Chapitre 13 :

22 minutes de lecture

Samuel avait emmené le téléphone de Peter. Il lui restait encore des enregistrements à écouter. Il le redonnerait aux parents de son meilleur ami lorsqu’il reviendrait en Opartisk. Personne ne l’accompagnait pour sa mission en Thuath. Amanda lui avait demandé s’il avait besoin de quelqu’un, mais il n’avait besoin de rien, excepté de savoir que, les personnes qu’il aimait étaient en sécurité. Et cela, ce n’était pas toujours le cas.

Tout comme Iris, il n’avait pas pu contacter Amanda et Marianne ce qui l’agaçait fortement car même s’il connaissait sa mission, il devait en discuter avec quelqu’un. Quelqu’un de confiance. Amanda lui avait aussi précisé que son identité ne serait pas cachée cette fois. Il n’y avait plus aucun risque en Thuath, le roi et le peuple entier souhaitaient juste un remède pour s’en sortir, pour survivre. Et tous ces espoirs reposaient sur les épaules des scientifiques dont Samuel ferait bientôt partie. Alors que le trajet n’était pas encore fini, il repensait à Iris. Cette tête brûlée n’en faisait qu’à sa tête et elle risquait sa vie pour cela, mais l’information qu’elle lui avait transmise, était plus qu’intéressante. Mais cela voudrait aussi dire que trouver un remède serait extrêmement compliqué, mais peut-être qu’il pourrait échanger plus souvent avec Iris, à deux, ils seraient peut-être en mesure de trouver un remède à cette maladie.

La voiture s’arrêta et il remercia le chauffeur qui sortit en même temps que lui, car il ne s’était pas garé juste à côté du quartier général. Depuis le passage d’Amanda, de Lilian et de Sandra, rien n’avait changé dans ce quartier : il y avait toujours des personnes qui vivaient dans la rue, qui dormaient ou agonisaient. Samuel savait qu’il s’était endurci ces derniers temps grâce aux événements qu’il avait pu vivre, néanmoins, une part de lui demeurait toujours sensible à absolument tout et n’importe quoi. Même si Amanda l’avait prévenu que la Thuath risquait d’être rude, le jeune homme n’imaginait pas que le pays ressemblait autant à un cimetière terrestre. Malheureusement, c’était la triste réalité aussi glaçante que le climat : le monde était mal, très mal et le poison qui tuait peu à peu le monde était enraciné en Thuath. Samuel devait donc déraciner ce poison, alors même que les plus qualifiés n’y arrivaient pas. Mais lui… y arriverait-il vraiment ? Amanda croyait en lui sinon elle ne l’aurait pas envoyé. Mais lui… croyait-il en lui ? Pensait-il vraiment être capable de réussir ? Non. Samuel savait que son taux de réussite frôlait le miracle. Cependant, il ne pouvait s’empêcher d’espérer même s’il savait que ce n’était pas bon. Dans un sens, il se disait qu’il devait faire cela, pour Peter et pour toutes les autres personnes mortes de la maladie ou atteinte de la maladie.


Il serra la bretelle de sa sacoche comme s’il avait peur de la perdre et suivit le conducteur qui le mena jusqu’au QG. Si le dirigeant du quartier n’était pas disponible et qu’Amanda était injoignable, Samuel n’avait pas le temps de se reposer : les premières instructions se trouvaient dans la tablette. Et au fond, il avait hâte de commencer et de se vider l’esprit : pour oublier le deuil qui existait toujours, pour oublier la peur qu’il nourrissait à l’égard de son frère ainsi que celle pour Iris. Vraiment, il aurait beau se mettre en danger dès le premier jour de son épopée Thuathienne, il ne saurait rivaliser avec le danger qui menaçait ses proches. Et cela, cela le dérangeait beaucoup même s’il ne le laissait pas paraître à eux.

