Chapitre 32

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« Tu veux que je t’accompagne ? demanda Loïc alors que Maxine se préparait à aller à son rendez-vous médical.

— Ça va aller, ne t’embête pas. En plus, j’enchaîne avec le boulot. J’y vais ! »

Maxine fit un demi-tour sur elle-même pour aller embrasser Loïc avec une fougue étonnante.

« Tu y vas, chez le médecin ? Ou tu viens d’en revenir ? l’interrogea son compagnon.

— T’es bête, fit-elle. Non, j’espère juste qu’il va trouver c’est quoi qu’il m’arrive. »

Elle se dirigea vers la porte.

« Envoie-moi un message quand tu seras sortie. »

Maxine hocha la tête, lui envoya un dernier baiser volant de la main et disparut dans l’escalier.

*

Une fois seul, Loïc s’alluma une cigarette. Maxine n’avait pas été bien de toute la semaine. Elle avait eu ses hauts et ses bas habituels mais rien de bien marquant. A priori, il n’y avait pas de lien avec sa pathologie, à moins que ce fût une complication à la suite de l’accident. Personne ne savait comment ça fonctionnait à l’intérieur de nos têtes, et peut-être que cela avait détraqué quelque chose dans les neurones de Maxine. L’équilibre chimique dans sa tête était tellement spécial qu’il n’était pas impossible que cela l’ait chamboulée plus que ce qu’on avait envisagé.

Les heures passèrent et il fut bientôt onze heures et demie. Aucun message de la part de Maxine. C’était assez surprenant mais il se dit qu’elle n’avait peut-être pas eu le temps ou qu’elle avait oublié. Il n’était pas inquiet mais il prit tout de même l’initiative d’envoyer un message « Alors, comment ça s’est passé ? ».

Cinq minutes plus tard, il reçut une réponse :

« Ok. Faut que je passe voir ma mère après le taf. À plus tard. »

Loïc fronça les sourcils. Que s’était-il passé avec sa mère ? Lui était-il arrivé quelque chose ? Il réfléchit à ce qu’il pouvait répondre mais ne trouva rien d’intelligent à écrire. Dans tous les cas, sans savoir ce que pouvait sous-entendre le message, il était difficile de faire une réponse qui ne serait pas systématiquement à côté de la plaque.

Il consulta sa montre. Il regarda le sol de son salon. Maxine avait parlé de mettre un tapis devant le canapé et mettre la table basse dessus. Elle n’aimait pas se geler lorsqu’elle s’y agenouillait et posait ses fesses par terre. Elle lui en avait montré une dizaine mais il savait très bien lequel avait sa préférence. Il se dit que c’était l’occasion de l’acheter et de lui en faire la surprise pour ce soir.

*

Loïc passa deux heures à faire les magasins pour trouver le modèle en question. Comme c’était prévisible, ce fut le plus rare et le plus cher. Maxine avait une propension à toujours poser son dévolu sur cette gamme d’objet. C’était à croire parfois qu’elle avait une sorte de détecteur bizarre pour ce genre de chose.

De retour à l’appartement, il consulta son téléphone. Aucun message de Maxine. Il n’était que seize heures, elle était sûrement encore chez sa mère. Il s’occupa alors à installer le tapis et placer la table basse dessus. Il contempla ensuite son aménagement. C’était plutôt réussi et la couleur quoiqu’un peu criarde s’harmonisait bien au reste de l’appartement version décorée à la mode de sa petite amie. Il jeta un œil sur les affaires de Maxine qu’elle avait empilées sur une étagère dans un coin du salon. Elle avait laissé son appareil et il se dit que c’était une bonne idée de prendre une photo. Il l’alluma et tenta tant bien que mal d’en trouver le mode d’emploi. Au bout d’une demi-heure, il réussit tout de même à prendre un cliché potable. Il se mit sur son ordinateur portable pour transférer la photo de la carte mémoire au pc puis du pc au téléphone et il l’envoya à Maxine accompagné d’un court texte « petit aménagement du samedi ».

Il avait espéré qu’en procédant ainsi, il aurait une réponse courte et rapide pour dire « j’adore » ou « J’aime pas » mais il ne reçut rien. Sur les coups de six heures, il commença à s’inquiéter sérieusement et il tenta d’appeler directement. Il tomba sur le répondeur. Il prit alors l’initiative d’appeler la mère de Maxine.

« Bonjour, désolé de vous déranger. Avez-vous vu Maxine ? Elle devait passer chez vous. Et depuis onze heures, je n’ai plus aucune nouvelle. J’ai essayé de l’appeler, je tombe sur le répondeur. »

Il se tut. Il avait tout sorti d’un coup sans lui laisser le temps de répondre. Mais de toute manière, elle n’enchaîna pas tout de suite. Il entendit comme des bruits de porte qui claquent, et des chuchotements. Puis au bout de deux minutes, il finit par entendre un « Allo ? ».

« Oui, je suis toujours là.

— D’accord. Maxine est passée, oui. Mais.

— Elle allait bien ? Vous savez où elle est allée ?

— Laisse-moi en placer une !

