Chapitre 54 : Snoog
April dans les bras, je suivais Loren dans le long couloir aux murs dont la peinture oscillait entre le gris et le jaune. Rien à voir avec le labo de l'hôpital où nous avions fait le précédent test. Là, on sentait bien que c'était le domaine de la police, pas celui de la santé. L'avocat de Loren était avec nous et mena notre petite famille jusqu'à un autre couloir. Par réflexe, je serrai un peu plus fort April contre moi car je venais d'apercevoir l'abruti qui attendait. Nous étions donc arrivés.
Une employée en uniforme s'avança vers nous et notre avocat la salua, déclinant son identité, puis les nôtres et lui donnant le nom de notre dossier. Elle nous invita à prendre place et je remerciai en pensée l'avocat qui s'assit entre l'abruti et Loren, moi-même prenant place le plus loin de lui.
L'heure du rendez-vous nous avait été imposée, impossible de la modifier. Et c'était le début d'après-midi. A cette heure, habituellement, April faisait sa sieste et même si nous avions essayé de nous décaler un peu depuis ce matin, je voyais bien qu'elle s'agitait, se demandant sans doute pourquoi nous étions là. Elle tenait son doudou contre elle, le frottant contre son nez. Je lui parlai doucement, pour qu'elle ne s'endorme pas.
A un moment, je relevai la tête. Loren fixait le mur en face, le visage un peu fermé. Mon regard ne s'arrêta pas à contempler son joli profil et croisa celui de l'abruti. Il le soutint d'un air mauvais. Je ne baissai les yeux que parce qu'April tirait sur mes cheveux, commençant à emmêler ses doigts dedans. Bon, au moins, ça la tenait éveillée. Quand je reportai mon attention sur lui, son regard s'était chargé de colère.
Une chose me donnait encore plus de volonté, c'était qu'April ne l'avait pas du tout capté. Celui qui avait été son père durant un peu plus d'un an. Elle ne l'avait pas reconnu. Et je savourais comme un bonbon délicieux le fait que c'était moi qu'elle appelait papa.
- Monsieur ? fit l'employée en s'adressant à lui.
- Oui ?
- Pouvez-vous me suivre ?
- Bien entendu.
- Par ici, s'il vous plaît.
Et ils passèrent devant nous avant de tourner deux portes plus loin, sur la droite. Mais avant, il ne put s'empêcher de lâcher entre ses dents un "salope !" à hauteur de Loren. Putain, le connard ! Il avait de la chance que j'aie la louloute dans les bras, sinon, qu'on soit dans les locaux de la police ou pas, je lui aurais réglé son compte. Il commençait à sérieusement me taper sur le système. Déjà qu'il avait, malgré ma mise au point deux semaines plus tôt devant le palais de justice, harcelé Loren au téléphone... mais tombait à chaque fois sur le répondeur comme l'avocat le lui avait conseillé.
En entendant sa voix, April s'agita. Je reportai mon attention vers elle. Elle avait l'air apeuré, comme inquiet. Heureusement, l'abruti était déjà loin. L'avait-elle reconnu ? Difficile à dire, mais il avait peut-être réveillé un mauvais souvenir dans son inconscient. Loren m'avait raconté les réactions d'April quand il rentrait du boulot et qu'il lui prenait la tête. Je caressai doucement son dos, elle remit son pouce dans sa bouche, frotta son doudou contre son nez. Elle était adorable quand elle faisait cela et ça me faisait fondre. Cela la calma bien vite.
Alors que l'abruti disparaissait dans la pièce, Loren retint un soupir et glissa sa main sur mon bras. Je la pris un instant, la serrant fort. Pas question de se laisser impressionner par cette petite merde. A peine quelques minutes plus tard, il ressortit et s'éloigna aussitôt sans nous jeter cette fois le moindre regard. Puis ce fut notre tour. Loren d'abord, moi ensuite. Et April pour terminer. Pour la petite, et pour des raisons de protocole qui avaient été moins strictes à l'hôpital, c'était Loren qui devait la tenir, pas moi. L'infirmière qui assurait le prélèvement avait un visage sérieux, presque austère. Elle prit le bras de ma louloute avec autorité, Loren l'aida le mieux possible. Mais déjà, le visage d'April se tordait d'inquiétude et malgré la chanson que je lui fredonnai, elle se mit à pleurer dès que l'infirmière lui passa le coton d'antiseptique sur le bras. A la piqûre, elle cria, tenta de retirer son bras, mais heureusement sa mère et l'infirmière le tenaient bien fermement. Ce fut vite terminé, mais dès que le pansement fut en place, Loren me la tendit et April vint se nicher contre moi. Je la berçai tendrement :
- C'est fini, ma puce, c'est terminé. Plus de bobo. On va rentrer à la maison, tu vas pouvoir dormir.
- Papa... Papa... Dodo...
- Oui, dodo, ma puce...
L'employée qui nous avait accueillis nous fit signer un document, puis nous pûmes sortir. L'avocat nous raccompagna jusqu'à la porte.
- Ca va aller, pour la petite ? nous demanda-t-il une fois sur le trottoir.
- Oui, répondit Loren. J'espère qu'elle va vite s'endormir, ce n'était pas la bonne heure pour elle, en plus de la piqûre... Merci à vous.
- Vous pouvez me rappeler si vous le souhaitez dès que vous aurez la convocation du juge. Nous pourrons préparer ce rendez-vous. Mais soyez confiants. Votre dossier est limpide. Et la constestation sera difficile pour la partie adverse.
- J'espère que vous dites vrai ! soupira Loren. J'ai hâte que tout cela soit terminé.
- Je comprends. Mais franchement, même sans les résultats d'analyse...
Et il ponctua sa phrase d'un geste, nous désignant April et moi, comme si c'était une évidence. Il nous serra la main et nous dit :
- Je vous souhaite une bonne fin de journée.
- Merci, dis-je en lui rendant sa poignée de main. Pour vous aussi.
Puis nous rentrâmes à l'appartement. Nous avions décidé d'y rester pour la soirée et la nuit et de rentrer à Glasgow demain matin. Il y avait un train vers 10h, ce serait parfait.
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