La chambre du jeune homme était assez petite, carrée, aux murs beiges et au sol blanc cassé. Samuel jeta négligemment sa valise par terre et s’affala sur le lit avant de sortir sa tablette de sa sacoche. Il hésita un moment entre contacter Iris ou Amanda et trouver ses premières actions concrètes demandées, puis il opta pour la deuxième. Il avait parlé à Iris il y a moins d’une heure, il la contacterait plus tard. Il ne songea même pas au décalage horaire et explora le fin fond des données de sa tablette. Il n’eut pas à chercher bien longtemps, et il en venait à la conclusion que sa motivation tombait à l’eau. Commencer directement par cela… il n’était pas aussi confiant qu’Iris et Marianne pour y foncer la tête baissée. Peut-être devait-il prendre exemple sur elles quelques fois… il roula les yeux et tergiversa entre les enregistrements de Peter et sa toute première activité importante. Puis il songea à ce que son meilleur ami aurait bien pu lui dire pour le faire bouger un peu. Il aurait sûrement dit un truc du style : ‘‘Elle est passée où ta détermination ? Il y a deux minutes, tu étais prêt à tout découvrir alors bouge-toi !’’ ou encore ‘‘va quand même pas falloir de tirer par la main pour t’y emmener !’’. Oui… Peter aurait typiquement répliqué cela. Donc Samuel se leva, enfila de nouveau sa veste et sa sacoche pour ressortir dans le froid.


Bien évidemment, il ne se sentait pas en sécurité en Thuath. Pas qu’il avait peur que les habitants de la rue l’attaquent, cela non, ils étaient beaucoup trop faibles pour cela, mais ils le fixaient. Et Samuel n’avait pas l’impression d’être épié seulement par ces individus. Sa petite voix intérieure lui soufflait qu’il y avait quelqu’un, autre que ces personnes défavorisées qui l’observaient avec intérêt.

Samuel n’avait pas demandé de l’aide à quelqu’un. Il ne voulait pas déranger les membres de l’association. Amanda lui avait un peu expliqué le chemin pour se rendre du QG au centre de recherche. Il s’aida d’une carte qu’il dénicha dans la tablette. Il ne connaissait pas bien les lieux mais ne perdit pas trop de temps à se repérer pour prendre le bon chemin. Samuel ne se sentait pas si mal en Thuath finalement. De toute manière, rien ne pouvait être pire que la Dheas pour lui.

Il arriva devant un bâtiment plutôt délabré mais bien gardé. En effet, on lui avait bien omis de préciser que quatre gardes montaient la garde. Ils étaient tous plus grands que Samuel et portaient des armes. L’adolescent tenta un pas de plus vers l’entrée mais recula bien vite lorsqu’ils pointèrent tous leurs fusils sur lui. Il ne s’enfuit pas, sinon cela pouvait clairement traduire qu’il était dangereux et qu’il avait quelque chose à se reprocher, mais ce n’était pas le cas. Alors il resta immobile et leva les bras en l’air. Cela ne les empêcha pas de hurler des ordres et de maintenir les instruments dangereux vers la tête du surdoué.

S’il ne se passa qu’une minute pour qu’une vieille dame d’une soixantaine d’années sorte du bâtiment, pour Samuel, cela lui paraissait durer des minutes atroces. Il n’avait pas intérêt à raconter cela à Iris ou à ses parents ou à son frère ! La vieille dame à la peau fripée et parsemée de taches brunes fit signe aux gardes. Ne sachant pas à quoi s’attendre, le jeune homme ferma les yeux avant d’attendre cinq secondes… bon, il n’était pas mort, c’était sûrement qu’elle n’avait pas ordonné de lui tirer dessus. Lorsqu’il rouvrit les yeux, le visage de la dame était si proche du sien qu’il dut réprimer un mouvement de recul. Si elle voulait lui faire peur, c’était réussi ! Samuel aurait bien voulu retourner illico presto au quartier général, mais il ne se démonta pas et se redressa bien droit en plantant ses yeux d’un bleu intense dans ceux marrons aux grains de café de la doyenne. Il ne la défiait pas. Il la battait.

