Chapitre 21 :

24 minutes de lecture

Franchement, Kilian commençait vraiment à détester la Siar. Il se sentait comme prisonnier dans le pays même si en apparence il était un hôte d’honneur occupant une des suites les plus luxueuses du palais… en lui-même luxueux. Cela ne le dérangeait pas, mais son séjour venait d’être prolongé pour la deuxième fois et cela l’agaçait fortement de ne pas pouvoir rentrer en Opartisk et soutenir ses collègues puis retrouver ses amis. Néanmoins, Kilian ne se voilait pas la face : Jean-François II les gardait captif dans sa propriété. Et si le trio ne commençait pas à réagir, cela finirait sans doute mal pour eux. Pour le moment, Kilian ne préférait pas paniquer sinon le dictateur comprendrait et passerait à la vitesse supérieure. Tous, désiraient rester à ce simple stade de prolongement de visite diplomatique officielle. Kilian rejoignit Ethan qui finissait un appel téléphonique avec sa mère qui prenait de ses nouvelles absolument tous les jours si ce n’était pas deux fois dans la journée. Son ami ne paraissait pas si inquiet, mais au fond, Kilian savait qu’il paniquait littéralement. Camille, elle, demeurait la plus diplomatique des trois. Pas détendue, toujours dans ses dossiers, à prendre des notes ou réfléchir. Ce matin-là, ils avaient rendez-vous avec Jean-François II qui réclamait leur présence. Kilian savait qu’il serait trop perturbé pour être concentré lors d’une réunion : voir son amie d’enfance abattue de la sorte n’aidait pas à se concentrer même si c’était lié aux éléments actuels. Le dirigeant de Siar était assis à son bureau et il n’y avait personne d’autre. La reine ne prenait jamais position et ne participait jamais aux choix importants.

Vous vouliez nous voir monsieur le roi, annonça poliment Camille en prenant place sur une des trois chaises.

Effectivement, répondit celui-ci en les observant tous. Je peux réellement fermer les yeux sur le fait qu’une citoyenne de votre pays ait tenté de remettre mes lois et mon règne en question sans que vous insister pour la sortir de mon pays. Néanmoins, j’ai un plus de mal à tolérer qu’une adolescente clame que je suis un danger planétaire.

Nous ignorions qu’une opartiskaine se trouvait actuellement en Dheas, informa Camille qui se tordait littéralement les doigts, hors de la vue du dirigeant. Si on pouvait communiquer avec nos collègues on pourrait organiser un rapatriement pour en savoir plus si elle n’est pas déjà morte.

Malheureusement, Jean-François II refusa. Camilla aurait au moins tenté. L’homme souhaitait vraiment les laisser sans contact avec les autres. Ceux restés en Opartisk s’inquiétaient sûrement beaucoup. Kilian négocia une autorisation de sortie dans la capitale. Il devinait grandement que le roi allait essayer par un moyen ou un autre de contrôler son parcours pour savoir ce qu’il ferait cet après-midi. Ethan eut l’autorisation de l’accompagner, pensant sûrement qu’il pourrait transmettre mieux des informations à sa mère pour son père. Ce n’était franchement pas une mauvaise idée.

Bon, je sais que vous êtes venus me parler de quelque chose. Malgré le désordre qui règne dans mon pays et surtout dans cette capitale, je vous propose de régler ce problème-là demain en fin d’après-midi. Cela vous va-t-il ?

Ils hochèrent tous la tête, cela faisait des semaines qu’ils attendaient ce moment-là. Le moment où ils pourraient mettre à jour l’homme et stopper ses manigances pour le bien du monde. Même si cela risquait d’être très compliqué, Kilian avait vraiment hâte. Camille repartit dans son coin et les deux adolescents se préparèrent à leur sortie. Ils prirent des vestes assez chaudes, Ethan vérifia que son portable avait encore de la batterie et ils parcoururent les longs couloirs jusqu’à la porte de sortie. Juste avant, Kilian se cogna sur le côté contre la femme du roi, il la prit par les deux bras pour l’empêcher de tomber et elle glissa les yeux sur le pantalon du jeune homme avant de partir. Le jeune homme n’y prêta pas plus d’attention et partit à l’extérieur avec son ami avec une idée en tête : trouver un membre de l’association pour les prévenir. Samuel lui avait dit que demain, l’attaque aurait lieu, il se devait de prévenir les alliés de son ami. Kilian se doutait bien qu’il ne voulait pas voir son frère mort. Lorsqu’il passa ses mains dans les poches de son jean pour les réchauffer, il sentit un papier dans sa poche. Pourtant, il faisait toujours attention de n’avoir rien dans ses poches depuis qu’un papier important avait fini dans la machine à laver. Il s’arrêta donc pour y extirper la feuille. C’était une feuille blanche coupée en un rectangle et pliée en un carré. Ethan retourna sur ses pas pour le rejoindre alors qu’il commençait à donner des informations à sa mère tout en se positionnant pour lire le message.


