11 septembre 1989

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Petrov nous récupéra tous à la sortie du village hier soir. On avait chacun une arme avec nous et nous montâmes à l’arrière de son camion. Tout le monde semblait tendus à cette idée de prendre d’assaut la gendarmerie. Bodnar, qui était à la place du passager, sortit sa tête de la cabine et chuchota « C’est bon, on y va ! ». Le camion vibra puis avança. L’air était encore chaud dehors, les lampadaires éclairaient notre passage et au moment d’arriver à la gendarmerie, une patrouille militaire passa.

Nous n’étions pas discrets sans la bâche, avec nos armes. Alors, ils commencèrent à nous interpeller et se mirent à nous tirer dessus. Mon père arriva à blesser à l’épaule d’un des soldats qui s’écroula. Son camarade continua de tirer jusqu’à ce qu’il se prenne une balle dans la joue. Le blessé était en train de hurler. Quelques instants plus tard, on arriva à la brigade qui était gardée par deux autres militaires, mais quand ils réalisèrent ce qui se passait, il se mirent en position de tir. Le conducteur les canarda avec son pistolet-mitrailleur. Nous sautions tous ensemble de chaque côté du véhicule pour pénétrer de force dans le bâtiment où les gendarmes étaient encore présents, l’un d’eux se mit à genoux les larmes aux yeux.

J’étais moi-même beaucoup trop effrayé pour réagir. Je me contentai simplement de pointer le canon de mon arme sur sa tête, mais je tremblais. Gregor arriva quelques instants plus tard. Je ne sais pas ce qu’il me prit, je donnai un violent coup de crosse sur le nez du gendarme qui se mit à hurler. L’homme pissait le sang et se tordait de douleur. Deux coups de feu résonnèrent dans le bâtiment. Quand je descendis dans les cellules, deux hommes étaient en train de libérer une jeune femme et un homme âgé d’une trentaine d’années qui avaient arrêté pour « trouble à l’ordre public ». L’armurerie avait déjà été forcée. Ils avaient ici de nombreux fusils d’assaut, de nombreuses caisses de munition aussi et des pistolets. C’était de ça dont nous avions besoin. Le commandant de la brigade avait été tué, son corps gisait sous la fenêtre de son bureau, la chaise renversée avec son sang qui avait éclaboussé les vitres et le radiateur. Bodnar ouvrit les caisses de toutes les archives pour tout envoyer en l’air.

Il était une heure du matin. Au bout d’un quart d’heure, on entendit une voix venant d’un mégaphone. La lumière d’un projecteur nous éblouissait tous. C’était la voix de Vasilenko « Messieurs, veuillez vous rendre immédiatement, sinon nous ferons usage de la force ! C’est un ordre si vous ne voulez pas mourir ! ». Je restais dans le bureau de Hordienko, qui ne donnait pas sur la rue et j’avais bien fait parce que la mitrailleuse commença à tirer dès que Petrov se rendit à la fenêtre d’un des bureaux donnant sur la place. Mon père arriva et me hurla « Allonges toi ! ». Son visage était déformé par la peur. Il s’accroupissait à côté de moi en plaquant au sol. Je remarquais qu’il n’avait plus son fusil, mais une Kalachnikov qu’il rechargea rapidement. De nouveaux coups de feu d’armes automatiques se firent entendre ainsi que la déflagration d’une grenade.

Gregor arriva aussi dans le bureau avec le visage ensanglanté. Mon père cassa la fenêtre de Hordienko, puis nous descendîmes chacun notre tour la gouttière. Le groupe de résistance était à présent foutu, nous étions probablement les seuls survivants. La cour arrière était là où des voitures étaient stationnées. Au moment où je tentais de casser la fenêtre, des soldats arrivèrent et nous mirent en joue. On jeta nos armes puis on s’allongea par terre avant de nous faire menotter.

J’ai été inspiré de prendre ce carnet avec moi. Certaines pages sont tâchées de sang. On nous a jeté à bord de ces camions pour être expédié assez loin de Lebedian.

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