20 – Pseudo : Dusty Waterbuck - Fatalité -- Auteur incipit : Raphaël :) - Auteur texte : ooelleoo

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C'est à la lumière du matin que j'ai compris. Le soleil était terne, l'air froid et sec. J'ai frissonné. On dit qu'un frisson est provoqué lorsque quelqu'un marche sur l'emplacement futur de notre tombe... Aujourd'hui, ce quelqu'un, ça va être moi…

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Je quitte la fenêtre, comme pour me débarrasser de cette sensation de danger. La vue de ma chambre dans mon appartement sous les toits me rassérène. Avec ses poutres en bois, son épais tapis d’un brique foncé et un éclairage tout doux, la familiarité quotidienne aide mon cœur à retrouver un rythme normal. Malgré la triste météo renforçant cette pensée de mauvaise augure, je me résous à lancer mon breuvage matinal dans ma petite cafetière à l’italienne. Le temps que l’eau bouille, je file sous la douche, histoire de rincer à l’eau claire mes pensées en plus de ma peau. J’ai toujours trouvé incroyable l’effet que l'eau chaude peut avoir sur moi !

Propre et réveillée, je jette donc un coup d’œil à mon sac à main pour vérifier le contenu. Comme tout sac à main, il contient un bric-à-brac d’objets plus ou moins utiles. On y trouve aussi bien des mouchoirs, mes clefs et un rouge à lèvres de secours qu’un vieux Rubik’s Cube, deux ans de tickets de carte bleue abandonnés ainsi que de vieilles cartes de fidélités.

Mais mes yeux habitués font abstraction du superflu et, rapidement, j’y repère ma carte de transports, mon portefeuille et mes écouteurs. À la porte, j’attrape mon manteau et un foulard, jette mon portable avec le reste du foutoir organisé et prends en main la bonne clef après une volte machinale du trousseau autour de mon doigt.

Les nuages ont été soufflés et en ouvrant la porte cochère j’aperçois des plaques de ciel bleu. Enfilant mes écouteurs, je m’engage dans la rue presque vide pour mes 8 minutes de marche jusqu’à la station de train.

C’est en tournant au premier carrefour que je remarque l’homme au long manteau noir accroupi, semblant refaire ses lacets, qui me salue avec un petit sourire et se relève presque aussitôt que je suis passée devant lui.

C’est alors que mes pensées macabres me sont revenues.

Depuis toujours, parents, amis et la société toute entière m’ont appris à me méfier, seule dans la rue, un parc, les transports. Les sens aux aguets, je ne le remarque que lorsque qu’un signe quelconque me donne l’alerte.

Je jette donc régulièrement des coups d’œil vers l’homme. Bizarrement, bien que ses pas m’aient semblé plus longs que les miens, il ne me rattrape pas. J’accélère, vérifie encore en arrière. Je traverse et trébuche sur le rebord du trottoir. Le contenu de mon sac se répand par terre.

Accroupie par terre, surveillant l'homme qui avance vers moi, je ramasse le rouge à lèvre, récupère mon portefeuille et attrape précipitamment les reçus qui ne me servent à rien.

L’homme s’est encore rapproché. Je me relève et m’éloigne au moment précis où lui, qui m’a presque rattrapée, commence à se diriger vers moi d’un pas pressé, me fixant du regard.

Musique à fond, je presse encore le pas. Mon cerveau rationnel veut me convaincre que ce n’est pas de la peur. Que je le fais simplement pour ne pas rater mon train dans 4mn, mais j’ai l’impression qu’il en a fait de même.

Je tourne dans la rue qui mène à la gare et lui aussi, évidemment. Du coin du regard je le vois lever la main comme pour héler un taxi, mais la rue est vide. Peut-être est-il fou ? Le train, toujours ponctuel, part dans 3mn ; si je l’attrape, j’y trouverai une relative sécurité. Il y a toujours quelques passagers malgré la proximité de la fin de la ligne.

C’est au moment de valider mon titre que mon cœur et ma peur reprennent le contrôle. Je fouille frénétiquement dans ma besace sans trouver mon passe et, voyant mon train arriver en contrebas de la station et l’homme s’approcher presque en courant dans la gare vide, en remue chaotiquement le contenu. Je reprends la fouille, me trompe encore deux fois de carte, mets enfin la main sur le précieux sésame et franchis hâtivement le tourniquet.

Courant à moitié, je me dépêche d’avancer jusqu’à l’escalier en jetant de nouvelles oeillades en arrière. Bien entendu, l’homme me suit vers le quai. Il a agrandi sa foulée maintenant, et se rapproche de moi en trifouillant son manteau. Aux marches descendant vers le quai, je m'engage rapidement vers le train aux portes ouvertes mais d’où personne ne sort. Un dernier regard en arrière pour vérifier que j’arriverai avant lui etb rusquement, je glisse sur le rebord métallisé des marches de la station.

Je dévale les 27 marches en béton et ressens tous les chocs. Chaque fois qu’un membre heurte une nouvelle arête. La douleur empire de coup en coup : les avants bras et les mains d’abord, que j’ai levés par réflexe, les genoux, l’épaule, un avant bras encore et un coude jusqu’à un impact plus rude derrière mon oreille. Je ne me sens pas perdre connaissance.

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Les yeux de l’homme au long manteau se sont écarquillés quand il a vu la jeune fille qu’il poursuivait dégringoler les marches. Il a couru jusqu’au quai sur lequel le train sonnait la fermeture. Une macabre tâche de sang a déjà commencé à se répandre autour de la tête de la femme, venue percuter violemment le banc au bas des escaliers. Horrifié et démuni, il n’a pu que rester quelques secondes immobile, avec, à la main, le téléphone tombé du sac qu’il avait ramassé pour le lui rendre.

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