C’est toi le gamin envoyé par Amanda, n’est-ce pas ? souffla-t-elle d’une voix si épuisée que Samuel imaginait déjà son futur quotidien qui avait été celui de son amie.

En effet, c’est moi. Je viens tout juste d’arriver d’Opartisk. Si vous souhaitez vous entretenir avec Amanda, il va falloir attendre, car elle ne répond pas encore. Elle est sans doute très occupée, maintenant qu’elle est cheffe.

C’est surtout de toi dont on a besoin, répliqua honnêtement la dame d’un ton un peu sec. Vous pouvez vous replacer, ce jeune homme n’est pas un danger pour nous ! cria-t-elle aux gardes avant de faire signe au jeune homme de le suivre. Le roi a hâte de vous rencontrer, et je ne vous cache pas que le reste de l’équipe aussi.

Sympa comme présentation ! Si la vieille dame voulait mettre la pression à Samuel, elle venait de réussir. Il serra la mâchoire et emboîta le pas sans rien dire. Il ne savait pas ce qu’Amanda avait pu dire exactement à son sujet au roi et à l’ensemble de cette communauté, mais elle avait dû trop l’idéaliser. Samuel ne serait peut-être pas à la hauteur, ou alors il n’était pas la personne qu’il fallait pour cela… mais là, tout les espoirs du pays étranger semblaient se concentrer sur lui. Uniquement sur lui, et cela était effrayant et intriguant en même temps. Sur le chemin qui le rapprochait du roi, le jeune homme croisa des gens de son âge, tous plus malades les un que les autres. Certains agonisaient, mais d’autres possédaient encore assez d’énergies en eux pour porter de l’attention sur le nouvel arrivant, se demandant s’il était comme eux lui aussi, ou alors totalement différent. La réponse ne se cherchait pas, et les regards s’accentuaient encore plus. La dame le fit entrer seul dans un bureau. Samuel masqua son manque de confiance et sa nervosité et se tourna vers le bureau métallique. Sa couronne ornée de rubis et de saphirs reposaient sur ses cheveux roux clairs et son regard bleu aussi sombre que ce monde fixait l’adolescent avec insistance et surtout, avec intérêt. Samuel en resta bouche bée et les deux hommes demeurèrent immobiles et muets pendant un petit moment.

Votre majesté ! salua brusquement le surdoué en guise d’excuse en s’inclinant bien qu’il ne sache pas vraiment ce qu’il devait faire face au roi de Thuath.

L’homme prit place et indiqua à Samuel de s’asseoir à son tour. Le jeune homme préféra obéir. Qui sait ce que le roi pouvait bien lui faire ? Il ne se sentait pas à l’aise, encore moins devant un roi. En un seul faux pas, il se retrouverait peut-être bien en prison, si ne serait-ce qu’il soit clément… c’était assez effrayant de se retrouver face à une figure importante du monde. Il n’était pas en mesure de faire quelque chose. En tout cas, s’il venait de faire quelque chose de mal, le roi omit de le relever. Tant mieux pour lui !

Je ne pensais pas qu’Amanda nous enverrait quelqu’un de si jeune, débuta le roi d’une voix posée, ni glaciale, ni chaleureuse. D’un autre côté, je ne suis pas si étonné que cela. Elle a toujours su surprendre… es-tu bien Samuel ?

Oui, je suis Samuel. Je suis bien celui qu’Amanda vous a envoyé pour contribuer aux recherches sur la maladie. Et j’ai bientôt dix-huit ans.

Le roi ne répondit pas immédiatement, songeur. Samuel ne le pressa pas et regardait un peu partout dans la salle… il marchait sur les traces d’Amanda, il ferait peut-être même tout ce qu’elle avait déjà entrepris lorsqu’elle s’y trouvait. Le jeune homme comprit qu’il allait devoir la contacter le plus vite possible. Pour ne pas perdre de temps. Il le fallait.

Avant de m’accorder toute votre confiance comme je l’ai fait avec votre amie. J’aimerais comprendre. Je voudrais que vous m’expliquiez pourquoi Amanda vous a choisi pour nous aider à trouver un remède contre la maladie.

