Chapitre 14 :
— On doit faire quelque chose. On ne peut pas laisser cela sans rien faire ! On fait ce que l’on a dit, n’est-ce pas ? demanda Kilian qui faisait bouger sa jambe, impossible pour lui de ne pas bouger avec la tonne de stress qu’il ressentait.
— Oui, on le fait, affirma Ethan accompagné d’un hochement de tête. Il faut juste trouver le bon moment pour le faire. Il ne faut pas que les autres nous voient, sinon c’est fini !
—Vous êtes fou. Vous le savez cela ? soupira Liam sur un ton sarcastique.
Les deux jeunes hommes ne répondirent pas. Kilian et Ethan étaient tous deux assis sur des fauteuils de la chambre de ce dernier pendant que Liam arpentait la pièce. Le jeune homme se remettait tout doucement de la mort de Cassandra et de Charles, pour se changer les idées, il tenait à aider ses amis. Même si l’action semblait primordiale pour lui permettre de ne plus y penser, il jugeait le plan de ses amis très moyen, vraiment limite. Le problème, c’est qu’il n’avait pas un meilleur plan à leur proposer alors il ne se contentait que de partager son avis pour les faire réfléchir. Sauf qu’il savait bien que quand Kilian avait quelque chose en tête, il le faisait avec détermination. Cela y compris. L’adolescent supportait tant bien que mal les cachotteries de ses collègues même s’il en avait connaissance, mais ce qui l’énervait le plus, cela avait été d’être utilisé pour faire le mal, et cela, il ne comptait pas se priver de le dire. Mais encore fallait-il trouver le bon moment ! Kilian ne l’avait pas encore trouvé, alors il ruminait dans son coin. Il avait tenté de contacter Iris et Samuel sans succès, et personne d’autre ne lui avait répondu. Il ne nourrissait que très peu de confiance en l’association puisque Mme. Keys la dirigeait, mais il s’inquiétait pour son amie d’enfance. Peut-être était-elle juste partie en mission, mais Kilian connaissait son caractère mieux que personne. Iris Smarta était rebelle et imprévisible, donc toujours en danger.
— Bon, je passe voir Fred, puis je te rejoins devant la chambre de Camille pour la confronter. À cette heure-là, elle s’y trouve et s’y enferme pendant au moins deux heures. Cela nous laisse du temps libre, annonça Kilian en se levant.
— Si tu arrives à accéder à la chambre de Fred, nuança Ethan avec mélancolie. Je te rappelle qu’il a peur de te contaminer et qu’il ferait tout pour t’éloigner de lui pour ne prendre aucun risque. La dernière fois, je te rappelle que cela a tourné au fiasco et tu t’es retrouvé avec un doigt coincé dans la porte !
— C’était un accident, bredouilla le conseiller en grimaçant et en jetant un coup d’œil à son ongle qui prenait une teinte violette presque noire. Je lui ai promis de ne plus venir. Avec chance, il n’a pas fermé à clé et je pourrais y accéder rien qu’en toquant car il pensera que je lui ai obéi.
— Vous me fatiguez, soupira Liam en s’arrêtant enfin de marcher avec une mine sérieuse. Je comprends qu’il ne veuille pas te voir mais je connais aussi le sentiment que tu ressens. Et même si Fred ne serait pas d’accord avec ce que je dis… je trouve que c’est important que tu ailles le voir. Je t’assure pour le moment il va bien.
— Il est malade ! s’emporta Kilian plus qu’il ne l’aurait voulu. De la même maladie qui a tué Charles et Cassandra. Il a failli faire un malaise en Kuyinto, Christian me l’a avoué ! Tu ne vas pas me dire qu’il est guéri maintenant !
