Chapitre III

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On m'avait porté un brouet clair et une miche de pain dur en guise de repas, que j'avais mangés seul sur ma paillasse. J'avais espéré que Dacco revienne, mais ce fût un des bedeaux qui me porta ma maigre pitance.

Le jour n'avait pas encore décliné, et je ressentais le besoin de sortir d'ici, bien que mes plaies me faisaient encore souffrir atrocement. L'espace étriqué de ma chambre me rendait nerveux. Le village devait toujours être aux abois suite à la tragédie de ce matin, et le sommeil que je m'étais octroyé m'avait permis de regagner quelques forces. Je me levai pour aller enfiler ma tunique et mes braies. Je pus alors constater les dégâts que le feu avait causé sur mon corps. Mes mains avaient été les plus touchées, mais ma peau était de toute part constellée de plaies et de cloques. Une grande partie de mon anatomie était badigeonnée d'onguent collant. Mon visage n'avait pas été épargné et j'avais à présent de la peau fondue qui descendait de mon front à mon cou. Par chance, mes yeux avaient été préservés. Aujourd'hui encore, je garde les stigmates de cette nuit-là.

Le tissu rêche que je faisais glisser le long de mes blessures rendait la tâche difficile, arrachant par endroits mon épiderme fragile. Je grimaçais. Vint alors le tour de mettre mes chausses. L'entreprise fut une véritable farce cruelle. J'avais perdu une part d'habileté dans mes extrémités, qui tremblaient au moindre mouvement. Les lanières fines de cuir que je nouais autour du tissu, faisaient s'enfoncer le tout dans ma chair molle, m'arrachant des gémissements rauques, faisant perler mon front de sueur.

Une fois mon calvaire terminé, j'enfouis ma tête sous la capuche de mon mantel, et quittait ma chambre, rejoignant le long couloir aux chambres multiples. Je vivais dans l'aile ouest de notre presbytère, partageant la vie avec les bedeaux et les invités de basse importance, alors que l'aile est était réservée à mon Père et ses vicaires ainsi qu'aux invités de marque. Notre partie était très modeste, aucun aménagement superflu n'avait été construit. Après quelque pas, un rayon de lumière attira mon regard, filtrant de l’entrebâillement d'une porte.

J'aperçus un morceau de corps nu me présentant son arrière, allongé sur une paillasse. Des courbes féminines, qui m'étaient jusque là inconnues. Mon regard, captivé par la luxuriante vision, glissa coupablement le long du rebondis de ses hanches, caressa avec douceur sa taille, s'attarda sur sa poitrine dont les côtes se soulevaient au rythme d'une respiration somnolente, pour atterrir enfin délicatement sur sa chevelure ardente dont chaque brin semblait contenir l'essence même d'une flamme étincelante. Je sentis mon cœur partir dans une étrange course, et mon corps entier s'engourdir. Un nouveau mouvement, à l'intérieur de la pièce, me sortit de ma contemplation. Je ne vis qu'une silhouette portant l'habit ecclésiastique marron, dont la main s'approchait avec une hésitation certaine du dos de Syre. L'homme tenait un objet que je ne reconnus point, semblable à une pointe de lance d'une extrême finesse. Jamais je ne vis son visage. Il planta alors l'objet dans l'une des tâches jaunes qui parsemaient le dos de la jeune fille, que je n'avais pas remarqué lors de mon premier examen. Je vis la pointe s'enfoncer dans la peau épaisse. Il n'y eut aucun mouvement de douleur. Aucune goutte de sang ne perla. Alors que, désireux d'en voir plus, je m'approchais de la chambre, des pas retentirent à l'autre bout du couloir, me sortant de mon hypnose.

Quand je tournai de nouveau mon regard vers la porte, cette dernière était cette fois close. J'espérai ne pas avoir été vu.

Reprenant ma route, de nombreuses questions se glissèrent insidieusement dans mon esprit, faisant écho aux mots que Dacco m'avait confiés plus tôt. Je me questionnais sur ce à quoi je venais d'assister, essayant de me persuader qu'il ne s'agissait sûrement que d'un traitement dont je ne connaissais l'existence.

Je quittai alors précipitamment le presbytère, tentant de recouvrer ma tranquillité.

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