6 – Pseudo : Kin - Le monde d'à côté -- Auteur incipit : Noëli Thex - Auteur texte : Louise 17
J’ai toujours rêvé d’être invisible. Mais je n’aurais jamais cru que ça allait m’arriver ce matin.
La journée commençait, banale comme les autres, par mon trajet quotidien en métro . Dans le couloir de la station je me fais bousculer par une personne visiblement pressée. Puis par une deuxième. « Surtout ne vous excusez pas ! ».
Il y a déjà foule dans la rame. J’ai toujours aimé dévisager les gens jusqu’à croiser leur regard, mais ce matin tous semblent perdus dans leurs pensées, sauf ce petit loulou sagement assis sur les genoux de sa maîtresse. Il me fixe en hochant la tête et pousse de légers gémissements. Je lui tire la langue et il se met à aboyer, ce qui surprend la vieille dame : « Mais qu’est-ce qui te prend ? » Enfin une place assise se libère, quarante minutes de métro, c’est long. Mais au moment de m’asseoir, je me fais carrément écraser par une grosse qui me chipe ma place. J’arrive à m’extirper de justesse et je crie ma colère. « Quoi ! D’accord je ne suis pas grabataire, ni une femme enceinte, mais il y a des limites ! » Et devant l’indifférence générale, je reprends mon calme. « Mais dans quel monde vit-on ? » comme dirait ma mère. J'éprouve alors une étrange sensation de solitude parmi ce peuple de zombies.
Je traverse comme d’habitude le parvis de la Défense d’un pas décidé. Je ressens toujours une certaine fierté à travailler ici, le quartier des affaires, l’arche et les grandes tours. Trois ans déjà. J’entre dans l’immeuble qui m’est maintenant familier. Je cours vers l’ascenseur, mais personne ne me tient la porte qui se ferme juste devant mon nez. J’en ai marre de cette société où chacun vit dans sa bulle et se fout éperdument de l’autre ! Beau quartier, mais fréquenté par des cons ! Merde ! Je décide de monter les quatre étages à pied. J’arrive à bout de souffle au bureau. Bon, je suis quand même à l’heure. Je travaille à la comptabilité avec Véronique ma cheffe et Sylvain.
« Bonjour tout le monde, quelqu’un veut un café ? » Pas de réponse. Quelle tête d’enterrement, ces deux-là. Travailler avec eux n’est pas une sinécure. Entre elle qui minaude tout le temps auprès de la direction dans l’espoir d’obtenir un avancement et ce vieux boutonneux célibataire qui flippe malgré ses trente ans de boutique, quelle galère ! J’ai beau faire des efforts, je n’y arrive plus et ce satané contrôle fiscal qui n’en finit pas ! D’ailleurs où est passé mon dossier ? Et mon ordinateur ? Table rase sur mon bureau !
Je fixe Véronique et lui dis : « Ah ! Je vois ! » « Vous avez décidé de me virer ! Depuis le temps ! » Impassible, elle reste penchée à lire une note, faisant mine de n’avoir rien entendu. Et lui pareil ! Aucun courage ! « Mais, ça ne se passera pas comme ça ! » Et je claque la porte. Je descends prendre un café, pour retrouver mes esprits et décider ce que je devais faire.
A l’entrée du hall, je perçois une conversation à voix basse « Ouais, c’est terrible ce qui est arrivé. » « Moi, je pense que c’est la faute du patron.» « …trop de pression... » « …pas responsable à ce point…» « Paraît qu’il y a beaucoup de malversation » « se foutre en l’air, à cet âge… » «… par la fenêtre… »
Mince alors, je n’ai pas tout suivi, mais il est arrivé quelque chose de grave. Je demanderai discrètement à l’accueil tout à l’heure.
Dans le hall de la cafétéria, une table inhabituelle est là en plein milieu sur laquelle est posée une urne ornée d’un ruban noir, avec un portrait devant. Mais, je connais cette photo ! C’est un selfie lors de mes dernières vacances à la Réunion.
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