Chapitre 3 : Léo

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JOUR 2 : les disparitions

Il se passe quelque chose de grave. La Terre ne tourne plus rond, le monde est en train de devenir fou.

Cela fait maintenant deux jours que cette lueur est apparue dans le ciel et que notre monde a changé.

Après les morts, nous avons eu les disparitions pures et simples.

Il est resté de cette étrange explosion une drôle d'impression dans l'air et des aurores boréales ont fait leur apparition dans tous les coins du globe. Ce qui bien entendu, en temps normal, est impossible. Les scientifiques disent que le noyau de la terre et le champ de protection ont été durement touchés et que cela aura très certainement de tragiques conséquences par la suite. Enfin, rien de réjouissant.

 Papa n'est pas revenu. Il a disparu comme tant d'autres avant lui. Personne n'est en mesure de comprendre ce phénomène. Des familles entières ont disparu de leur maison sans rien emporter, certains au moment du repas qui était encore chaud, d'autres carrément à la vue de tout le monde. Ils étaient là, à rire, à discuter et la seconde d'après, il n'y avait plus personne. Le pĥénomène a bien sur été filmé de nombreuses fois et ainsi décryptés sans qu'aucune explication ne puisse être donnée. Je vis dans la peur terrible comme beaucoup je pense, de disparaitre moi aussi. Personne ne sait ce qu'ils sont devenus, même s'ils sont tout simplement morts. On va devoir vivre sans savoir. Maman garde espoir malgré tout, je pense qu'elle se berce d'illusions.

 Je sais qu'ils ont retrouvé ton train renversé dans le ravin. Tout le monde est mort mais ils n'ont pas retrouvé ton corps. Alors, j'espère. J'espère que tu t'en es sortie, que tu vas bien, que tu as été recueillie et que je vais bientôt te revoir. Tu me manques tellement.

 J'aurais aimé que Grand-mère soit encore de ce monde. Peut-être aurait-elle su ce qu'il était en train de se passer. Elle m'a toujours dit, jusque sur son lit de mort, que le monde allait à sa perte. Je pensais que ce n'était qu'une manière de parler mais finalement non. Elle savait, tout comme elle savait que quelque de très grave allait t'arriver et c'est pour ça qu'elle ne voulait pas que je m'attache si profondément à toi. Grand-mère ne cessait de me dire que tu étais différente mais ça je le savais déjà. Oui, tu es unique en ton genre, à vivre dans ton monde bercé de magie, d'illusion et de croyance. Etais-tu folle pour autant ? Non, certainement pas.

 La deuxième fois que je t'ai vue, tu étais devant le portail de l'école, toute seule, si jolie dans ton manteau rouge. Tes yeux étaient rouges, et mon coeur se serra en me demandant pourquoi tu avais pu pleurer. Puis, j'ai vu ton sourire apparaître. Ton visage en fut transformé et j'eus l'impression de voir un ange tombé du ciel. Tu as fait signe à quelqu'un au loin, pourtant il n'y avait personne. Les autres élèves se sont mis alors à rire, te montrant du doigt et se moquant de toi. Je leur en ai voulu lorsque je t'ai vu te réfugier sous un masque glaçant de désespoir.

 Grand-mère m'avait pourtant prévenu et menacé si je venais à te parler mais pourtant, en cet instant, j'en ai voulu à la terre entière de la manière dont ils te traitaient tous. Alors, je me suis rapproché et j'ai pris ta main. On aurait dit que le ciel venait de nous tomber sur la tête. Les visages étaient choqués. La sonnerie de l'école a retenti et nous sommes rentrés en classe. Tu n'as lâché ma main que lorsque nous avons été installés. Tu t'étais mise au fond, certainement par habitude et je t'y ai rejoint. De ce jour, nous ne nous sommes plus quittés.