Après le couvre-feu, venez me rejoindre à la porte du donjon du sud-ouest. Seul.

Isabelle.


La reine s’appelle Isabelle ? Tu es au courant que je ne suis même pas sûr que son propre peuple le sache, lâcha Ethan à voix basse en couvrant un peu son téléphone pour que sa mère ne se rende pas compte qu’il ne l’écoutait pas entièrement. Si elle t’envoie ça, c’est qu’elle veut te voir pour quelque chose d’important.

Cette reine est vraiment étrange. Je n’arrive pas à la percer à jour, confessa Kilian en rangeant le bout de papier dans la poche de sa veste. Elle cache forcément quelque chose. Elle trompait son mari, et je pense qu’il n’y a pas que cela… plus je l’observe, moins il est facile de deviner quoi.

Je vis dans un monde où chaque personne a un masque et où l’endroit principal des événements ressemble à un théâtre, alors je peux te dire qu’il te faudra plusieurs années d’’expérience, et que même malgré cela, tu ne pourras pas percer les meilleurs et les plus vieux.

Kilian en avait conscience, Ethan avait malheureusement raison mais ce fait ne l’arrangeait absolument pas. Ils déambulèrent dans la capitale pendant trois heures, cherchant le bâtiment qui pouvait correspondre au QG de l’association, mais ne trouvaient pas. Pourtant, ils devaient trouver, sinon, ils se sentiraient comme des meurtriers à ne pas réussir à les prévenir. Ils ne comptaient absolument pas rentrer bredouilles. Puis, lorsqu’ils passèrent devant le bûcher, ils croisèrent un homme qui ressemblait comme deux gouttes d’eau à Samuel. Kilian comprit très vite de qui il s’agissait et le prit en filature pour pouvoir lui parler dans un endroit plus isolé. Samuel lui avait parlé d’Arthur son frère, le conseiller était certain que s’était lui. Il lui ressemblait beaucoup trop pour qu’il ne le soit pas. Ethan tenta de le suivre dans la foule et s’agrippa à la manche de son manteau comme un enfant pour ne pas le perdre. Par chance, le jeune homme passa dans une rue totalement isolée.

Arthur ! interpella Kilian.

Le jeune homme surpris se retourna et fit plusieurs pas en arrière, prêt, à détaler en voyant que la personne qui lui parlait s’agissait d’un conseiller de son pays. Pour lui, il n’y avait rien de rassurant mais Kilian leva les bras en l’air comme un criminel attrapé par la police.

Je viens en ami, pas en conseiller, affirma-t-il en commençant à s’approcher. C’est ton frère qui m’envoie.

Comment va-t-il ? se renseigna le militaire qui n’avait pas eu de nouvelles depuis un moment.

Bien, comme quelqu’un qui a réussi à trouver un remède contre une maladie mortelle je suppose ! Tu dois être hyper fière de lui, débuta Kilian en jetant un regard à Ethan qui pianotait soucieux sur son portable. Écoute mec, demain soir, il va y avoir une attaque de la Thuath. C’est lui qui me l’a dit. Alors sauvez-vous hors de la capitale, cela serait atroce d’avoir des morts opartiskains dans ce pays horrible.

Kilian voyait dans ses yeux qu’il comprenait le message. Néanmoins Arthur se demanda ce qu’il allait advenir à Marianne. Kilian lui assura qu’il ferait quelque chose, mais il n’était pas certain de pouvoir tenir cette promesse. Arthur le remercia et rentra dans le bâtiment en hurlant. D’ici quelques minutes, Kilian supposait que la communauté serait en ébullition et s’activerait comme des fous. Avec Ethan, ils prirent donc le chemin vers le palais pour rentrer.

