20 juin 1989

4 minutes de lecture

Une tentative de putsch a eu lieu avant-hier. Le dirigeant, Iouri Kovalenko, a failli se faire tuer dans un attentat à la bombe en sortant du Parlement. Des hommes armés sont arrivés pour essayer de le tuer avec des Kalachnikovs, mais ils ont fini par se faire tous abattre par la garde rapprochée de Kovalenko.

Ma mère n’ose même plus sortir de chez elle de peur de se faire abattre de sang froid dans la rue. Ces derniers jours, de nombreux cadres du Parti ont reçu des menaces de mort. Même moi, j’ai peur de me retrouver un jour avec une balle dans la tête en me rendant à l’Académie. J’ai d’ailleurs moi-même trouvé une lettre de menace sur le pare-brise de ma voiture, donc je pense que je suis ciblé. Alors je reste pendant des heures, seul, dans ma chambre à regarder les nuages par la fenêtre et les gens dans la rue.

Cela dit, le soir, je sors quand même pour retrouver mes amis et essayer de sauter quelques nanas en chaleur dans des clubs assez sélects. C’étaient des jeunes femmes Russes, certaines étaient Ukrainiennes et quelques-unes venaient de Tchécoslovaquie. Cette adresse, c’était un club appelé le Mikhaïl, du nom du propriétaire.

Visiblement, les autorités toléraient la présence de ce lieu, alors que la musique venait tout droit de l’Ouest. C’est comme ça que j’ai pu écouter pour la première fois Duran Duran, Tears for Fears, Depeche Mode, et même cet artiste autrichien, Falco. Toutes ces jeunes femmes se déhanchaient avec leur mini-short. Mes amis étaient des mecs qui avaient déjà une forte expérience dans les relations sexuelles. L’un d’eux, Vassili, avait les cheveux bruns mi-long et n’hésitait pas à se coller à ces danseuses. Un autre, Serguei, cherchait à les faire rire, mais se prenait à chaque fois des claques tout en ne comprenant pas la réaction et moi, j’étais là à les regarder quand l’une d’elles s’approcha de moi.

C’était une blonde aux yeux bleus qui portaient une veste en cuir et une robe fleurie avec une paire de sandales à talon. Elle s’approcha de moi avec un grand sourire, puis s’installa à côté de moi sur une banquette en cuir.
- Ce sont tes amis ? Me hurla-t-elle dans l’oreille
- Oui, ils sont avec les tiennes ? Répondis-je aussi en hurlant
- Ouais. Nous sommes des étudiantes et c’est notre dernier jour ici dans ce pays, alors on en profite une dernière fois.
- Tu t’appelles comment ? Demandais-je
- Anja, je viens de RDA. Tu connais ce pays ?
- Bien sûr, c’est très chouette comme ville, Berlin-Est, répondis-je avec un grand sourire.

J’avais eu la chance de partir à Berlin-Est quand j’avais quatorze ans. Mes parents nous envoyaient dans une sorte de colonie de vacances pour les enfants des cadres du Parti alors on visitait tous les pays amis de Moscou. Berlin-Est avait une ambiance un peu particulière avec son Mur qui coupait la ville en deux. Je me souviens qu’il y avait un passage où l’on voyait un peu l’Ouest et j’aurais aimé visiter cette autre partie, mais ces gardes-frontières ne l’entendaient pas de cette oreille. L’accompagnatrice m’avait expliqué peu après que l’Ouest était décadent, il ne fallait pas prendre exemple sur eux. Cette partie soviétique de Berlin était absolument glauque.

Anja était souriante. On ne chercha même pas à danser en fait. Ce qui me faisait craquer, c’était son sourire et la façon qu’elle avait de croiser/décroiser ses jambes. C’était une fille plutôt grande et elle avait un corps athlétique. Brado était une ville qui lui paraissait vraiment très accueillante pour les étrangers, elle en garderait probablement un bon souvenir. Cela l’impressionna de savoir que j’allais devenir pilote de ligne. « Tu vas pouvoir m’envoyer en l’air, ce soir ! » Déclara-t-elle en rigolant et en buvant une gorgée de bière.

Et finalement ça n’avait pas raté. Tous les deux, nous sortîmes du club pour nous rendre dans ma voiture. On s’était mis sur la banquette arrière et puis Anja commença à se déshabiller, moi, je la regardais faire. C’était incroyable de voir une jeune femme comme elle avec un corps athlétique. Je la contemplai pendant quelques instants, avant que nous commencions à faire l’amour sur le parking près de cette boîte de nuit.

Au bout d’une heure, l’habitacle était humide. On se mit ensuite à discuter à moitié allongé sur la banquette. C’était aux alentours de cinq heures du matin lorsqu’un agent de la Milice frappa à notre fenêtre pour nous engueuler. L’homme braqua sur nous sa lampe, demanda un contrôle de nos papiers d’identité et nous dit « Bon écoutez les jeunes, pour cette fois ça ira, mais par contre si jamais je vous revois dans cette posture, je vous embarquerais ».

Est-ce que c’était une expérience humiliante ? Un peu, parce que c’était un moment intime, mais je ne le regrettais pas le moins du monde.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Vallerand ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0