— Bien sûr qu’il n’est pas guéri ! Mais il n’a pas fait de malaise depuis et il n’a plus mal à la tête. Oui il est un peu plus pâle que d’habitude, oui il dort moins bien, mais il va bien. Lui-même m’a dit qu’il pourrait courir à l’air libre ou s’entraîner pour se défendre, il en serait totalement capable ! L’Opartisk lui est bénéfique et la maladie gagne moins du terrain et les docteurs sont d’accord. Tu penses qu’il est gravement malade car il ne veut pas te voir, mais la vraie raison est juste qu’il ne veut pas que toi, tu sois malade.
Kilian comprenait pourquoi Fred faisait cela, et lui-même l’aurait fait à sa place. Mais il savait aussi que si les rôles étaient inversés, son petit-ami se serait comporté de la même manière que lui. Il pouvait comprendre, du moins il l’espérait.
Liam l’accompagna pour lui permettre d’accéder à la chambre de Fred qu’il n’occupait que depuis son retour de Kuyinto. Avant, il se trouvait toujours dans celle de Kilian. Rien que de penser à cela, le cœur du jeune homme se serra : il n’était plus habitué à dormir seul et il se sentait isolé. Pendant le chemin, son ami tenta de lui faire changer d’avis sur son plan, mais c’était peine perdue. Kilian voulait absolument régler cela, il estimait que cela traînait depuis beaucoup trop de semaines. Arrivé à la chambre, Kilian toqua.
— Qui est là ? demanda Fred d’une voix forte, et cela lui faisait du bien de l’entendre.
— C’est Liam ! Est-ce que je peux entrer ?
— Vas-y !
Liam lança un regard approbateur à Kilian qui prit une inspiration en s’imaginant une déferlante de reproche. Puis il abaissa la poignée et pénétra dans la chambre de Fred. Il n’avait jamais été dans sa chambre. Leur point de repère, c’était la sienne. Et lorsqu’il referma la porte, il se rendit compte qu’elle paraissait aussi confortable que la sienne, mais il n’y avait pas les mêmes couleurs, ni le même agencement, ni les mêmes styles de meubles. Kilian se colla à la porte et leva la tête. Fred n’avait pas encore remarqué sa présence. Il ne fit rien, mais rien que le voir rassurait Kilian. Liam avait raison, il semblait aller bien même si ses yeux laissaient transparaître de la fatigue et que ses cernes le confirmaient totalement. L’adolescent se leva d’un bond et partit à l'opposé de la salle en criant :
— Sors d’ici ! Tu ne peux pas rester ici ! Pars !
Il n’avait pas pris un ton dur et blessant, mais les mots restaient puissants dans la tête de Kilian. Il ne put cacher sa tristesse, encore plus en voyant celle de Fred dans ses yeux. Il ne souhaitait pas que tout se finisse en drame car ce n’était pas son but. Juste retrouver Fred et pouvoir le rassurer, cela c’était bien, très bien. Kilian fit quelques pas pour s’approcher un peu plus de Fred, et même si ce dernier détourna le regard, il n’insista pas pour qu’il s’éloigne, pensant sans doute que le mal était déjà fait. Kilian lui prit une main et de l’autre, tourna sa tête vers lui, pour qu’il puisse le regarder dans les yeux. Il savait quoi dire auparavant, comme un bon conseiller qui savait négocier, mais il venait d’oublier tout ce qu’il devait dire. Alors il improvisa, le naturel était la meilleure solution dans ce cas-là.
— Je suis là, murmura Kilian en plissant les yeux. Ce n’est pas parce que tu es malade que tu dois te tenir éloigné de moi. On ne sait même pas si la maladie est vraiment contagieuse… et puis, regarde-toi ! Tu ne vas pas si mal que cela.
— Tu sais bien qu’il y a plusieurs souches de la maladie. On ne sait qu’à la fin comment la maladie se traduit, parce que la personne est morte.
— Arrête de te faire du mal comme cela, supplia Kilian dans un chuchotement en encadrant le visage de Fred de ses deux mains. Tu ne vas pas mourir. J’en fais une affaire personnelle, je te le jure. Et si tu penses encore à dire des choses pareilles, je te donnerais une baffe comme tu n’en auras jamais reçu.