On a un gros problème par contre, affirma-t-il en rangeant son téléphone déboussolé. Les conseillers ont accepté que ta pote soit recherchée. Sans initiative de Jean-François II, même les conseillers dheasiens n’ont rien dit. Juste les autres qui le voulaient.

Faudrait-il qu’elle soit en vie.

Ne dis pas de bêtise, je lui ai parlé qu’une seule fois à cette fille et cela se voit qu’elle est coriace.

Lorsqu’ils furent de retour dans le palais, ils trouvèrent Camille pour l’informer de ce qui s’était passé. La jeune femme n’était pas très sereine à l’idée que Kilian sorte seul voir la reine mais l’adolescent pensait vraiment qu’il pourrait récolter des informations utiles. Après le repas, il rentra donc dans sa chambre et essaya de s’occuper pour attendre jusqu’à vingt-trois heures. À l’ordinaire, il se serait occupé en parlant avec Fred ou Ethan, ou bien il restait sur son téléphone mais ce n’était pas possible. Il sortit une enveloppe du tiroir et traça les contours de l’enveloppe avec son doigt plusieurs fois. Étrangement, il ne l’avait pas brûlé, et plus il se ressassait la mort de sa nourrice, plus il devenait curieux. Après quelques tergiversions, l’ennui l’emporta totalement et il ouvrit négligemment l’enveloppe. La lettre n’était pas spécialement longue. Tant mieux pour lui.


Cher Kilian,

Tu n’as sûrement pas envie de recevoir cette lettre. Peut-être bien que tu ne la liras jamais, et libre est ton choix. Je voulais que tu saches, que j’étais au courant. Pour tes parents. Je le savais. Je ne l’ai pas remarqué immédiatement, car ils sont très forts pour dissimuler des choses et tu es le premier à le savoir, mais j’ai fini par remarquer que quelque chose clochait. Tes bleus, tes cicatrices, tes fractures. J’ai vite compris que la situation était loin d’être banale. Tu étais renfermé donc je ne pouvais pas t’interroger par peur des représailles et je ne me voyais pas te garder non plus car j’avais peur de ce que tes parents pouvaient bien me faire. Donc je t’ai laissé, avec eux, seul. Parfois le ventre de ta mère grossissait, mais tu restais toujours le seul enfant à garder.

Lorsque tu étais plus âgé, que tu venais me voir, que tu allais mal, que tu me demandais des conseils pour apaiser la douleur, c’était un crève-cœur, et je ne faisais rien non plus. Parce que seule je ne pouvais rien faire. Puis le temps est passé, tu t’es rendu compte que je ne t’aiderais pas. Donc tu t’es éloigné, tu m’as laissé, moi et ma culpabilité. Et j’ai doucement fini par oublier tout le mal qu’ils pouvaient te faire. Tout le danger qu’il représentait pour toi. Je suis redevenue comme les autres : ignorante. Je ne te demande pas de me pardonner, c’est sûrement trop difficile pour toi. Je voulais juste te dire de faire attention dans tes choix, même si tu as sans doute tes raisons de les faire. Mais fais bien attention à où ils te conduisent.

Mme. Keys


Kilian n’était pas idiot, il savait bien que Mme. Keys savait et ne faisait rien. C’était même pour cela qu’il avait fini par aller la voir de moins en moins : il restait quand même en colère contre elle. Et cette lettre ne l’apaisait absolument pas. Il ne voulait pas de ses excuses qui ne répareraient jamais tout ce qu’il avait vécu. Elle ne représentait rien et il n’eut aucun remords à déchirer la lettre en mille morceaux. Il ne comptait plus les fois qu’il déchira, replaça, puis déchira une nouvelle fois. Il se laissait emporter par un trop-plein de haine. Puis il les laissa tomber lentement dans la poubelle puis il se dit que c’était vraiment stupide de s’énerver contre une personne décédée. Cela devrait être contre ses parents qu’il devrait s’énerver, mais jamais il ne pourrait ne serait-ce que les revoir. Impossible pour lui.

