Discussion
Taïba et Max n'ont pas arrêté de se chamailler durant tout le trajet du retour et c'était très drôle à voir. Aziz les dépose sur le canapé et se dirige en cuisine pour préparer le repas, tout le monde s'affaire pour que nous puissions manger le plus vite possible, excepté Max, Taïba et Gloriam, lui, il les regarde un peu hébété :
–Ça me fait penser à la première fois que l'on s'est rencontrés.
–Sauf que tu n'étais pas K.O comme nous, lui répond Max.
J'entends la sonnerie du portable de Cynthia, elle sort son téléphone :
–Ça y est la vidéo est diffusée, j'espère juste que tout se passera bien.
David lui demande :
–D'ailleurs, tu n'as rien trouvé dans tous les dossiers que vous avez récupérés ?
–Pour l'instant rien du tout, il y a énormément de dossiers cryptés et les signatures ne sont pas suffisantes pour trouver la bonne personne.
–Ouais en gros, tu patines ?
–Ouais.
J'entends la sonnerie de mon téléphone, qui pourrait bien m’appeler ? C’est Estelle, je décroche en m'isolant un peu :
–Oui !
–Rose ? Tu vas bien ?
–Euh oui, pourquoi cette question ?
–Rose, honnêtement, ça fait combien de temps qu'on se connaît ?
–Bah depuis qu'on est à la maternelle…
Elle me coupe :
–Me prend pas pour une idiote ! J'te connais comme si je t'avais fait ! Alors arrête de me mentir !
Je suis déconcertée, elle ne s'est mis en rogne que très rarement contre moi :
–Qu'est-ce que tu veux que je te dise ?
Elle se calme de suite, c'est là tout son charme :
–Dis-moi tout, tout de suite ou rejoins-moi.
–Euh pourquoi ?
–Pour qu'on déjeune ensemble et qu'on se parle honnêtement en tête-à-tête, à moins que tu ne préfères qu'il y ait Émile, Jessie et James.
–Non ça va aller, juste toi et moi, ça ira.
–Je t'attends à notre endroit habituel.
Estelle raccroche à la fin de sa phrase, je respire un grand coup :
–Bon, je vais vous laisser, j'ai rendez-vous.
–Ah ! Et avec qui ? Me demande Shusendo.
Je lui réponds en rigolant :
–Voyons Shu, on ne t'a pas appris que les femmes avaient chacune leurs petits secrets ?
Je pars sans attendre sa réponse, j'ai le cœur léger à l'idée de partager un repas avec Estelle, cette pensée me fait oublier tout le reste. J'arrive devant le restaurant où elle m'a donnée rendez-vous, ce restaurant est bien particulier, car il fait librairie en même temps. Je rentre à l'intérieur et je trouve Estelle assise à une table dans le fond du restaurant, elle lit un livre avec ses petites lunettes de vue ce qui je trouve la rends encore plus mignonne qu'elle ne l'est déjà, je m'assieds à sa table, je ne la dérange pas le temps qu'elle finisse sa ligne. Estelle met son marque-page et range son livre sans faire de bruit, toujours silencieuse, elle enlève ses lunettes et les déposent sur la table :
–Bon passons aux choses sérieuses deux minutes, pourquoi tu t'es barrée du cours ?
Pourquoi tu reviens sur ça, j'ai pas envie de lui mentir, mais j'ai pas le choix, je lui réponds :
–J'ai mes règles, voilà pourquoi.
–On a à peu près les mêmes périodes Rose et ce n'est pas avant deux semaine. La vraie raison s'il te plaît !
J'invente une autre excuse :
–C’est à cause de mon déménagement, c’est fatiguant et je n’avais pas envie de supporter les railleries des autres.
Vu sa tête, elle ne me croit absolument pas, mais voyant que je n'abandonnerai pas cette version, elle abdique :
–Mouais, ça suffira, je suppose.
–Bah j’ai pas vraiment d’autres explications.
–Bon passons à la suite.
Un serveur arrive et dépose un verre d’eau gazeuse devant Estelle :
–Vous désirez autre chose ?
–Je vais prendre le plat du jour.
–La même chose s’il vous plaît.
–Excellent choix.
Le serveur se retire, Estelle reprend là où elle s'était arrêtée :
–Bon, après que tu es partie, James était allé voir une personne, l’un de ceux qui t'accompagnait à la plage, il l’avait pris à part et plaqué contre un mur…
Elle me regarde, je finis sa phrase :
–Et il lui avait dit qu’il le tuerait si c’était sa faute.
–Ouais, j’avais jamais vu James en rogne comme ça.
Je baisse les yeux :
–Chuis désolée.
–C’est pas à moi qu’il faut le dire.
–Tu as raison, désolée.
–Arrête ! Depuis qu’on se connaît tu te laisses faire trop souvent, tu as parfaitement le droit de te rebeller.
–Même si je le faisais déjà avant ?
–Bah, c'est vrai que depuis que tu connais le mot “bordel de merde” tu as un peu changée, je me rappelle ce garçon qui te tournait toujours autours, t’avais beau dire non, il revenait à la charge…
Elle esquisse un sourire :
–Je m’en souviendrais toujours, tu lui avais dit “Bon, tu me lâches bordel de merde !”.
Je laisse échapper un petit rire :
–Oui, je m’en souviens, il ne m’a plus jamais adressé la parole après ça.
–Et c’était bien fait pour sa gueule.
–On est bien d’accord.
–Bon maintenant que tu es détendue. Tu sais pour ce soir le père de James est d’accord pour nous emmener.
–Ah ! Mais c’est super !
Le serveur arrive avec deux plats chauds :
–Et voici les deux plats du jour !