Elle a sans doute pensé, qu’en tant que surdoué et adolescent, je pouvais avoir un autre angle de vue sur la maladie. Elle sait aussi que je suis concerné par la maladie et que cela hausse ma détermination à trouver un remède pour aider les autres, tenta Samuel même si en réalité, il n’avait pas la moindre idée de ce qui avait poussé Amanda à lui proposer cette mission. Je fais confiance à Amanda, si elle a jugé important que je sois là, c’est que cela l’est.

Es-tu atteint de la maladie ? s’inquiéta le roi en ayant un mouvement de recul.

Non ! s’écria Samuel en se repassant en tête ce qu’il avait pu dire pour qu’il pense une telle chose. C’est juste que mon meilleur ami est décédé des suites de la maladie, alors je me sens concerné. C’est juste cela.

Le roi se calma et hocha la tête. Puis silencieusement, il ouvrit un tiroir du bureau et en ressortit trois petits carnets marron, possédant un élastique noir pour fermer. Il les posa sur la table et l’avança vers Samuel.

Mademoiselle Chasme a laissé ses petits cahiers à son départ, débuta-t-il. Personne n’a cherché à l’ouvrir et à les lire, mais puisqu’ils se trouvaient ici, et non à son quartier général, nous en avons déduit qu’il y avait sûrement des notes rassemblant ses différentes recherches. Il me paraît logique que ce soit vous qui les récupériez puisque je ne pense pas qu’elle reviendra un jour.

Le beau brun s’empara des petits carnets et les rangea précieusement dans sa sacoche. Il lui suffirait juste de demander à Amanda s’il avait le droit de les lire ! Le roi se fit plus bavard et expliqua la situation de la Thuath. Samuel songeait à ce que lui avait révélé Iris. Il lui paraissait évident qu’il devait absolument taire cette information pour le moment. Il tenta de se souvenir de ce qu’il avait fait en médecine avant qu’il soit dans les bâtiments. Cela ne remontait pas à si longtemps que cela, néanmoins, tellement de choses s’étaient passées que cela semblait lui être une éternité dans ses souvenirs.


Le roi et lui discutèrent pendant presque une heure. Samuel ressentait une sensation étrange en lui. Le roi était si désespéré qu’il était prêt à faire confiance à des étrangers dans l’inégalité tout de même ! Mais le jeune homme savait que plus il sympathisait avec lui, moins il s’attirerait ses foudres. Alors il l’écouta bien sagement jusqu’à la fin. S’il n’avait rien obtenu de bien intéressant il avait le sentiment qu’il pourrait peut-être servir à quelque chose, et il avait intérêt, car le roi comptait sur lui, et rien que sur lui. Avant qu’il parte, le roi l’interpella un moment :

Mon fils passe son temps au quartier général de votre petite organisation. Je ne le vois que très rarement et j’ignore ce qu’il fabrique. Vous avez pratiquement son âge, alors… j’imagine que vous pouvez essayer de faire la discussion. Depuis la mort de sa sœur et de sa mère, je m’inquiète pour lui.

Le surdoué hocha la tête sans pour autant promettre de vraiment le faire. Il y avait d’autres choses beaucoup plus importantes ! Il dévala les escaliers mais fut interpellé par une agitation dans une salle. Il enfila sa sacoche qu’il tenait à la main et pénétra dans la pièce. Des machines bipaient tout le temps, certaines d’un son aigu et strident alors que d’autres étaient plus graves. Une jeune fille blonde, reliée à plusieurs machines avec des tubes respiratoires et des fils de partout, reposait sur un lit de patient, les yeux exorbités. Samuel contint son angoisse et s’approcha pour parler d’une voix forte :

Que se passe-t-il ? s’enquit l’adolescent.

On est en train de la perdre, affirma la vieille dame avec un sang froid remarquable mais effroyable. La maladie progresse vers les poumons et même les traitements les plus forts n’ont pas réussi à éliminer la totalité de l’infection. Certaines bactéries ne sont pas éliminées par le traitement.

