avait que mon nom, on a supposé que j'étais le seul visé. Donc, c'était mieux de ne pas t'impliquer. Mais maintenant, vu que le mot t'es clairement adressé, on est en droit de penser que nous sommes tous les deux visés et par conséquent, on peut chercher ensemble.
Elférad sortit le mot de sa poche pour le relire :
-Ouais, sans doute.
Il lut chaque mot, chaque phrase avec attention en espérant en tirer un indice.
-Je ne comprend pas pourquoi écrire ça en particulier ? S'il me connaît suffisamment pour savoir où me trouver, il devrait savoir que ce genre de chose ne sert à rien.
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