22 octobre 1928

Mes chers enfants,

Si vous lisez cette lettre, c’est que mon heure est finalement venue. N’ayez pas le cœur trop lourd ; vous m’avez comblée d’amour et de joies, et c’est en paix que je vous quitte. Nous nous retrouverons de l’autre côté lorsque le temps l’aura décidé. Ayez une belle vie, soyez bons et surtout, gardez votre esprit ouvert comme votre père et moi vous l’avons appris depuis votre plus jeune âge.

Il est temps enfin de vous révéler l’histoire qui se cache derrière l’horloge de la bibliothèque. C’est à vous désormais qu’il revient de garder et de protéger le secret qu’elle abrite, comme l’ont fait avant vous les générations précédentes de notre lignée.

Il y a fort longtemps, le monde était bien différent de ce que nous connaissons aujourd’hui. Les guerres n’avaient pas lieu d’être ; jamais les horreurs que nous avons connues il y a dix ans, et dont l’humanité n’a toujours pas guéri, ne se seraient produites dans le monde d’antan. Avant le Grand Changement, les peuples vivaient dans l’harmonie et le respect de chacun. Puis un jour, tout s’écroula. La magie, les rêves, et la faculté de croire en toute chose ne furent plus que calembredaines destinées à endormir les enfants le soir.

Dans le cœur des hommes naquit un sombre dessein ; une soif incontrôlable de pouvoir et de richesse noircissait désormais l’âme de ce peuple. Non content de renier ce en quoi ils avaient cru durant des siècles, ils entraînèrent les autres peuples dans leur chute.

Ainsi transformèrent-ils le visage du monde en quelque chose de sombre et d’inquiétant, où seul leur peuple avait la capacité de survivre. Les autres civilisations connurent de nombreux troubles suite à la montée en puissance des hommes. Certains peuples choisirent de quitter à jamais nos contrées, comptant parmi eux les Elfes et les Géants. D’autres créatures connurent leur fin dans la folie funeste et ravageuse qui avait saisi nos ancêtres. Ces créatures disparues, nous les connaissons aujourd’hui au travers d’histoires et de légendes qui ont traversés les âges, entre autres les licornes et les trolls. D’autres furent contraints de fuir vers des espaces plus hospitaliers, là où ils pourraient survivre loin de ce peuple devenu fou.

L’ère de ténèbres provoquée par les hommes perdura durant de nombreuses décennies jusqu’à atteindre l’apogée de leur démence. Tout cela a bien failli mener à la fin de notre monde, et bien plus… Mais ceci est le sujet d’une autre histoire, dont je ne connais pas les détails. Pour l’heure, je vous demande, mes enfants, de laisser briller cette étincelle d’imagination qui persiste dans l’obscurité de notre temps et de venir à la rencontre des Bommerayns.