Clara et moi, on ne parle plus vraiment. Je n'avais jamais embrassé une fille. Je n'avais jamais couché avec une fille. Je ne m'épancherai pas sur le sujet. Il y a des choses que je préfère ne pas offrir aux mots, et conserver dans l'espace sacré du non-dit.

 J'ai souvent l'impression de jeter mon récit en pâture, de m'en déposséder une fois qu'il est dit. J'aimerais garder celui-ci pour moi un peu plus longtemps.

 Tant pis pour vous.

 Il y a des jours où me souvenir d'elle me pique un peu le coeur. C'est tout. Ça ne me fait pas grand chose de plus. L'ombre d'un garçon planait au-dessus d'elle sans qu'elle ne le sache. Moi je savais et je n'ai pas pu rester. Je crois qu'actuellement, on est en bons termes. Tout est allé si vite qu'il est difficile de savoir quoi penser. À peine trouvées, nous nous sommes séparées. On s'échange quelques messages de temps en temps. Je sais que ça ne durera pas. De toute manière, en ce moment, je vois quelqu'un d'autre.

 Vous vous dites peut-être que je cumule et vous avez raison. Jugez-moi. Je me juge aussi.

 Cela fait un peu plus de deux semaines que je fréquente un garçon. On discute par message. On s'est même appelé une fois quand je rentrais d'une soirée entre copines. On passe du temps ensemble. Chez moi surtout, parce que son appartement ne sera disponible qu'à la rentrée. J'aime beaucoup discuter avec lui. On parle de philosophie et de politique. Je n'ai pas peur de l'agacer car il est Sciences-piste, c'est-à-dire tout aussi insupportable que moi. On se raconte nos vies respectives à l'époque du lycée, très différentes. Il aime bien me faire passer pour la fille populaire qui ne lui aurait jamais adressé la parole si je l'avais rencontré à cette époque. J'évite de lui dire que c'est vrai. On parle de nos familles et je me rends compte que j'ai beaucoup de chance. On parle de sexe et on couche ensemble. Je ne sais pas si ça me plaît vraiment. Je sais que c'est mal mais je le compare tout le temps à mon ex.

 Je fais partie des rares filles dont le premier partenaire sexuel a immédiatement comblé toutes les attentes. J'avais même du mal à comprendre mes copines lorsqu'elles me racontaient leurs déceptions, leurs mauvais coups. J'étais cette connasse, oui. C'est difficile à avouer mais c'est en grande partie ce qui a retardé la rupture. Il y avait entre nous une réelle alchimie physique. Nous nous comprenions parfaitement. J'étais très épanouie sexuellement.

 Avec ce nouveau garçon, c'est différent. Ce n'est pas mauvais, le courant passe même plutôt bien. Je crois simplement qu'avec lui le sexe m'intéresse moins. Il ne me plaît pas assez physiquement et pour cette raison, ça ne durera pas. Oui, oui, ce n'est sûrement pas bien de penser ça. Je vous jure, j'aimerais être une de ces filles au coeur pur qui voit au-delà du physique, mais moi j'agis comme un homme sans principe (c'est oxymorique, oui). Tu me plais assez pour que je vienne me lover dans tes bras. Pas assez pour que je te saute au cou.

 C'est quelqu'un de très généreux qui me comble de compliments, de petites attentions, de cadeaux. Je lui ai dit trois fois, explicitement, que je ne voulais pas d'une relation de couple avec lui. Il m'a dit qu'il n'y avait aucun soucis, que c'était dans sa nature de donner beaucoup. J'ai du mal à y croire et j'ai peur qu'il s'attache. Quand je lui en parle, il dit que je me prends trop la tête. De toute manière, ils aiment souffrir. Il dira que c'est ma faute quand je partirai et mon silence lui donnera raison.

 Il me dit que je suis belle, qu'il se sent bien avec moi, que je suis trop belle pour lui. Je le fais rire. Je l'écoute. Je le suce. Il trouve que je suis unique. Spéciale. Il dit que j'ai un petit grain de folie qui le rend fou. Il adore mes yeux. Il adore mes fesses. Je ris à tout ce qu'il dit. En vérité, je me fiche assez de ce qu'il pense de moi.