 Quelques temps plus tard, j'ai enfin osé te demander ce que tu regardais avec tant d'insistance ce jour là et pourquoi tu avais paru d'un coup si heureuse et soulagée. Tu m'as répondu qu'un ange t'était apparu pour te dire au revoir et rejoindre les étoiles. Sur le coup, je n'ai pas su quoi te répondre tellement ça me semblait irréaliste. Peu de temps après cette conservation, j'ai appris que ta tante était morte d'une très longue maladie au jour et à l'heure exacte à laquelle tu avais souri, que sa mort avait été une délivrance pour elle qui avait tant souffert. Dans ma famille, nous ne sommes pas croyant, que ce soit dans une religion en particulier ou dans le surnaturel. Mes parents m'ont appris à être terre à terre mais avec toi, j'ai appris à vivre la tête dans les étoiles. J'ai plongé dans un monde si différent de celui que je connaissais. C'était notre secret. J'espère qu'au jour d'aujourd'hui, tu es dans ton refuge et que tu m'y attends. Le fait qu'ils n'aient pas retrouvé ton corps me conforte dans l'idée que tu es quelque part, assise peut-être au pied d'un arbre, attendant que l'on vienne te chercher. Telle Alice attendant que le lapin blanc vienne la chercher.

 J'ai croisé ton oncle ce matin. Il a tellement vieilli mais comment pourrait-il en être autrement? L'enterrement de tes parents doit avoir lieu demain après-midi. Après avoir perdu sa femme, il perd son frère et sa belle-soeur. Quelle tragédie... Mais au moins, lui, a des corps à enterrer. Ta tante est morte dans un avion qui s'est écrasé. Elle revenait d'un séminaire de travail. Moi je n'ai pas de corps pour faire le deuil de mon père. A-t-il rejoint tes étoiles si chères à tes yeux ? Je l'espère de tout coeur. Je veux, j'ai besoin de croire que malgré tout, quelque chose subsiste de lui.

 Un jour, je t'ai demandé si tu pensais qu'il pouvait y avoir quelque chose après la mort. Une petite fille de notre classe était morte dans un terrible accident de voiture où toute sa famille avait péri. Je me rappelle que maman ne cessait de pleurer et que la maîtresse était restée pendant des jours avec les yeux rougis par les larmes et le teint si pâle. Je n'ai pas eu le droit d'aller à l'enterrement, maman n'aimait pas parler de la mort. Tu as doucement rigolé et tu m'as regardé avec ce drôle d'air, mélange de compassion?, de pitié ? Et de mystère. Tu m'as répondu que seuls ceux qui étaient partis le savaient. Mais que oui, l'univers était fait de telle sorte que l'essence de notre âme ne disparaissait pas et venait fleurir le ciel étoilé. Tu aimais croire que les étoiles étaient les âmes de ceux qui étaient morts. Je t'ai répondu que tu croyais alors que l'univers était un immense cimetière d'âmes en peine. Tu m'as demandé pour quoi "des âmes en peine". Je n'ai pas su répondre. Tu as pris mes deux mains dans les tiennes et tu m'as demandé de fermer les yeux. Je sentais ton souffle chaud contre moi et puis une douce torpeur m'a saisi. Je t'entendais murmurer et je commençais à me sentir étrange, comme plongé dans un profond sommeil. Je me suis alors retrouvé entouré d'étoiles et j'ai compris. Je les ai entendu chuchoter entre elles, j'ai vu des images de la vie de certaines. Je me sentais si bien, en paix, serein, comme je ne l'avais jamais été. Je serais bien resté là-haut parmi toutes ces âmes qui me parlaient. Et puis je suis redescendu et j'ai rouvert les yeux sur ton visage radieux.

 Je me suis toujours demandé ce qu'il s'était vraiment passé ce jour là. Je n'en ai jamais parlé à qui que ce soit de peur de paraître fou ou que l'on m'interdise définitivement de te voir. Depuis tous les soirs, j'observe le ciel et murmure une prière muette à leur intention.

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