— Tu n’en es même pas capable, rigola Fred en le serrant dans ses bras alors que Kilian le traitait d’idiot.
Les deux jeunes hommes s’installèrent sur le lit et discutèrent un peu. Si Kilian connaissait tout ce qui s’était déroulé en Kuyinto ainsi que la révélation d’une arme extrêmement destructrice, Fred, lui, n’avait pas eu vent des plans de Kilian à cause de son isolement. Le conseiller, ne pouvait que constater que son petit-ami était du même avis que Liam : cela risquait de mal se finir si les autres l’apprenaient. Kilian et Ethan n’avaient pas peur. Fred lui rapporta la discussion qu’il avait eue avec Christian au sujet de sa mère et Kilian lui conseilla d’aller la voir malgré sa peur de contaminer tout le monde sur son passage.
— Tu n’aurais pas dû venir. Que vas-tu faire si tu tombes malade ?
— Je n’allais pas de laisser seul, c’était hors de question. Si je tombe malade, je continuerai ma vie, j’irais toujours te voir et je remplirais mon rôle de conseiller.
Fred secoua la tête en songeant que Kilian était bien naïf. Néanmoins, il admirait son optimiste. Cela l’apaisait de voir qu’il était sorti de sa période de dépression et qu’il allait totalement de l’avant. Il était fort, sûrement plus que lui. Si cela avait été lui à sa place, il aurait sûrement été plus ferme pour le rembarrer que lui, mais Fred ne s’en sentait pas capable. Son cerveau avait besoin d’éviter les embrouilles à tout prix. Kilian lui déposa un baiser sur le front avant de s’en aller pour rejoindre Ethan. Il aurait voulu passer plus de temps à faire comprendre à Fred qu’il ne demeurait pas dangereux pour lui, mais il devait aussi agir pour le bien du monde et de son pays. Il lui jeta un dernier coup d’œil avec le sourire avant de s’en aller. Liam l’attendait dans le couloir, légèrement anxieux car il avait entendu Fred crier au début. Il se détendit lorsqu’il vit son ami allant bien. Kilian lui demanda s’il était bien certain de vouloir les aider, et Liam confirma. Il n’allait pas laisser ses deux amis sans surveillance pour parler à Camille. Puis, tout cela l’intéressait. Ethan attendait déjà devant la porte de la chambre de Camille. Le jeune homme marchait frénétiquement et jetait des regards un peu partout.
— Calme-toi, conseilla Kilian sur un ton désinvolte. Tu vas faire peur à Camille en te comportant de la sorte ! Rappelle toi, on va juste parler à une amie. Bon, pour faire un truc dans le dos des autres conseillers, mais on va lui parler avant tout.
— Vous aurez surtout beaucoup de problèmes si votre plan se retourne contre vous ou s’il est su, marmonna Liam en regardant sa montre. Il nous reste une heure de libre, on devrait s’activer.
Les deux autres adolescents approuvèrent et le conseiller toqua à la porte. Camille leur ouvrit de suite. Cette dernière était en pyjama et sortait de la douche puisqu’elle avait enroulé une serviette à ses cheveux pour ne pas mouiller partout. Bien qu’elle fronce les sourcils au début, elle se montra moins méfiante à la vue de Liam et les laissa entrer. Elle s’assit en tailleur sur son lit, par-dessus sa couverture mauve et proposa aux garçons de s’installer sur plusieurs fauteuils éparpillés dans la pièce. Le silence régna un petit instant. Liam insistait du regard auprès Kilian pour qu’il daigne parler. La conseillère ne paraissait pas pressée d’en finir. Néanmoins elle finit par prendre la parole. C’était étrange de discuter avec elle dans ce contexte, elle n’apparaissait pas comme la sublime conseillère pleine d’envie et de diplomatie, mais seulement comme une jeune femme normale.