Lorsqu’il entendit les sirènes du couvre-feu, il prit une veste et sortit doucement de sa chambre. Il marcha d’un pas rapide comme s’il craignait d’être vu. Qu’est-ce qu’on lui ferait si on le voyait avec la reine ? Sûrement pas quelque chose de top alors autant se montrer discret et éviter tous les gardes. Il finit par rejoindre l’entrée du donjon sud-ouest où la reine l’attendait, enveloppée d’un manteau à capuche rabattue sur sa tête. Elle devait sûrement ruser pour tromper la vigilance des gardes, à moins que son amant l’aide pour ceci.

Il est en contact avec des membres de la société secrète de votre pays, déclara la reine en prenant une torche dans ses mains avant de l’allumer. Officiellement au compte de mon mari, mais les informations les plus importantes, il me les réserve. Quant à l’attaque qui se prépare, il est déjà loin de la capitale.

Et vous ? se renseigna Kilian en la suivant dans l'escalier qui s’enfonçait toujours plus bas. Qu’est-ce qui vous retient ?

Mon mari, ma notoriété et aussi libérer la jeune femme emprisonnée ici. Mais ce n’est pas pour ce soir. Sauf que je m’en chargerais moi-même.

Cela ne va pas vous coûter quelque chose auprès du roi ?

Le roi n’aura pas à savoir qui l’a aidé à s’enfuir.

Kilian avouait volontiers que cette reine l’intriguait au plus haut point et était aussi incapable à cerner. Il se demandait même si son mari la cernait vraiment telle qu’elle était. Sauf que qui était-elle vraiment ? Une reine exemplaire ? Une femme provocatrice qui jouait avec le feu ? Une bonne samaritaine ? Kilian ne savait dire.

Éclairé à la lueur des deux torches, le jeune homme jurait contre l’ancienneté du pays qui refusait la modernité que les autres possédaient. Un interrupteur pouvait très bien éviter une chute à cause du noir en allumant plusieurs ampoules. Les deux dirigeants restèrent silencieux pendant le reste du trajet. La prison de la Siar n’avait rien de très attrayant. Il y avait encore des morceaux d’os dans certaines cellules mais au grand étonnement de Kilian il ne repérait aucun cadavre ou odeur nauséabonde. Peut-être que celle-là était la moins utilisée. Ils continuèrent à s’enfoncer plus loin dans la prison jusqu’à un endroit éclairé par une torche calée par des morceaux de bois collés aux murs. Kilian n’avait jamais vu Marianne auparavant. Iris lui avait parlé d’elle mais il l’aurait imaginé plus grande et plus musclée. Bien évidemment qu’elle avait une stature sportive et qu’elle paraissait intimidante, mais beaucoup moins que dans l’imagination de Kilian. La jeune femme ne semblait pas blessée, ce qui surprenait énormément Kilian puisque le roi ne connaissait pas la clémence. Ses cheveux remplis de nœuds, salles et ses vêtements abîmés, décousus et tâchés par de la crasse ou de l’huile. La jeune femme avait perdu du poids mais ne demeurait pas pour le moment à la limite de la sous-nutrition. Elle leva la tête vers la reine et fit un sourire que Kilian n’aurait su qualifier ? Provocateur ? Amical ? Le plus déconcertant fut le sourire de la reine en retour. La reine souriait très peu. Kilian se questionnait vraiment sur elle. Qui était-elle vraiment ?

Vous m’avez emmené de la compagnie ? Un camarade de cellule ? déclara l’ancienne militaire avec aplomb en se levant pour se tenir aux grilles.

Je crains que le roi n’accepterait pas trop de savoir que j’emmène un de nos invités en prison ! rigola la reine, beaucoup plus détendue que d’habitude. Je vous laisse, je reviendrais vous chercher conseiller Kilian.

Kilian attendit que la femme se soit éloignée avant de se retourner vers Marianne. La jeune femme s’était rassise et le jugeait du regard comme s’il n’était qu’un moins que rien. Il ne pouvait pas vraiment lui en vouloir : si elle était dans l’association, c’est qu’elle n’aimait guère les dirigeants d’Opartisk. Néanmoins, elle ne paraissait pas disposée à l’insulter pour autant. Kilian s’approcha jusqu’à se coller aux barreaux.

Qu’est-ce qu’il se passe avec la reine pour qu’elle puisse être sympa avec toi ? se renseigna le jeune homme en serrant fort les barreaux dans ses mains.

