15 septembre 1989
On est au quatrième jour de notre captivité. Je suis dans une cellule avec un lavabo, des toilettes et un matelas par terre. Les murs sont entièrement bétonnés, on a une grille pour s’aérer et les seuls vêtements que j’ai, ce sont des vêtements troués qu’on nous a donné. Mon père, Gregor et moi sommes mêlés à des actes terroristes. Bodnar est enfermé avec nous. On ne sait pas combien de temps on va devoir rester ici. Je ne sais pas si ma mère et mes grands-parents ont été mis au courant. J’ai eu hier mon premier interrogatoire. Ils sont venus me chercher, puis m’ont escorté à travers le bâtiment où d’autres taulards sont présents. Tous ont ce regard désespéré et en même temps, quand on entend des claquements de balles dehors, on se doute qu’un jour, on passera aussi par le peloton d’exécution.
La salle était petite, sans fenêtre. Juste un néon pour nous éclairer, moi et l’homme qui avait l’air d’avoir une cinquantaine d’années, qui portait des lunettes et sortit d’une sacoche un dossier avec mon nom écrit dessus. Il m’observa, puis lu ma fiche.
- Aleksei Nagy, vingt ans, un mètre quatre-vingt six, né à Brado. Fils d’un père Hongrois et d’une mère Transslave travaillant pour notre gouvernement. Tu as fait ton service militaire comme tout bon citoyen transslave qui se respecte. Service militaire effectué dans l’armée de l’air où t’as appris à piloter des Illiouchine Il-76 et tu as suivi des cours à l’Académie des pilotes, car tu souhaites devenir pilote de ligne, dit-il d’un ton nonchalant. Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi un type comme toi, qui n’a jamais eu de problème avec les forces de police, qui a des parents tout à fait respectables se retrouve à prendre les armes contre l’autorité de son pays ?
- Et pourquoi je n’aurais pas le droit de me révolter ? Demandais-je
Il me donna une violente gifle puis reprit.
- Réponds à ma question, merdeux.
- Non, c’est vous qui devez répondre à la mienne, repris-je en maintenant ma joue droite
La réponse ne se fit pas attendre en ayant une autre gifle sur l’autre joue.
- Si j’étais toi, j’éviterais de jouer au plus malin parce que ce n'est pas moi qui me retrouve dans de sales draps actuellement. Tu sais, je connais bien Lebedian, c’est très sympa comme village et on sait qui sont tes grands-parents, on sait évidemment qui est ta mère. Si tu veux les retrouver vivants en rentrant, c’est dans ton intérêt d’être coopératif.
- Je ne vois pas pourquoi je devrais me justifier, répondis-je froidement.
- T’en es sûr ? Parce que la vie d’une partie de ta famille est entre tes mains. Tu es vraiment sûr de t’en foutre ?
Son visage commençait à adopter une expression assez gênante. Il fit un petit sourire, j’étais embarrassé par cet interrogatoire, j’avais envie de me barrer d’ici.
- Bien, Aleksei, on a remarqué que tu étais sous les ordres de ce Yuriy Bodnar. Je ne te cache pas, cet homme a eu aussi un parcours de vie tout aussi honnête, reprit-il d’une voix plus calme, je cherche à comprendre comment d’honnêtes citoyens peuvent du jour au lendemain devenir des terroristes. Ca vaut aussi pour ton père et ton frère.
- Je vais être honnête avec vous dans ce cas. Si j’en suis venu à aider à prendre d’assaut cette gendarmerie, c’est parce que les brigadiers présents sont de véritables traîtres.
- Ils ne font qu’appliquer la loi. Tu considères la loi comme quelque chose de mal, tu considères cela comme une entrave ?
- Ce n’est pas ce que j’ai dit, me rattrapais-je
- Alors, pourquoi considères-tu des représentants des forces de l’ordre comme des traîtres ?
- On a été envahi et…
- Non, Vasilenko et ses hommes sont venus à Lebedian parce que l’on veut éviter que les évènements de Brado ne se reproduisent ici, me coupa l’homme.
- On peut donc dire que vous avez failli à votre mission ? Demandais-je avec un sourire sarcastique.
L’homme explosa de colère et souleva la table. Je n’étais tellement pas prêt par sa réaction que je sursautai. De sa ceinture, il sortit une matraque et il me donna une violente baffe qui me fit tomber de la chaise. Peu après il vint me frapper de toute ses forces avec sa putain de matraque. J’essayais de me recroqueviller pour parer ses coups, mais il écartait mes mains pour me frapper et me donna peu après de violents coups de pieds dans le ventre. Avant de sortir, il me cracha dessus et les gardes me récupérèrent pour me jeter dans ma cellule.
Je ne sais pas si j’aurais la force de survivre encore longtemps.
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