— De quoi vouliez-vous me parler ? J’ai passé une mauvaise nuit, poursuivit-elle en baillant. Je comptais dormir un peu avant la réunion avec les conseillers… donc si ce n’est pas urgent, on peut en parler plus tard, en attendant les autres.
— Quand comptiez-vous m’avouer que vous m’utilisiez pour servir le plan de Jean-François II ? s’emporta Kilian dans un hurlement énervé tout en bondissant de sa chaise.
Personne n’avait envie d’être pris pour un idiot, y compris Kilian. Il voulait bien laisser le bénéfice du doute, leur envie de lui laisser moins de pressions car il était jeune, ou lui parler de moins de choses car il était nouveau. Mais cela ! Non, il n’arrivait pas à comprendre. Il ne souhaitait pas comprendre. S’il y avait bien une chose pour laquelle il ne désirait pas œuvrer, c’était bien d’empirer la guerre de plus belle ! Et ses collègues lui avaient volé ce choix et son envie de paix. Il pouvait être encore plus furax qu’il l’était, mais montrer sa colère à Camille lui ferait peut-être comprendre qu’il ne fallait plus jamais recommencer.
— Kilian… soupira Camille en passant ses mains sur son visage. Ne comprends-tu donc pas que nous n’avons pas le choix ? Le dictateur nous tient, et au moindre faux pas en sa défaveur, il nous ferra tous tuer ! Son but est de détruire tout. En apprenant l’arme que détient la Kuyinto, cela prouve bien que nous sommes tous en danger.
— Vous auriez pu m’en parler avant. Que j’ai cela en connaissance de cause avant de décider d’être conseiller ! En acceptant, je me suis mis en danger tout seul ! Je ne savais même pas que je serais directement menacé de mort ! Trouves-tu cela juste?
— Non, bien sur que non, chuchota Camille en lui lançant un regard désespéré, voulant que cette discussion synonyme de supplice se termine. Mais regarde-moi dans les yeux ! Et dis-moi si tu aurais accepté le poste de conseiller si on t’avait avoué tout cela avant ! Et ne mens pas.
— Oui, je l’aurais quand même accepté, parce que j’avais besoin de ce poste pour me sentir mieux à l’époque, répondit sèchement Kilian en s’approchant un peu plus de Camille. Et je pense qu’Ethan aussi aurait bien voulu savoir tout cela avant de s’embarquer lui-aussi !
— Ces décisions appartiennent à plusieurs personnes. On a dû faire un vote, et il s’est avéré qu’il y avait plus de personnes qui voulaient dissimuler les informations que de personnes franches. Crois-moi, j’en suis grandement désolée. En as-tu enfin fini ?
— Non, je ne pense pas avoir fini ! Parce que j’ai besoin de toi. J’ai besoin de toi et de ton aide. J’ai un plan.
— Mon aide ? Je ne vois pas bien en quoi je pourrais t’être utile…
— J’aimerais que tu m’arranges une entrevue avec Jean-François II en Siar, dévoila Kilian alors que son visage était à quelques millimètres de celui de son amie. Je veux aussi que tu viennes avec moi et Ethan, pour que cela paraisse moins suspect. Je ne te demande pas d’aide sur place, juste de m’aider à y aller sans que les autres conseillers ne le sachent.
— Sans que les autres le sachent ?
— Oui, tu m’as bien entendue.
Kilian s’écarta pour lui laisser de l’espace alors qu’Ethan se rapprochait de lui. Liam tenait son rôle de spectateur et les regardait exaspéré. Camille avait intérêt à fermer sa bouche, sinon ils seraient tous les trois dans une position délicate. Avec un soupir, il s’approcha à son tour et s’assit au côté de la conseillère. Pas pour lui mettre la pression, mais juste histoire de rappeler aux autres qu’il était là lui aussi même s’il ne prenait pas la parole. Kilian le regarda faire sans un mot, déterminé à passer un marché avec Camille. Ils devaient débattre de ce que lui avait dévoilé Bertrand durant son entretien, mais cela, personne d’autre ne devait savoir, et à en voir l’expression faciale de Camille, elle en déduisait la même conclusion.