Il ne se passe rien entre nous si c’est ce que tu sous-entends, assura-t-elle très lentement. On n’a pas toujours réponses à tout monsieur le petit génie de la politique. On a passé un marché. Rien de plus.

Elle t’aide à te libérer et tu fais quelque chose en échange.

Oui, mais ce ne sont pas tes affaires.

Cela concerne une opartiskaine à l’étranger. Ce sont mes affaires.

Pas lorsqu’il s’agit de moi, le petit génie de la politique. Écoute-moi bien, tu ne peux rien m’apporter, et je ne suis pas ta pote. Donc laisse tomber, je n’ai rien à te dire.

Kilian se pinça la lèvre, énervé, mais il comprit pertinemment que la jeune femme ne lui répondrait absolument pas. Iris l’avait prévenu, elle était extrêmement têtue et cela se confirmait. Pour connaître Iris depuis longtemps, Kilian avait l’habitude de ce genre de personne, mais il ne pouvait qu’arriver à ses fins que si elle l’appréciait. C’était donc perdu d’avance.

Tu vas devoir courir pour t’échapper. Samuel a organisé une attaque demain, mais comme Isabelle est déjà au courant… elle a dû prévoir son coup pour t’évader.

Le jeune homme lui lança un regard noir, pas disposé à lui donner de quelconques nouvelles de personnes qu’elle connaîtrait et s’éloigna.

Si elle t’a dit son prénom, c’est qu’elle te fait confiance et qu’elle te révélera tout, tôt au tard, cria Marianne puisqu’il commençait déjà à s’éloigner assez loin pour qu’ils ne puissent plus se voir. Tu es proche du but.

Kilian ne comprenait pas vraiment ce que cela voulait dire, et cela l’agaçait. Le monde politique se traduisait parfois par des devinettes et des énigmes qui pouvaient le mettre sur les nerfs. Il allait devoir apprendre à décompresser. Il ferma les yeux avant de poser un pied sur la première marche.

Ton ami Loan est sorti du coma, hurla-t-il en retour.

Si c’était pour donner des nouvelles, autant en donner des bonnes plutôt que de transmettre les plus affligeantes. Alors qu’il grimpait la troisième marche il l’entendit crier mais il ne comprit pas. Kilian se guidait souvent par son instinct, alors il décida de faire chemin arrière et de retourner la voir de plus près pour la faire répéter.

Tu es fatigant petit génie, marmonna Marianne qui semblait être repartie dans sa mauvaise humeur. Si tu veux un indice pour comprendre la reine, voilà-en un : elle n’est pas ce qu’elle prétend être.

Comment cela ?

Tu as déjà pris ta chance, petit génie.

Kilian soupira. Cela devait vraiment faire des étincelles entre elle et Iris quelques fois. Il espérait ne jamais devoir y assister car cela risquait vraiment de faire peur. Le jeune homme chercha dans sa poche et lui laissa un couteau qui tomba à terre en résonnant lorsqu’il le lâcha, son bras entre deux barreaux.

Il te sera peut-être utile, supposa Kilian en pivotant pour partir. Bonne chance Marianne. Tâche de ne pas te faire tuer.

Il me sera sûrement utile, admit Marianne sans problème. Tâche de ne pas rejoindre la liste des victimes de Jean-François II.

Ce qu’elle énonçait était réel, mais cela faisait aussi froid dans le dos. Kilian n’en demeurait pas insensible malheureusement. Cela le tarauda durant toute la nuit. Il se leva tard le matin malgré la confrontation qui devait avoir lieu l’après-midi. Mais ne mit pas beaucoup de temps à se préparer. Il glissa un pistolet dans la poche intérieure de sa veste et attendit qu’on vienne le chercher. Le jeune homme n’avait pas spécialement peur de l’attaque de Samuel, de mourir ou de rester en Siar. Mais affronter Jean-François II… il avait beau être déterminé, cela restait tout de même différent. Lorsqu’il sortit pour rejoindre tout le monde, il remarqua qu’il n’y avait personne dans le palais alors qu’il était habituellement bondé. Il se retrouva dans une pièce qu’il ne connaissait pas, avec Camille, et Ethan. Le roi finit par arriver, toujours sans sa femme et Kilian pouvait en déduire que Marianne serait bientôt libre grâce à elle.

