Chapitre 4
« Tu veux ma photo ? » j’ai envie de lui dire. Comme je remarque qu’il fixe ma bouteille, je n’ose pas lui proposer de mon eau. Oui, je sais, c’est une denrée qui ne se refuse pas... mais, quand même !
— Tu cherches quelque chose ?
— Wow ! Je regardais la bouteille, comme celles de la télé...
C’est le but, non ? On ne passe pas des films avec des bébés nageurs juste parce que c’est mignon ! C'est pour rabâcher le logo de la marque dans la tête des nigauds comme moi qui allons l’acheter et susciter l'envie chez ceux qui ne peuvent pas se la procurer.
— ... mais maman dit que l’eau ça coûte cher.
— Ah, oui ?
Mal à l’aise face à cette vérité, je ne sais que répondre.
— Donc pour le voyage maman a acheté des Coca-Cola, que parce que c’est pas cher, mais c’est pas bon !
Machinalement, je bois une gorgée. Quand je compare le prix de ma bouteille à celui, dérisoire, de ce type de boissons sucrées, addictives et néfastes pour le corps, je suis ulcéré.
La bonne femme à la voix criarde hurle à nouveau. Le dénommé Pepe n’en a cure. Je décide de l’ignorer et je me repose sur le dossier, mais il me suit des yeux. Je prends mon sac à dos et sors quelque chose de rébarbatif, la revue littéraire de ma faculté. Avec ça, il va me laisser tranquille, puisqu'il n’y a pas d’illustrations. Sa mère l’appelle à nouveau. Bon sang ! Sa voix me tape dans le système ! Elle ne peut pas se lever ?
Le gamin ne bouge pas, mais hurle à me casser les tympans.
— Hé ma ! Venez ! On peut s’installer ici ? Il fait moins chaud !
En effet, nous bénéficions enfin des effets de la rotation terrestre : le soleil a fini de rôtir la moitié du bus. De mon côté, je tente vainement d’ignorer la respiration bruyante de l'enfant. Il reste toujours debout et s’agite en faisant des signes ridicules pour faire venir sa mère.
D’un coin de l’œil, j’aperçois deux femmes qui viennent s’asseoir juste derrière moi. L’autre enfant reste sagement avec elles. Elles se mettent à discuter en chuchotant, tandis que j’essaye de continuer ma lecture. Un petit bruit me crispe. Ce doit être l’air entrant péniblement par un nez crotté. Le gamin. De sa bouche sortent des borborygmes, des bouts de syllabes déchiffrées avec difficulté. Cette fois-ci, je commence à m’énerver. J’ai horreur qu’on lise par-dessus mon épaule. Mais pourquoi diable me suis-je installé ici ? Il faut que je reprenne mon ancien siège, avec la jeune fille. Peut-être que l’on aura l’occasion de discuter. Je me retourne et je la vois à peine. Elle dort. Sa tête repose sur son sac à dos en guise d’oreiller placé sur mon siège.
Dépité, je donne le magazine au morveux et je me colle à la fenêtre. Il ne me reste plus qu’à regarder le paysage désertique et monotone.
Le gamin appelle son petit copain et les deux s’installent sagement devant moi. C'est le calme avant la tempête, j'en suis sûr. Ils ne vont pas tarder à manigancer des bêtises. À l’arrière, j’entends les femmes converser tout bas d'une voix angoissée. Comme je suis curieux, je tends l’oreille pour les écouter.
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