Alors essayer un autre traitement, du moins tenté d’en trouver, déclara l’adolescent. Et pour le cerveau ? Enfin, le système nerveux plus précisément… vous avez trouvé une solution capable de repousser l’effet de la maladie sur elle, ne serait-ce qu’un peu ?

Pourquoi entreprendre des soins sur le système nerveux ? s’interrogea une dame qui rejoignit la vieille dame qui avait accueilli Samuel.

Cette dernière le regardait, médusée, alors qu’il semblait surtout être agacé par ce manque de réflexion.

Ne me dites pas que vous n’avez pas cherché des molécules qui pourraient impacter leur effet sur le système nerveux ? La maladie commence par s’attaquer à cela, c’est comme cela que les défenses sont plus faciles à briser.

Les deux femmes se regardèrent et la vieille dame partit chercher quelque chose alors que l’autre surveillait la jeune fille qui suffoquait. Samuel s’approcha et lui prit la main pour la soutenir. Il n’eut pas le courage de lui souffler que cela allait aller, car cela n’allait pas aller pour le moment. Celle qui l’avait accueilli revint avec un bécher rempli d’un liquide vert fluorescent.

Qu’est-ce ? se renseigna le jeune homme en serrant moins fort la main de la malade.

Je ne sais pas, admit la scientifique sous l’expression ahurie de Samuel. C’est Amanda qui a fait cela avant de partir ! Elle nous a évoqué brièvement une possibilité dans le système nerveux. Nous n’avions pas bien compris, et comme rien n’est prouvé, on n’aime pas utiliser quelque chose sur des patients comme cela… mais après ce que tu as dit… autant tenter de voir si ce qu’elle a concocté fonctionne ne serait-ce qu’un tout petit peu.

L’adolescent grimaça, espérant que la solution d’Amanda soit plus curative que mortelle. Il ne se passa rien pendant la première demi-heure mais la jeune fille ne poussa pas son dernier souffle. Puis son rythme cardiaque redevient normal et elle respira normalement sans forcer. Elle s’endormit alors que les machines ne bipaient plus comme des folles furieuses. Samuel souffla de soulagement. Cela ne serait pas aujourd’hui qu’il assisterait à un nouveau décès causé par la maladie !

Bon, je ferais mieux de demander à Amanda les composants pour que vous puissiez le reproduire, car cela semble avoir un effet positif pour une fois, annonça Samuel. Je vous dis cela demain !

Il leur fit signe de la main avant de s’en aller. Il ne se perdit pas pour rentrer au quartier général. Il croisa quelques agents qui le regardèrent, étonnés. Le dirigeant du quartier général voulait le voir dès qu’il avait su qu’il venait d’arriver. Cet homme n’était pas comme le père de Marianne. Il se souciait énormément de la mission et voulait aussi des résultats rapidement, mais il essayait d’obtenir des informations que Samuel estimait confidentielles, et donc, pas à sa portée. L’adolescent s’en dépêtra facilement.


Samuel ne rentra pas dans sa chambre mais fit le tour du quartier général. Il n’avait même pas pris le temps de se repérer dans toutes ces salles juxtaposées. Dans un salon spacieux et peu meublé, il fut interpellé par un garçon de son âge, maigre et aux cheveux blonds vénitiens.

Je ne t’ai vu jamais dans ce QG auparavant, déclara-t-il d’une voix peu aimable. Qui es-tu ?

Je suis Samuel Lop, rétorqua le brun aussi sèchement en se dégageant sans peine. Amanda m’a envoyé car le roi souhaitait quelqu’un capable de les aider dans les recherches contre la maladie.

Oh ! C’est donc toi que mon père attend depuis quelques semaines. Et… es-tu vraiment capable d’aider nos scientifiques contre la maladie ?