Kilian sut directement que quelque chose n’allait pas lorsqu’il vit le roi s’asseoir négligemment sur son trône et remarqua qu’il y avait quatre gardes. Ils ne pourraient pas ressortir sans forcer le passage, cela s’annonçait compliqué. Jean-François II se délectait du spectacle avec un petit sourire avant de faire tourner la pointe d’un long et épais couteau contre son pouce. Kilian se demandait bien s’il l’utiliserait. Au cas où, il avait une arme qui pouvait faire la différence. Le silence parut interminable, Kilian ressentait la panique de Camille qui, peu à peu, se défaisait de son masque de marbre.

J’ai ma petite idée de votre présence ici, admit le roi en se posant correctement. Mais j’aimerais l’entendre de votre bouche.

Nous savons tout ce que vous avez fait, déclara Kilian en s’avançant un peu plus, suivi d’Ethan. Vous manipulez les dirigeants des autres pays, vous collectez des informations et vous les soumettez. Toute la guerre provient de vos décisions sur eux. C’est à cause de vous que des milliers de personnes meurent sous des bombes. Vous avez voulu créer la maladie dans le monde, pour renverser une fois pour toute, le pouvoir et contrôler le monde. Vous avez tué des enfants et des adolescents. Vous n’êtes qu’un horrible personnage. Vous voudriez apparaître comme un Dieu aux yeux de tous, mais vous êtes le Diable en personne.

Le sourire du dictateur se tordit et il se mit à ricaner. Kilian réprima son envie de lui tordre le cou immédiatement et jeta un regard aux gardes pour s’assurer qu’ils ne fassaient rien. Si l’adulte espérait les intimider, il avait réussi, mais le faire renoncer, jamais il ne pourrait faire cela. Ils devaient en finir. Kilian se devait d’en finir avec lui pour le bien de l’humanité. Puis il se leva. Kilian était plus grand que lui de peu mais cela ne changeait pas l’effet imposant que dégageait le roi.

Mon petit, sache que je ne souhaite pas être estimé comme un Dieu. Je suis un Dieu et mon peuple le saura et me vénérera comme il se doit.

Espèce de fou, murmura Ethan.

Kilian n’aurait pas dit mieux. Ce dernier grimaça et hésitait fortement à éclater de rire. Si ces paroles ne venaient pas de Jean-François II, Kilian aurait pu croire à une plaisanterie. Mais ce chef ne rigolait pas. Kilian le voyait à ses yeux avides de pouvoir. Il voulait s’imposer à la terre entière. Jean-François II leva le bras et Kilian entendit Camille crier. Les deux jeunes hommes se retournèrent en s’éloignant du roi siarien mais ne purent avancer vers Camille qui hurlait de douleur. Un soldat venait de transpercer son ventre avec son épée. Il ne l’avait pas encore retiré et Ethan ne lui laissa pas le temps de le faire. Elle pouvait avoir des chances de s’en sortir si l’arme n’était pas retirée. Le fils de Baptiste se jeta sur le soldat, sans arme sur lui mais réussit miraculeusement à retourner une dague. Kilian voulut aider son ami mais il sentit une lame contre sa gorge et ses deux poignets totalement broyés par une et seule main.

Si tu essayes d’aller aider ton ami, je ferai en sorte de te trancher légèrement la gorge pour que tu le regardes agoniser avant que tu meures dans d’atroces souffrances, menaça le roi en appuyant un peu plus le couteau pour faire son effet.

Kilian ne prit pas le risque de se débattre pour le moment et espéra que le roi ne regardait pas ses faits et gestes. Au contraire, il prenait un malin plaisir à observer Ethan à éviter les deux épées des trois gardes qui ne s’occupaient plus de Camille la pensant morte. Mais Kilian ne s’y trompait pas contrairement à eux : elle faisait semblant de l’être. Et elle devait continuer comme cela. Alors que Kilian atteignait d’un geste lent la poche intérieure de sa veste, les lames entaillèrent un peu près partout le corps d’Ethan. La porte s’ouvrit d’un coup et Marianne se jeta sur le premier garde venu, munie du couteau que Kilian lui avait donné. Ce dernier saluait sa technique, sa rapidité et toutes ses capacités. En plein combat la jeune femme semblait revigorée comme si elle avait dormi des heures d’affilées sans se réveiller. La jeune femme donna un coup de poing en pleine tête à un garde qui s’apprêtait à transpercer Ethan de sa lame, lança un coup de pied en plein ventre du second et trancha la gorge du troisième. Kilian comprenait absolument pourquoi elle semblait si précieuse pour l’association, et elle avait dû l’être dans l’armée. Ethan enfonça une dague dans le ventre d’un soldat qui tentait d’attaquer la jeune femme par l’arrière alors qu’elle évitait une lame du dernier soldat vivant. Les portes s’étaient refermées, mais il n’y aurait eu personne pour entendre le combat de toute manière. Camille finit par hurler sa douleur à force de se taire et les deux amis sentirent leur cœur se pincer. Celui de Kilian s’accéléra lorsqu’il sentit quelques gouttelettes couler depuis son cou. Marianne acheva le dernier au même moment que le coup de feu retentit.