— Pardon.

— Elle est repartie, elle a oublié son téléphone ici. Mais je crois que tu ne vas pas la voir du week-end et sûrement toute la semaine prochaine.

— Comment ? Qu’est-ce qu’il se passe ? C’est en rapport avec sa visite chez le médecin ? Elle est malade ?

— Écoute, Loïc, je ne peux rien te dire. À part ce que je viens de t’annoncer. Ce sont des histoires de famille et c’est compliqué.

— C’est son père ?

— Quoi son père ? Qu’est-ce que tu sais à son propos ? »

Loïc laissa passer un silence. La mère de Maxine n’était normalement au courant de rien à propos de sa reprise de contact. Il se pinça les lèvres car son silence était du coup suspicieux.

« Rien, juste que vous dites que c’est familial, donc j’ai pensé à cela.

— D’accord, fit-elle d’un ton qui laissait facilement deviner qu’elle n’était pas convaincue.

— Vous pourriez lui dire qu’elle me passe un coup de fil, dès qu’elle peut ?

— Tu es bouché ou quoi ? Son téléphone est ici, je viens de te le dire.

— Je ne comprends pas. Elle est où ? On ne peut plus la joindre ?

— Non et vaut mieux pas. »

Le ton de la mère était devenu d’un seul coup cassant. Loïc avait un milliard de questions dans sa tête mais il ne voulait pas se risquer à les lui poser. C’était a priori, la seule à pouvoir avoir un minimum d’options pour contacter Maxine et il se voyait mal briser le seul et unique lien qui lui restait.

Il remercia d’un mot la mère de Maxine et raccrocha. Il ne savait plus quoi penser. D’un coup, il avait voulu avoir des nouvelles de Maxine et il en avait eu quelques-unes. Après sur le fond, les affirmations de la mère de Maxine n’étaient que des non-réponses. En clair, elle venait de lui dire de laisser sa fille tranquille, pour une raison familiale. Mais c’était quoi cette raison ? Qu’est-ce qui pouvait être arrivé pour justifier cette brutale disparition ? Quel motif pouvait expliquer qu’on tienne le petit ami ainsi à l’écart ?

Le cerveau de Loïc était en pleine ébullition. Il repassait en revue dans sa tête la moindre minute qu’il avait passée avec Maxine, ce qu’elle avait dit ou fait. Mais à quoi cela servait-il ? De toute évidence, l’élément déclencheur était le rendez-vous chez le médecin. Qu’est-ce qu’elle avait dit à propos de cela, la mère ? Elle ne lui avait pas répondu. Elle avait esquivé.

Il s’approcha du canapé et s’y laissa tomber. Il sentait monter en lui la colère et en même temps, ce sont des larmes qui commencèrent à poindre au fond de ses yeux. Il s’allongea sur le ventre et mit sa tête aux creux de ses bras. Et il resta ainsi pendant de longues heures, jusqu’à ce que la nuit finisse par avoir raison de lui.

*

Le lendemain matin, Loïc se réveilla dans le canapé. Il ne s’était pas couché dans le lit. Même s’il l’avait fait, il n’aurait pas pu fermer l’œil de la nuit. Dans la chambre, tout avait son odeur. De celle de ses cheveux, de sa peau à celle de sa cyprine qui, même s’il avait changé les draps, avait imprégné les fibres du matelas. Il regarda son téléphone : toujours aucun message. Qu’allait-il faire ? Cela faisait plusieurs semaines que cette question, il ne se la posait plus. Qu’elle soit ici ou ailleurs, Maxine avait rempli tous les espaces vides dont il s’arrangeait bien avant. Il ne se souvenait plus comment.

Il passa se mettre un coup sur le visage dans la salle de bain. Depuis quand y avait-il une espèce de film rose collé sur le verre dépoli du velux de la salle de bain ? Depuis quand avait-il aussi une brosse à cheveux et un pot de cire fixant ? N’importe quoi qu’il pût regarder dans cet appartement, il n’y avait plus un seul centimètre carré qui n’avait pas été investi par une idée de Maxine. Et maintenant qu’elle n’était plus là, il étouffait. Comme si l’air qu’elle avait laissé devenait toxique dès qu’elle n’était plus dans les parages.

Les informations de la veille lui remontèrent en mémoire. Il fallait qu’il se calme pour regagner un soupçon de lucidité. Sarah. Peut-être qu’elle aurait des informations ou une idée de ce qui était en train de se passer. Il lui passa un coup de fil et tomba sur le répondeur. Il lui laissa un message.

Il n’eut qu’une petite demi-heure à attendre avant que Sarah ne le rappelle.

« Je n’ai rien compris à ton message, fit-elle bille en tête. De quoi tu parles à propos d’hier, de médecin ? On n’a pas vu Maxine au service du midi. J’ai cru qu’elle était tombée malade. Elle n’allait pas bien depuis le début de la semaine. »

Loïc mit son téléphone en mode haut-parleur pour retourner voir le dernier message de Maxine.

« Après le taf », c’était bel et bien ceci qui était écrit.

Maxine lui avait menti.

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