Je me presse d'entrer dans le Mercy Brown. Une douce chaleur m'enveloppe, signe que les cheminées sont allumées.

• Mademoiselle Kolownski ! Quel plaisir de vous revoir dans notre établissement !
  Je me retourne avec un grand sourire.
• David, tu sais très bien que c'est mon endroit favori pour étudier !
  Depuis que je suis arrivée à Cracovie pour échapper à mon passé, j'ai repris mes études en licence de psychologie. J'adore l'ambiance de cette ville, surtout quand un manteau de neige recouvre ses rues. Je me précipite vers ma place habituelle, bien décidée à réviser mon examen de psychologie sociale.
  Soudain, la porte du bar s'ouvre et trois hommes entrent, emmitouflés dans des parkas noires. L'un d'eux m'intrigue tout particulièrement, car je suis sûre de l'avoir déjà croisé, mais je n'arrive pas à me rappeler où. Je me plonge dans mes révisions pour éviter d'être prise pour une voyeuse.
• Czy miejsce jest zajęte ? (La place est-elle occupée ?)
  Je sursaute, n'ayant pas vu l'un des hommes s'approcher. De plus près, je peux affirmer que c'est un beau garçon. Grand, aux cheveux bruns, il a une carrure impressionnante et il émane de lui une aura très forte.
• Nie, osiedl się, jeśli chcesz. (Non, installez-vous si vous le souhaitez.)
  L'homme me sourit, et s'installe sur la chaise vacante devant moi.
• Ce pays est très froid, vous ne trouvez pas ?
• Oui, mais j'aime beaucoup ce temps, bien plus que la chaleur étouffante.
  L'homme rit à gorge déployée. Je rougis légèrement, car même son rire est attirant. Je le vois jeter des regards circulaires autour de la salle, mais personne ne semble nous prêter attention.
• Que faites-vous sur votre ordinateur ?
• Je révise un de mes cours, mes examens arrivent à grands pas et c'est la dernière ligne droite pour que je puisse obtenir mon diplôme.
• Intéressant. Et que travaillez-vous donc ?
• La psychologie sociale.
• Je trouve que c'est un très beau choix. Votre visage m'inspire confiance, vous feriez une très bonne psychologue.
  Je rougis à nouveau, flattée d'avoir un compliment d'un homme aussi beau, bien que je le trouve très avenant. Soudain, il me tend une cigarette sortie de son paquet.
• Vous fumez ?
• Oui, mais très rarement, surtout lors d'occasions spéciales.
• Voulez-vous m'accompagner dehors ? Je pense que notre rencontre est une de ces occasions.
  À ces mots, il se lève et sort par la porte de la terrasse. Troublée, je le suis, me disant que je dois bien vivre ma vie de jeune adulte, même si ce n'est pas une histoire sérieuse. Du haut de mes 23 ans, je n'ai connu que très peu d'hommes dans ma vie, et je manque cruellement de distraction depuis que j'ai quitté l'Italie. Je range mes affaires que je glisse dans ma sacoche, enfile mon manteau en laine et rejoins l'homme à l'extérieur. Mais en arrivant dehors, je ne le vois pas. Ne comprenant pas, je décide de m'avancer légèrement vers le trottoir, me disant qu'il s'est peut-être placé sous le porche.
  Soudain, une douleur fulgurante me traverse l'omoplate et ma vision s'obscurcit.
• Tient donc, mia cara, ça fait un moment que je te cherchais...
  Un homme se tient derrière moi, m'encerclant le buste pour retenir ma chute. Sa voix m'est étrangère, mais l'utilisation de ma langue natale me glace le sang. Il m'a retrouvée, j'en suis persuadée. Je me sens sombrer encore plus profondément dans le sommeil, mais je n'arrive pas à lutter. J'entends plusieurs voix autour de moi, parlant un italien parfait, mais je finis par m'endormir, assommée par la substance qui circule dans mon corps.