Le couteau contre la gorge de Kilian tomba à terre. Le roi s’écroula sur le dos, une grosse tache de sang qui grossissait de plus en plus au niveau du ventre. Cela amènerait sûrement les derniers gardes qui restaient sauf que Kilian n’avait qu’une seule balle. Et il l’avait utilisée. Marianne et Ethan restèrent immobiles en le regardant, montrant l’arme qu’il tenait dans sa main gauche, qu’il avait gardée dans son dos, le temps d’être sûr qu’il avait bien atteint sa cible. La surprise et la fierté se mêlaient sur le visage de Marianne même si le roi vivait encore. Il riait toujours comme s’il n’avait pas été blessé. Sauf qu’il l’était, il le savait, car il n’avait plus la force de se relever pour s’occuper lui-même de ses ennemis. Avait-il eu le courage un jour de s’occuper de ses ennemis lui même ? Sûrement pas, il était trop lâche pour cela.

Kilian s’agenouilla près de lui, bientôt rejoint par Marianne alors qu’Ethan rejoignait Camille qui gémissait de douleur et qui s’évanouirait sûrement bientôt à cause de son intensité.

Ce n’est pas toi qui vas me tuer ! Moi, me faire tuer par un simple adolescent ! Quelle disgrâce. Je sais que je mérite mieux.

Je sais que vous ne méritez rien du tout à part la mort, asséna Kilian.

Il chercha par terre le couteau que le dictateur avait laissé tomber par terre mais il ne le vit pas. Puis il réalisa que Marianne le tenait en main. Elle ne souriait pas, aucune expression cruelle ne s’affichait, mais une colère intense transparaissait de ses yeux, de sa manière de se tenir, de tenir le couteau et dans le ton de sa voix.

Je suis désolée, annonça-t-elle d’un ton doucereux en faisant danser le couteau sur les bras du chef de Siar. Mais on m’a demandé de vous tuer.

Il éclata de rire, prenant Marianne de haut, la jugeant comme une moins que rien. Il prit son temps pour l’insulter et la traiter d’incapable. Kilian ne comprenait pas vraiment pourquoi Marianne attendait pour le tuer. Il se pencha pour attraper le couteau pour en finir mais elle l’écarta pour le mettre hors de porter et appuyer sur la plaie du roi qui gémit.

Et on peut savoir qui vous a ordonné de me tuer ? La nouvelle cheffe de l’association qui n’est pas capable de garder le père de son enfant vivant ?

Kilian jugeait cela mesquin de dire cela mais cela ne plut pas davantage à Marianne qui prit la couronne du roi et la mise sur sa tête en expliquant qu’elle devait la ramener à la personne qui souhaitait la mort du roi. Puis elle agrippa le col de la chemise du roi pour le tourner vers elle et poser le couteau très près de la gorge avant de se pencher vers l’oreille.

Il s’agit de la reine Isabelle qui m’envoie vous tuer car elle n’a pas le temps de prendre ce plaisir elle-même. Mais elle l’aurait voulu.

L’expression étonnée qu’affichait Kilian aurait pu être la même que Jean-François II si Marianne ne lui avait pas tranché rapidement la tête juste avant. Les deux se relevèrent sans poser plus de questions et Kilian et Ethan se chargèrent d’évacuer Camille en suivant Marianne qui ne prit pas le temps d’utiliser les passages secrets qu’Isabelle lui avait indiqués. Les garçons furent étonnés de ne pas voir de gardes, et encore plus de voir le frère de Samuel les attendre devant le palais avec une camionnette aménagée pour les blessés graves. Ils y laissèrent Camille qui venait de perdre connaissance et s’engouffrèrent dans une autre voiture qui comptait les emmener loin de la capitale. Lorsqu’ils furent à plusieurs kilomètres de la ville, ils purent entendre les bruits d’explosions et le feu qui ravageait déjà la capitale, ne laissant plus aucune chance à ses habitants.