Je l’ignore, concéda honnêtement Samuel. Et toi ? Tu es…

Arthur, compléta le Thuathien. J’oublie souvent que ceux qui ne viennent pas de mon pays ne connaissent pas mon prénom. Mon père fait beaucoup scandale en ce moment, et ma mère et ma sœur sont mortes, donc on m’évoque plus qu’à l’accoutumer…

Et, le deuil tout cela… comment gères-tu les choses ? demanda Samuel d’un ton plus adouci car il savait que le deuil n’était jamais simple. Cela ne doit pas être simple.

Rien n’est simple dans la vie lorsque l’on est proche du pouvoir, affirma l’autre adolescent avec un regard plus sombre. Bien sûr que c’est compliqué. J’ai perdu deux membres de ma famille à quelques jours d’intervalle, donc ce n’est jamais simple. Mais étonnamment, je m’en sors. Pourquoi me poses-tu la question ? Mon père t’a demandé de prendre de mes nouvelles, n’est-ce pas ?

Oui, fit Samuel sans chercher à démentir. Mais je suis en deuil moi aussi, donc je ne te posais pas spécialement la question pour savoir quoi remonter à ton père, mais parce que je sais que ce n’est pas simple les périodes dans lesquelles on est.

Je suis désolé que tu aies perdu une personne qui t’était cher, murmura le Thuathien

Malheureusement, c’est la vie et on doit faire avec… et, si je peux me le permettre, que fais-tu tout seul ici ? Sans vouloir te faire la morale, ton père est inquiet pour toi. Tu devrais lui montrer que tu arrives à tenir le coup. Il est roi. Cela lui enlèverait une pression de savoir que tu surmontes ces épreuves.

Bon, d’accord je lui parlerais, accepta Arthur en soupirant. Quant à ce que je fabrique tout seul au QG… je veux bien le partager avec toi, mais tu dois me promettre de ne rien dire à mon père et à n’importes qui d’autres. J’ai des plans, et ils ne sont pas les plus sans risque du monde.

Ma copine est la reine des plans suicidaires, répondit Samuel. Donc il m’en faut beaucoup pour être surpris maintenant. Puis, tu titilles ma curiosité, déjà faire des plans dangereux c’est curieux, mais qu’un fils de roi fasse un plan dangereux sans travailler avec son père sur cela ! Je te promets que je ne dirais rien à personne.

Le fils de Fabrice II lui fit signe de le suivre et Samuel fut bien content de l’avoir pour ne pas se perdre dans ce méli-mélo de salles et de couloirs agencés n’importe comment. Il arriva tout de même à se rendre compte que la chambre d’Arthur ne se trouvait qu’à quelques portes de la sienne. Au moins, il saurait où le trouver !

Sa chambre ressemblait à celle de Samuel, au détail près qu’il y avait quelques vêtements éparpillés dans certains recoins et que le lit et le sol étaient jonchés de feuilles, de cahiers et de stylos. Le jeune homme ne devait pas chômer pendant ses journées loin de son père. Le surdoué ne tenta pas de déchiffrer ce qu’il avait inscrit sur les papiers et se demanda pourquoi l’adolescent l’avait emmené dans sa chambre. Arthur ouvrit le tiroir d’un bureau et en ressortit des photos qu’il tendit à Samuel qui s’en empara. C’était des numéros. De quoi, il ne savait pas !

Notre pays est bombardé de temps à autre, précisa Arthur en s’asseyant sur son lit. Les soldats identifient facilement d’où viennent les bombes. Mon père ne se soucie pas de cela car il est bouffé par l’avancement de la maladie sur le peuple, mais les bombardements viennent de la Siar. Or, la Siar est censée être notre alliée et pas notre ennemie.

Et tu as quelque chose en tête, d’où ton fameux plan dangereux, devina Samuel en prenant place à ses côtés sans autorisation.

Ouais, attend… commença Arthur en feuilletant un cahier pour trouver une page. J’ai plusieurs contacts, amis et alliés dans l’armée. Ils sont du même avis que moi, et si je leur ordonne un truc, ils sont prêts à faire croire que cela provient vraiment de mon père.

Ton plan, c’est de lancer une opération militaire contre la Siar ? s’étonna Samuel médusé.

