Chapitre 2 : Morgane
Je ne me souviens pas de grand-chose, en fait, plus exactement, je ne me souviens que du moment où je me suis réveillée dans le trainet dans un silence et un froid glacial. J'ai regardé autour de moi et n'ai vu que de la neige. La vitre du wagon avait été explosée par une branche d'arbre qui m'avait frôlée de très près. J'avais très mal à la tête, une douleur lancinante. Je ne me rappelais plus de rien, de mon prénom, de mon âge, d'où je venais, qui étaient mes parents... Une totale amnésie.
J'ai commencé à suffoquer, envahie par une angoisse terrifiante. Peu à peu des bruits se firent entendre, des personnes implorant de l'aide, d'autres hurlant à la mort. Le train était penché d'une drôle de façon et j'eus du mal à ouvrir la porte de ma couchette pour accéder au couloir. Et ce que j'ai vu m'a glacé le sang. On se trouvait au bord d'un ravin vertigineux, avec une rivière rugissante en contre bas. Le train menaçait de tomber à tout moment. Une dame âgée est passée devant moi, le visage en sang, l'air perdu et désorienté. Il fallait que je sorte du train au plus vite, je sentais au fond de moi que c'était vital. Je suis retournée dans ma cabine et j'ai pu passer par la fenêtre éventrée. J'ai dû glisser un milliers de fois, essayant de remonter afin de me mettre à l'abri. Et dans la panique, j'avais oublié de prendre mon manteau mais c'était trop tard. Je sentais le froid me glacer au plus profond de mon être. Je savais que je devais bouger sinon j'allais tomber en hypothermie mais je sentais le sommeil me gagner peu à peu sans que je puisse faire quoique ce soit.
Je suis tombée dans la neige et me suis laissée gagnée par la douce torpeur du froid. Je me sentais étrangement bien, comme si finalement tout devait se terminer ainsi, même si je ne savais pas ce qui devait se terminer. Au fond de moi, je sentais un soulagement terrible, comme si un poids venait d'être délivré de ma poitrine. Je me laissais sombrer.
Je fus réveillée presque aussitôt par un bruit terrible, le train avait finalement plongé dans le ravin. Pendant la chute, j'ai entendu les hurlements de ceux qui étaient restés bloqués à l'intérieur des wagons et puis plus rien. Je me suis demandée si j'étais seule ou si ma famille était venue avec moi. Cette pensée était effrayante et je l'ai repoussé au fin fond de mon esprit tourmenté.
J'avais pensé à récupérer mon sac mais je n'avais aucun papier d'identité, ni billet de train avec moi, ce qui me confortait dans l'idée oh combien terrifiante que je ne voyageais pas seule. Il n'y avait qu'une boite à musique, très ancienne apparemment. Je l'ouvris et une très belle musique s'enclencha avec une petite danseuse. Pour une raison que je ne pouvais pas comprendre, je me suis mise à pleurer sans retenue. Je me suis rallongée, en tenant la boite à musique contre moi, épuisée, n'attendant plus rien. J'étais perdue au milieu de montagnes enneigées sans lumière de ville à l'horizon. Qu'avais-je pu vivre de si terrible pour que je ressente ainsi le désir profond de mourir?
J'étais sur le point d'abandonner, transie de froid lorsque l'ai aperçue.
Sur le coup, je me suis dit que j'étais en train de mourir et qu'elle n'était qu'une hallucination. Mais pourtant, elle était bien là : une petite fille à la robe rouge, tenant une lanterne à la main. J'avais l'impression qu'elle essayait de me dire quelque chose, je voyais ses lèvres bouger mais je n'arrivais pas à comprendre ou je n'étais plus en capacité de le faire. D'ailleurs, son visage ne m'étais pas étranger, il me semblait la connaître, réveillant quelque chose au fond de ma mémoire perdue mais qui s'évapora aussitôt. Je ne pouvais plus empêcher mes yeux de se fermer.
La dernière vision que j'ai eu fut celle de la petite fille qui me regardait avec un air désolé.
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