Pourquoi ton frère a décidé cela ? demanda Marianne à Arthur en tripotant la couronne du roi qu’elle tenait sur ses cuisses.

La colère sans doute. Le deuil de Peter. Samuel voulait le bien de l’humanité tu sais. Il ne pensait pas que les conseillers soient venus dans le but de tuer le roi donc il pensait sûrement que quelqu’un de l’association devait s’en charger, soupira le militaire en s’inquiétant vraiment pour son petit-frère encore coincé en Thuath.

Vous avez fait du bon travail, affirma Marianne en posant son regard sur Ethan et Kilian qui demeuraient silencieux depuis leur fuite. C’était la bonne chose à faire.

Kilian ne regrettait rien et ne conservait aucun remords. Il savait juste que cela serait compliqué de voir l’image de la tête du roi à moitié disloquée de son corps. La reine les attendait à la fin de leur trajet. La voiture s’était arrêtée avant la nuit, dans un village. Dans une ferme de campagne qui élevait des moutons et cultivait du blé. Kilian se demandait bien comme elle pouvait se trouver dans ses lieux. Son amant parlait à une jeune fille qui étreignit Marianne et semblait à deux doigts d’embrasser Arthur. Ethan les rejoignit, un peu hébété et Kilian marcha pour s’asseoir sur le banc où Isabelle était installée. Marianne lui remit la couronne de son défunt mari et la félicita pour avoir mené à bien sa mission. Kilian commençait à comprendre.

Vous n’avez jamais été une reine qui aimait son mari et qui le soutenait dans ses choix. Vous vouliez vous assurer du gouvernement de votre pays et le voir disparaître pour que le pays puisse se libérer de lui, déduisit-il en la regardant.

Au début je l’aimais vraiment et je voulais l’orienter vers les meilleurs choix pour le pays car c’était ma mission, concéda-t-elle. Puis il est devenu comme il était encore il y a quelques heures. Je devais faire quelque chose mais je n’avais aucun moyen pour donc je devais ruser. J’ai essayé de l’empoisonner, de le tuer dans son sommeil, de le poignarder dans son bain. Puis après il m’a menacé car je n’étais pas fertile et que je le trompais. Je ne pouvais plus rien faire.

Vous êtes fertiles. Votre ventre… c’est juste que vous preniez vos précautions pour ne pas lui donner d’héritier, devina Kilian en la scrutant. Qui êtes-vous réellement Isabelle ?

Elle ne répondit pas immédiatement et sortit un petit médaillon en or. Elle l’ouvrit et lui montra une photo d’une femme qui lui ressemblait énormément.

Je viens d’une famille noble et riche. Cette branche noble provenait de mon père. Ma mère avait réussi à le séduire. Elle est tombée amoureuse mais elle n’a pas oublié qui elle était : une espionne de l’ancien gouvernement qui tentait de contrôler les dangers que représentait cette royauté dictatoriale sous la famille de Jean-François… sur des générations cela a commencé longtemps avant ma mère. Elle a réussi l’impensable et a sacrifié ma vie pour servir ce pays pour essayer de déjouer cette monarchie. Elle a été tuée alors qu’elle ne voulait rien dire. Alors j’ai repris le flambeau en faisant mieux, expliqua la reine en tremblant un peu.

Kilian se demandait si c’était le froid ou le fait d’avoir été forte aussi longtemps qui la mettait dans cet état. Puis elle sourit en reportant son regard vers le ciel.

C’en est fini de la monarchie pour ce pays. Il mérite mieux. Un chef qui les respecte et je sais qu’ils sauront trouver. Car le règne de cette famille aura été beaucoup trop traumatisante pour qu’un autre régime aussi extrême soit mis en place.

La guerre aussi est terminée, déclara Kilian en prenant la main que lui tendait la reine qui s’était levée. Il y aura des tempêtes dans le monde, mais plus à la hauteur de celle-ci.

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