Tu ne diras rien à mon père, hein ?

S’il avait un avis objectif sur la Siar, peut-être qu’il aurait prévenu Fabrice II. Mais ce que Samuel pensait en cet instant, c’était que le virus avait été créé par les Dheasiens sous la demande du dictateur de Siar. Et que le virus avait tué son meilleur ami et des centaines, voire des milliers de jeunes. Il s’en fichait que la Siar soit touchée, il voulait rendre justice à son meilleur ami qui avait payé le prix fatal des ambitions du fou Siarien. Donc il ne dirait rien, mais ne partagerait pas ce qu’il saurait sur la maladie, sinon Arthur serait encore plus déterminé. Et Samuel en convenait : certaines limites ne devraient pas être dépassées.

Je te soutiens, assura l’adolescent sous la surprise de l’autre. Mais, et ton père ? Il finira bien par l’apprendre un jour.

Ne t’inquiète pas pour moi. Je sais gérer mon père. Puis, l’attaque n’est pas encore prévue pour maintenant. Je veux peaufiner cela au maximum et ne laisser aucune chance à Jean-François II. Il doit trafiquer des choses plus sombres. Puis, mon père n’est pas dupe, il sait que son allié n’est pas aussi honnête qu’il le prétend. Il faut toujours se méfier.

Samuel hocha lentement la tête et appuya sa main sur l’épaule du jeune homme.

OK, si tu as besoin, je suis là. Tu sais où me trouver.

Le fils de roi secoua la tête et Samuel lui fit un signe de la main avant de partir. Samuel était surpris que le courant soit aussi bien passé avec le fils du roi. Il imaginait le détester et découvrir quelqu’un d'exécrable mais la conversation s’était faite naturelle quand ils avaient établi leur identité, comme s’ils se connaissaient depuis longtemps. Cela surprenait beaucoup l’adolescent.


Arrivé dans sa chambre, le jeune homme tenta une nouvelle fois de contacter Amanda, sans succès ! Il n’eut pas plus de chances avec Marianne. L’adolescent commençait sérieusement à s’inquiéter pour ses deux amies. Il n’avait pas reçu de nouvelles de Marianne depuis qu’elle était partie. Amanda, elle, ne lui répondit plus depuis qu’il se situait sur le sol Thuathien. Mais il trouvait cela étrange, il n’y avait aucune raison pour que cela ne capte pas ! Les quartiers généraux dans les autres pays servaient surtout de communications avec celui de l’Opartisk ! Il soupira et contacta Iris avant de songer au décalage horaire. Sa petite-amie était à l’autre bout de la planète, elle dormait sûrement. Néanmoins, ce fut la seule de la journée qui aurait décroché à ses appels. Les deux fois. Elle avait enfilé son pyjama et était prête à se coucher. Samuel lui raconta sa journée et tout ce qui s’était passé.

J’ai confiance en toi, tu vas réussir, intima la surdouée. Ne te mets pas trop de pression ! Tout ne repose pas sur toi, donc ne devient pas tendu, sinon cela ne va pas être beau à voir ! Quant à ce plan… Cassandra est morte à cause du dictateur. Tâchez juste de trouver le bon moment, et de prévenir le QG de Siar pour qu’il ait le temps d’évacuer avant.

Samuel voulait se claquer mais se retient devant Iris. Comment avait-il pu ne pas y penser avant ? Des siens s’y retrouvaient et lui, la première chose qu’il faisait, c’était d’être d’accord d’envoyer une bombe ! D’autant plus que son frère allait y aller ! Il oubliait tellement de détails lorsqu’il souhaitait absolument réaliser un plan… il trouva cela effarant ! Iris le calma et il remarqua qu’elle se passait souvent la main à son bras droit.

La puce te fait mal ? s’inquiéta le surdoué.

Non, fit-elle en se pinçant la lèvre. Mais je n’ai pas l’impression que mon corps adore cet engin étranger en moi ! Puis, cela fait bizarre, cela fait presque comme une bosse.

