20 août 1989

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Nous sommes à Lebedian depuis quarante jours maintenant. La situation s’est envenimée partout, mais bizarrement, ici, c’est très calme. On se sent réellement isolé de ce qu’il se passe sur Brado et probablement du reste du pays. Finalement, c’était un bon choix de nous retrouver ici, surtout que nous avons été rejoints par nos cousins, mon oncle et ma tante. C’était agréable de les retrouver ici. Nous, on dort dans la maison, eux, ils dorment dans la grange. On a pu effectuer la récolte du blé cet été avec d’autres villageois. Cette période des moissons est toujours un moment chaleureux et convivial où à la fin de la journée, on se retrouve tous sur la place du village, une grande table installée et de la musique traditionnelle est jouée.

Pour des jeunes comme nous, c’est un moment important, car cela permet de se détendre, de penser à autre chose. Durant cette fête des moissons, c’est au cours d’un repas où j’ai vu sans doute la plus belle fille du village : Svetlana. Elle était jolie, blonde aux yeux bleus, peut être un mètre soixante-quinze et devait facilement avoir vingt-et-un ans. Svetlana m’avait invité à danser avec elle, alors je l’avais suivie. Sa robe bleue lui allait à ravir, elle portait même une paire d’escarpins comme les autres jeunes filles présentes. Ça devait être vers minuit quand je la pris par la main pour nous isoler des autres villageois.

On avait trouvé une grange à cinq minutes de marche de l’église. On s’était assis sur un carré de paille pour regarder la maison d’en face. La lumière des lampadaires éclairait peu l’intérieur. Elle se tourna vers moi pour me demander mon nom, que je lui donnai et me demanda ce que je faisais. Svetlana fut impressionnée quand je lui dis que je faisais une école pour devenir pilote de ligne.

- Je suis des études d’électronique, à Kiev, me déclara-t-elle avec un grand sourire. Mais je ne sais pas pourquoi j’ai voulu rentrer ici dans ce village alors qu’il y a cette guerre. Tu ne trouves pas ça bizarre de vouloir rentrer dans un pays en guerre ? Normalement, on les fuit.

- T’as simplement voulu retrouver tes parents et ta famille.

- Bien sûr, mais je ne peux pas m’empêcher de penser à ces affrontements qu’on pourrait avoir ici. J’ai peur qu’un jour, on se fasse encercler par l’Armée Populaire, ils ont commis de terribles atrocités, si j’ai bien compris les rumeurs.

- Tu sais où ils sont ?

- Ils sont à une cinquantaine de kilomètres d’ici, commença-t-elle. J’ai une tante qui m’a appelé quand ils sont arrivés, ils ont commencé à piller son magasin et je n’ai plus de nouvelles depuis plusieurs jours. J’ai peur, conclut-t-elle en pleurant.

Je la pris dans mes bras. Moi aussi, ça me faisait de peur de savoir que nos ennemis n’étaient pas si éloignés de nous. L’erreur qu’on faisait tous était de croire naïvement que cette parenthèse de bonheur était durable alors que malheureusement, ce n’était pas le cas. Soudain, elle se mit à m’embrasser sur la bouche. Je fus surpris, puis je la repoussai. Elle s’excusa, mais finalement, on recommença. Il y avait quelque chose entre cette fille et moi, je le sentais. On fit plus que se rouler une pelle. Nous étions nus comme des vers sur ce ballot de paille à baiser. C’était pour moi une sensation étrange, mais pas désagréable du tout.

Ce qui nous interrompit en plein acte fut le feu d’artifice qui était tiré depuis une autre place de Lebedian pour...Ben en fait, je n’en sais foutrement rien. La musique se remit à battre plus fort, puis nous nous remettions encore une fois à là où nous nous étions arrêtés. Svetlana est une jeune femme très intelligente, je ne pouvais que m’estimer heureux d’avoir pu la rencontrer. Au vu de nos études, je pense que nous étions promis à de belles carrières.

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