— Tu vas nous placer dans une position très délicate, Kilian, avertit la conseillère en se mordant la lèvre. En as-tu conscience au moins ? Ton plan vaut-il vraiment le coup ?
— Cela dépend des points de vue des personnes. Pour moi, le jeu en vaut la chandelle, pour Ethan aussi, pour vous peut-être pas. Ce que je sais, c'est que je ne peux plus marcher et je ne laisserai pas Jean-François II détruire le monde pour mieux le contrôler et régner. Allez Camille ! Ne me dis pas que tu as envie de cela !
— Bien sûr que non, répliqua sèchement la jeune femme en se levant pour faire quelques pas. Mais ce que tu dois comprendre Kilian, c'est que le dictateur est sournois et manipulateur. Il pourrait réussir à te manipuler toi aussi.
— Non. Il ne réussira pas. Pas cette fois, pas avec moi.
Camille admettait facilement que Kilian était doué, mais elle savait aussi que le dictateur aussi empereur était passé expert dans son domaine. Sûrement le meilleur de tous, et elle avait peur pour son collègue et son pays entier. Néanmoins, les adolescents ne lui laissèrent guère le choix. Elle attrapa sa tablette et la posa sur son lit et confia à Ethan et Liam de rester en retrait. Une idée pour organiser une entrevue lui trottait déjà dans la tête. Elle partit se maquiller pour être présentable et contacta le dictateur de Siar, installée, au côté de Kilian.
Ce dernier ne faisait pas cela de gaieté de cœur. Rien que de penser au dictateur, il en avait des sueurs froides, mais le voir réellement, cela lui glaçait le sang. Il devait travailler sur lui avant de se rendre en Siar, et il allait devoir tout cacher pour ne pas émettre les soupçons du dictateur. La conversation lui parut une éternité pour lui. Le dictateur le fixait beaucoup trop et Kilian se concentra sur la voix de Camille. La jeune femme n'eut pas de mal à obtenir un voyage pour lui parler et ils purent tous souffler lorsque le visage de l'empereur disparut.
— Bon, ça c'est fait ! On a plus qu'à se préparer ! déclara Kilian triomphant en tapant dans la main qu'Ethan lui tendait.
Camille leva les yeux au ciel et les sortit de sa chambre pour se reposer. Bien sûr que Kilian se sentait un peu coupable d'avoir embarqué son amie dans tout cela mais il devait réussir son coup. Ethan comptait bien l'aider.
Avant de passer voir Fred une nouvelle fois, Kilian prit Liam à part. Il voulait savoir comment son ami surmontait les événements. Les morts de Charles et Cassandra. L'adolescent se confia facilement à son ami. Cela rassurait Kilian qui essayait de trouver du temps pour lui parler et s'agaçait de ne pas réussir. Kilian ne voulait pas que son ami se sente seul malgré tout, mais Liam lui remémora qu'il était ami avec Fred, et que ce dernier n'avait pas tout fait pour le repousser.
— Juste… quand je serais parti en Siar, veille sur lui. S'il-te-plaît !
— Bien sûr que je le ferais. Fred est mon ami et tu es mon ami, souffla Liam avec un sourire triste. Vous êtes les seuls amis qui me restent !
Kilian n'aimait pas entendre ce constat de sa bouche. Cela donnait encore plus de signification aux personnes qu'ils avaient perdues. Pas qu'il voulait les oublier, loin de là, mais s'il pensait tout le temps à ses amis décédés, il n'aurait pas réussi à vivre. Il fit une accolade à Liam, et lui assura que s'il avait besoin de parler, de se confier, il serait là pour lui. Et dans l'autre sens, c'était pareil.