Tu n’aurais pas dû faire cela ! râla Samuel. Fait plus attention, sinon cela risque de mal finir.

Si, c’est exactement ce que je devais faire, assura Iris d’une voix calme qui détonnait avec ses propos. Pour Peter, pour Cassandra et tous les autres malades et morts ! Je gère la situation, rien d’alarmant. Et, dans ce fouillis de nouvelles, j’en ai une rassurante.

C’est-à-dire ?

Je ne sais pas ce que cela signifie vraiment car je n’ai pas d’autorisation pour savoir ce que Loan a réellement, mais je peux t’assurer, que tout à l’heure, je lui ai parlé, et même si je ne l’ai pas vu de mes yeux, j’ai senti sa main serrer la mienne avant que je parte.

En es-tu certaine ?

Personne ne me croit, mais je le suis, oui.

Samuel était heureux d’apprendre qu’il y avait toujours de l’espoir pour son ami, et il espérait qu’il soit prolifique. Loan le méritait amplement. Il insista auprès d’Iris pour qu’elle dorme, cette dernière était exténuée, et même si elle disait le contraire comme d’habitude, il le voyait bien.

Il mangea avec Arthur. Il gardait toujours sa sacoche avec lui, sachant qu’elle contenait de trop précieuses choses, et il lui expliqua ce qui s’était passé au QG et lui annonça d’attendre que tous les membres du QG de Siar soient partis pour lancer son plan d’attaque. Samuel n’était habituellement pas fervent de violence, mais cette fois, il n’était pas contre. Jean François II était toxique pour le monde.

Après une bonne douche, il sortit tout ce qu’il avait dans la sacoche. Il resta là, à observer les petits carnets de recherches d’Amanda. La cheffe ne l’avait toujours pas contacté. Si elle savait tout ce qui s’était passé en seulement un jour ! Peut-être s’y intéresserait plus. Samuel respectait l’espace privé des gens, mais si la vieille dame disait vrai, il pouvait déjà en apprendre beaucoup sur les recherches et gagner du temps s’il lisait les écrits d’Amanda. Il espéra juste que ce soit vraiment lié à la rechercher. Il défit l’élastique et s’arrêta à une page du milieu.


Il faut traiter le problème d’où il provient, d’où il surgit dès le début dans le corps. Le problème, c’est qu’il faut trouver les molécules qui fonctionnent déjà pour ralentir l’avancée de la maladie, mais aussi celles qui l’élimineront tout purement, mais cela sera sûrement long à trouver, à moins d’avoir de la chance.

On se trompait lorsque l’on pensait que la maladie attaquait d’abord les poumons et le cœur et qu’il fallait traiter par là, chez certains patients, la maladie s’attaque aux systèmes nerveux et aux cerveaux. Cela peut donner une version entre les deux de la maladie. Je pense que ceux qui sont pris d’envies suicidaires sont surtout attaqués au niveau du cerveau et du système nerveux, et cela a l’air d’être encore plus violent. Mais mes confrères ne veulent pas me croire. Il va falloir que je les convainque et que je force pour continuer mes recherches de mon côté, mais j’ai besoin d’aide. On ne pourra jamais trouver un remède si on travaille chacun de son côté.


Samuel aurait de la lecture pour une bonne partie de la nuit. Amanda avait raison, et il était encore plus frustré de ne pas pouvoir partager les dernières nouvelles avec elle. Elle pouvait l’aider, et s’il contactait aussi souvent Iris, peut-être qu’ils pouvaient tous les deux avancés plus vite dans leurs recherches et combiner leurs expériences.

Quant au plan d’Arthur, il valait la peine d’être tentées’il était organisé correctement. Mais cela, Amanda ne devait pas l’apprendre, car tout comme le roi, elle ne serait sûrement pas d’accord pour cela. Mais la machine était enclenchée, les efforts de Jean-François II ainsi que lui-même allaient finir en néant. Et Samuel comptait bien contribuer à tout cela, il participerait à ce processus, et il ferait tout ce qui était en son pouvoir pour que cela réussisse.

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