Chapitre 45 : Loren
- Ne bouge pas, April. Voilà..
Je levai un instant les yeux. Face à moi, assise sur un petit tabouret, April essayait de ne pas remuer alors que Thilia s'amusait à la coiffer. Elle venait de terminer, selon elle, de s'occuper des cheveux bouclés de Steve et je songeai qu'Ally aurait encore bien du travail quand elle en aurait terminé avec ceux de Stair.
Nous étions le lendemain du premier concert à Dublin et nous avions bien volontiers accepté la demande de nos hommes de nous occuper de leurs chevelures. C'était un rituel obligé, m'avait confié Ally. Pas forcément tous les jours, mais très régulièrement. Et en général, chaque lendemain de concert, il fallait s'y plier. Ils prenaient tous grand soin de leur cheveux, et Stair en tout premier lieu : il était aussi celui qui les portait les plus longs, même si Treddy n'était pas loin de pouvoir rivaliser. Ce dernier avait les cheveux plus raides et Edna y passait moins de temps qu'Ally pour Stair. C'était un vrai sacerdoce de la part de cette dernière. Mais ils avaient l'air d'apprécier autant l'un que l'autre. Je devais bien reconnaître que ce n'était pas du tout désagréable à faire et je m'employai à démêler soigneusement chaque noeud des mèches de Snoog, en songeant que nos étreintes de la nuit n'y étaient peut-être pas pour rien dans cette jungle.
C'était un moment de détente, de bonne humeur et de complicité. Nous étions tous ensemble, avec les enfants. David était avec nous aussi, même si ses propres cheveux courts ne nécessitaient aucun soin particulier. Jenna était toujours la première à terminer, mais elle prolongeait souvent le moment au-delà du nécessaire. Et par mimétisme, Thilia avait décidé de coiffer April et Steve. Je n'étais pas certaine que ma fille se laisse faire bien longtemps.
Nous parlions de tout et de rien, les blagues fusaient entre les garçons. C'était aussi dans un moment comme celui-là que je pouvais sentir leur grande complicité et comment les trois autres jeunes femmes s'y glissaient avec naturel et spontanéité. J'étais un peu en retrait, même si je n'hésitais pas à répondre, mais j'avais le sentiment de chercher encore ma place. Etre seule avec Snoog et April, c'était une chose, partager des moments de vie du groupe, c'en était une autre et je n'y étais pas encore habituée.
- Aïe !
April porta la main à ses cheveux, Thilia avait dû tirer un peu fort. Elle gigota, puis se leva et se précipita vers son père, grimpa sur ses genoux.
- Lia fait mal. Apil mal.
- C'est rien, pitchoune. Thilia a pas fait exprès.
Et il lui passa doucement la main dans les cheveux, puis la cala contre lui.
- Mama pas mal.
- Non, maman me fait pas mal.
- Pas comme ça en tout cas, lança Lynn particulièrement en verve depuis le matin.
Snoog lui jeta un regard sombre.
- Ouais, reprit-il. C'est pour cacher la marque de ses ongles qu'tu portes des t-shirts à manches ?
- Crétin. Il fait frais, ce matin.
Stair s'esclaffa pendant que Treddy et David échangeaient un regard amusé. Me prenant au jeu, je glissai ma main sous l'une des manches et dis :
- Hum, l'araignée se porte bien.
- Par contre, tu l'as pas raté dans l'dos, fit Stair.
- Comment tu sais ça, toi ? lança Snoog.
- Difficile à louper sur scène, quand t'as enlevé ton t-shirt. On voyait plus que ça.
- Non ? fis-je en ouvrant grand les yeux car je n'avais rien remarqué de spécial.
Je poussai doucement Snoog pour le décoller du dossier et soulevai son t-shirt, un peu inquiète. Les garçons rirent encore plus alors que Snoog rabaissait aussi vite son vêtement :
- C'est que des craques, Loren. Ils disent n'importe quoi. Sont juste jaloux.
- T'es jaloux, toi, baby ? fit Ally en se penchant vers Stair.
- Moi ? Nan, ma belle. T'es la plus belle et la mieux gaulée à mes yeux. Même si j'reconnais qu'on est bien entouré, avec vous toutes. On peut pas s'plaindre.
- Ouais, enfin, ça nous change, reprit Lynn.
- Qu'est-ce qui vous change ? fit Snoog, d'un ton bougon.
- Depuis qu'Loren est là, on n'a pas droit au récit d'tes exploits. C'est mieux pour les oreilles chastes des gamins...
- T'exagères. J'raconte jamais rien devant les mômes.
- Hem, hem... fit Ally. Il vaut mieux entendre ça que d'être sourd !
- T'es une magicienne, Loren, reprit Lynn. On n'en tire plus rien.
- J'croyais qu'y avait des limites intimes à pas franchir, lança Snoog, toujours un peu sur la défensive.
- On croyait aussi... il fut un temps, répliqua Treddy en levant les yeux vers Edna qui lui sourit avec amusement.
- Tin... Vous êtes lourds, les mecs.
- Autant que toi à une époque, intervint Jenna.
- Les écoute pas, Loren.
- Ca m'amuse. Ne t'inquiète pas. Je n'ai pas besoin que tu me défendes. Pas contre eux en tout cas. Je ne suis pas en sucre.
Il m'attrapa par le cou et me murmura à l'oreille :
- Pourtant, t'as un p'tit bonbon... Hum... J'y goûterais bien à longueur de journée... et de nuit...
- Chassez le naturel, il revient au galop ! lança Ally qui était juste à ma droite et qui avait certainement tout entendu.
Je me redressai, tentant de me concentrer sur les dernières mèches qui me restaient à démêler.
- Papa ! Bonbon ! dit April en levant les yeux vers nous et en tapant dans ses mains.
- Ah ben voilà que tu t'y mets, toi aussi !
- C'est le risque... Il te reste à apprendre que les enfants ont TOUJOURS une oreille qui traîne, conclut Ally.
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