Kilian ne prit pas la peine de toquer pour rentrer dans la chambre de Fred, désormais il ne pouvait plus lui interdire de venir. L'adolescent dormait, et il en avait bien besoin avec les courtes nuits qu'ils se coltinaient ! Kilian s’installa à ses côtés et le regarda dormir. Bien sûr qu’il avait très peur pour Fred, mais l’adolescent se refusait de le lui montrer. Il ne souhaitait pas le faire paniquer et lui donner une raison de plus de le rejeter. Kilian avait vu les dégâts de la maladie sur Cassandra, et on lui avait raconté l’état de Charles et du meilleur ami de Samuel. Chaque nuit, il se promettait que son petit-ami ne finirait pas comme eux. C’était en y pensant que cela l’énervait de ne plus pouvoir contacter Iris ! Il avait besoin de savoir si elle pouvait faire des recherches. Et voilà qu’elle le laissait sans nouvelles ! Même pour elle il s’inquiétait alors que leur relation restait beaucoup moins solide qu’avant !
Ses pensées furent interrompues en se rendant compte que Fred était très agité dans son sommeil. Il se tournait, se retournait, son expression du visage était crispée et il gémissait de temps à autre. Sûrement un cauchemar… certainement dû à la maladie… Kilian ne tergiversa pas longtemps avant de le réveiller. Le laisser dormir plus longtemps aurait été comme remuer la plaie pour mieux l’agrandir et l’aggraver. Le jeune homme se redressa en vitesse, le cœur battant très vite, sa respiration haletante et les yeux remplis de terreurs. Kilian le serra contre lui pour le calmer et lui demande des explications sur son rêve.
— J’ai un mauvais pressentiment avec ce rêve, déclara Fred sans expliciter plus ce qui déroutait totalement Kilian qui ne savait que conclure. Il faut que tu trouves un moyen de contacter Iris et que tu lui dises de faire attention. Cela ne veut sûrement rien dire, mais j’ai rêvé qu’elle se faisait tuer par les conseillers Dheasiens. Et j’espère que ce rêve n’est pas quelque chose de prémonitoire.
D’ordinaire, Kilian n’était pas du genre à croire à l’existence de rêves prémonitoires. Sauf qu’Iris courait toujours vers le danger. Cela ne l’étonnait donc pas vraiment que Fred s’inquiète pour cela. Néanmoins, il y avait autre chose. Kilian le ressentait mais il ne força pas Fred à le lui dire, mais cela le stressait encore plus. Kilian savait que ce n’était pas une solution, mais il lui affirma qu’il pouvait utiliser ses boîtes de somnifères qu’il utilisait à l’époque où il était beaucoup trop tourmenté pour bien dormir. Fred y réfléchirait, mais il n’était pas bien certain de vouloir vraiment en prendre. Tout ce qui pouvait le faire dormir de force lui faisait extrêmement peur.
L’heure tourna bien trop rapidement et Kilian rejoignit Ethan pour partir à la réunion avec les autres conseillers. Ils discutèrent de leur plan et Ethan lui assigna de se charger des transports pendant qu’il maintiendrait une surveillance sur Camille au cas où.
Les autres conseillers mirent plus de temps à arriver. Sûrement essayaient-ils de repousser le plus possible le moment où Kilian les accablerait de reproches ! Pourtant, ils n’y échappèrent pas. Kilian les appréciait énormément car c’était grâce à eux qu’il était devenu conseiller. Même Baptiste qui était le plus susceptible de lui faire la morale, mit du temps à lui fournir une réponse. Dans un sens, Kilian comprenait, mais dans un autre, il ne comprenait absolument pas comment Bertrand avait pu passer un marché tout seul avec le dictateur alors que les conseillers partaient toujours en groupe ! Cela le dépassait totalement et il en restait outré. Kilian se demandait si cela n’avait pas été la sortie en guerre, il y a plusieurs décennies, qui avait entraîné cette baisse d’efficacité et de sécurité au sein de l’État. Lorsqu’il n’était qu’un adolescent de la classe pauvre, il n’imaginait pas que cela se passait comme cela. Il imaginait que tout était précieusement gardé par des coffres-forts et que les conseillers prenaient leurs choix après avoir mûrement réfléchi… il allait devoir soumettre l’idée de renforcer la sécurité et de réorganiser les fonctionnements !
Après le cas Bertrand, les conseillers t’attaquèrent au cas Kuyinto. Ce pays comptait peut-être bien utiliser une arme extrêmement mortelle contre eux. Une arme interdite. Avec toutes les choses que les autres lui avaient cachées, Kilian ne se serait pas étonné s’ils lui avaient révélé qu’ils avaient demandé de créer une arme destructrice. Heureusement, ce ne fut pas le cas, et l’adolescent en fut bien soulagé car il jugea cette idée totalement monstrueuse même si ses voisins le faisaient. Personne n’avait vraiment des solutions pour ce problème. Kilian et Ethan s’opposèrent formellement de débuter des hostilités contre le pays, soutenu par Camille et Christian qui ne jugeaient pas cela utile. Kilian soupçonna Camille de rejoindre ses choix pour lui montrer qu’elle était totalement embarquée dans ses cachotteries et que partager ses avis avec lui ne changeait plus rien. Son regard parlait pour elle. Le jeune homme l’ignorait totalement. À la fin de la réunion, Kilian demanda à Sophia si elle pouvait lui passer les coordonnées des scientifiques connaissant bien l’avancée de la maladie et il rentra dans sa chambre.
C’était à lui de garder la partie des cendres que les parents de Charles leur avaient laissée. Il se la faisait tourner chaque semaine avec Liam, et voir la photo de son ami sur l’urne le déprimait profondément même s’il était parti depuis un petit moment déjà. Le jeune homme fixa un moment le numéro de ses grands-parents, hésitant à les appeler. Il ne savait pas vraiment ce qu’il voulait d’eux. Il savait qu’il voulait être bienveillant envers cette famille qu’il n’avait pas connue, mais il ne désirait pas en faire partie pour autant ! Il avait fait une croix sur sa famille depuis son enfance. Puis, sa famille était son entourage actuel malgré les décès. Camille débarqua dans sa chambre en prenant soin de refermer la porte, elle hésita à la fermer à clé, mais elle ne le fit pas.
— Bon, Jean-François II m’a rappelé. Il m’a dit qu’il devait résoudre un problème d’exécution de loi. Il ne m’a pas précisé quoi mais apparemment, il a quelques problèmes avec les peines les plus sévères en ce moment… commença Camille en ramenant une natte brune derrière son oreille. Bref, nous avons convenu une date. On part bientôt, donc essaye de préparer le transport vite.
Cela plaisait bien à Kilian que le roi ait des problèmes avec les exécutions, néanmoins, il craignait que cela agisse sur son humeur et que les communications soient compliquées ! Mais au final, ne l’étaient-elles pas tout le temps ? Les clans passaient leur temps à faire la guerre pour des raisons inconnues ou des questions d’alliances. Les communications n’existaient pas vraiment, sinon le monde n’aurait pas été aussi violent.
— Je ne connais pas ton plan. Et je crois que je n’ai pas vraiment envie de savoir car j’aurais bien peur, chuchota Camille en fixant Kilian. Mais fais bien attention et ne fais pas de choses que tu pourrais regretter. On a besoin de toi ici, Kilian. Tu révolutionnes la direction de ce pays.
— La seule chose que je pourrais regretter, c’est de laisser cet affreux personnage se servir de la mort de milliers de personnes pour assouvir son besoin de pouvoir encore plus longtemps, assura Kilian sur un ton lugubre en serrant les poings.
Oui, cela ne pouvait plus durer. Quelqu’un devait faire quelque chose pour contrer ses plans. Kilian serait cette personne, et s’il devait commettre l’irréparable pour sortir le monde de cet enfer, peut-être en serait-il capable ! Il en avait envie, mais il ne savait pas s’il était assez fort et courage pour cela.
Alors que Camille s’apprêtait à partir, faute de ne rien trouver à dire, Ethan déboula, totalement affolé dans la chambre du jeune conseiller sous le regard incrédule de la jeune femme et de son ami. La conseillère le laissa se calmer en paix, ne cherchant pas à l’apaiser avec la diplomatie d’une représente politique, et Kilian en profita pour arracher des mains du jeune homme le papier qu’il tenait. Il se catastropha en le lisant.
Tu n’es pas quelqu’un d’intouchable, et je te surveille de là où je suis.
Tôt au tard, on se verra.
Et le message n’était pas signé. Kilian ne voyait vraiment pas d’où il pouvait provenir puisque toutes les personnes capables de détester Ethan se trouvaient dans les bâtiments du désert. À l’extérieur, le fils de Baptiste n’avait pas d’ennemis, et les conseillers avaient des ennemis, mais personne s’en prenait aux enfants des autres. C’était juste puéril et un gâchis de temps. Kilian ne connaissait même pas l’écriture de la lettre. En clair, il n’avait aucune piste.
— J’ai reçu un appel aussi, ajouta Ethan. Cela ne provient pas du numéro qu’Iris utilise donc cela ne doit pas être de l’association. C’était un numéro inconnu, et la voix était modifiée. Elle me disait de raisonner mon père, sinon elle frapperait… de quoi parlait-elle ?
— Je ne sais pas, admit Kilian qui n’était pas du tout rassuré par tout cela même si on ne s’en prenait pas à lui. Veux-tu qu’on renforce ta garde de sécurité quand tu sors ?
— Non, refusa catégoriquement Ethan. Cela éveillerait les soupçons de mon père, et je ne le veux pas. Par contre, on peut m’insérer un traceur dans ma veste. Si jamais il m’arrive quelque chose, l’un de vous pourra venir me chercher.
— Attends, mais tu es fou ! C’est ta vie qui est en jeu.
— C’est ce que tu penses, mais j’ai déjà entendu plusieurs personnes menacées de mort mon père, et cela ne ressemblait pas à cette menace-là, expliqua l’adolescent avec un sang froid magistral en s’asseyant sur la chaise de disponible. Cette personne-là attend quelque chose de précis et veut m’utiliser pour faire pression. Crois-moi, elle me veut vivant.
L’idée que son ami fasse l’appât ne plaisait pas du tout à Kilian, mais il n’avait jamais vécu ce genre de situation contrairement à lui. Alors il hocha la tête à contrecœur car Ethan semblait savoir ce qu’il faisait.
— Par contre, ai-je bien entendu Kilian ? Tu as des liens avec l’association… s’indigna Camille avec un regard sévère.
— Je prends juste des nouvelles d’Iris de temps en temps. Mais je pense qu’on devrait faire la paix. OK, l’association est dissidente et cela ne me plaît pas plus qu’à toi, mais elle a sûrement des informations qui pourraient nous être utiles. Je ne suis pas en train de les défendre, mais ce que je vise, ce sont les résultats que l’on n’a pas.
— Collaborer avec eux est impossible, rétorqua Camille en croisant les bras.
— Sauf qu’avec Iris, on a passé un marché personnel. Je m’occupe de la guerre et elle de la maladie. Si jamais un de leurs scientifiques trouve un remède, ne crois-tu pas judicieux de garder contact pour que nos scientifiques le recréent ?
— Je ne tolérerais que cela ! s’écria Camille espérant que cela lui fasse peur, et même si ses reproches atteignirent Kilian, il savait que c’était un bien pour un mal, même s’il perdait la confiance de son amie. Bon, j’espère que ces menaces cesseront. En attendant, préparez bien minutieusement notre départ pour que les autres ne l’apprennent pas, et n’avisez plus de faire des plans comme cela. Vous jouez avec le feu, et vous m’entraînez dedans.
— Vous avez laissé Bernard jouer avec le feu avant nous, lui reprocha Kilian. On tente juste de réparer cette erreur.
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