Il dépose devant nous les plats, nous disons simultanément :
–Merci !
Il part le sourire aux lèvres, Estelle me prévient :
–Son père passe nous chercher devant la fac à dix-sept heures, mais si tu veux mon avis, tu ferais mieux de t’expliquer avec les autres avant.
–Ouais j’irai les voir après manger, ils jouent toujours aux ballons ?
–Oui, ils ont repris leurs vieilles habitudes, mais n’y va pas maintenant après tout, tu es fatigué… elle me fait un clin d’œil. Je t'enverrai un petit message quand ils feront une pause.
Je souris :
–Merci Estelle.
–De rien.
Nous finissons notre repas ensemble, ce petit moment me fait un bien fou, j'ai l'impression d'être hors du temps, les quelques minutes dures des heures, des heures de pur bonheur, le sourire sur mes lèvres ne me quitte pas. Je rentre à l'immeuble tranquillement, je vois tout le monde attroupé autour de Max et Taïba qui se font un bras de fer, Aziz faisant l'arbitre en leur disant :
–Vous êtes prêt ? Trois ! Deux ! Un ! Partez !
Taïba et Max force chacun de leurs côtés, je ne pourrai pas dire qui gagnerait entre les deux, David imite un présentateur :
–Et c'est parti ! Le gong vient de sonner, qui remportera la victoire ?! Shahwa ou Paresse ? Faites vos jeux !
Ça ne me choque même plus de voir ça, je dis simplement :
–C'est bien animé ici.
Shusendo m'entend et me répond :
–Comme ils n'arrêtaient pas de se battre, on a décidé de leur faire, faire un bras de fer.
–Et qu'arrive-t-il au perdant ?
–Il se tait, jusqu'à demain matin.
–C'est plutôt gentil comme gage.
–J'en suis pas si sûr.
J'entends un bruit sourd, Taïba vient de gagner le bras de fer, David met son grain de sel :
–Et c'est une victoire de Shahwa ! Personne n'aurait pu prédire le résultat !
Taïba le sourire aux lèvres dit :
–Je t'autorise un dernier mot ! Avant que je commence !
–Merde !
Cynthia arrive au côté de Max et demande :
–Attends ! Est-ce que je peux faire la voix intérieure de Max ?
–Vas-y ça ne sera que plus drôle !
Cynthia se place derrière Max et met ses mains en porte voix :
–Je suis prête !
–Ah ah ah ! Je me moque ! Je me moque ! Hi hi hi ! Je pouffe ! Je pouffe !
Max fait une grimace et Cynthia dit :
–Pouffiasse !
–Ah ah ah ! T'es trop nul ! T'es trop nul ! Hi hi hi ! Je me marre ! Je me marre !
Max se lève et commence à partir, Cynthia continue de parler pour lui :
–Y'en a marre ! Si c'est comme ça je me barre !
Max monte les escaliers sans dire un mot, personne ne le suit, je soupire :
–Bon, c'est pas tout, mais je suis censée accueillir Ken Wesker ce soir.
–Quoi ? Me disent simultanément tous ceux qui m'ont entendu.
–Le père de James est censé accueillir un Américain ce soir, vu que c'est le préfet de la police et que Wesker est une grande personnalité, j'ai fait la corrélation entre les deux.
–Oui, c'est logique, de toute façon, c'est le seul avion qui va atterrir, donc pas de quoi s'inquiéter, dit Cynthia.
Tout le monde souffle, je demande :
–Vous pensiez que j'allais vraiment l'accueillir vivant ?
Shusendo me répond :
–T'imagine le truc, il arrive en disant "j’ai fait semblant de dire que j’étais mort".
–Ouais bon, je vous enverrais un message du genre “Oh vous allez pas me croire, mais quelqu’un s’est fait effacer !”.
–Fais-le de manière à passer pour une vraie cruche, me dit Taïba avec un grand sourire.
Gloriam nous dit :
–Je ne savais pas que vous pouviez vous transformer en objet sur terre.
–C’est une image, cruche peut désigner le récipient ou une personne stupide, lui répond Aziz.
–Comprends pas pourquoi un récipient peut désigner quelqu’un de stupide, mais c’est pas grave.
–La logique n’a aucun pouvoir ici, lui dit David.
Je commence à monter les escaliers :
–Bon, je vais vous laisser, je vais me reposer un peu.
–Fait une bonne grosse sieste, tu en as besoin après avoir utilisé la haine, me dit Cynthia d’une manière presque maternelle.
Je lui dis souriante :
–Je vais essayer, merci.
Je vais directement dans ma chambre et m’affale sur mon lit, j’entends une voix familière :
–Tu en as mis du temps à utiliser ton pouvoir !
Je me relève en disant :
–OH MAIS C’EST PAS VRAI !
Comme je le pensais, ce sont les deux enfants en tenue de prisonnier et c’est le garçon qui vient de me parler :
–Vous pouvez pas me laisser tranquille !
La fille me répond :
–Malheureusement pour toi, non, nous sommes liés à toi.
–Comment ça lié à moi ?
Le garçon rigole :
–Ah ah ah ! Tu aimerais bien le savoir !
Après cette déclaration, ils disparaissent tous les deux :
–Putain de bordel de merde !
Je me rallonge sur mon lit et ferme les yeux, la sonnerie de mon téléphone me réveille en sursaut, je décroche :
–Hum~ m-oui ?
C'est Estelle qui me répond :
–Oula ! Je t'ai réveillé ?
–Chais pas, il est quelle heure ?
–Seize heures.
–Hé bien faut croire que j'avais vraiment besoin de repos.
–Ça y est, ils ont arrêté de jouer, ils sont partis se changer et on se retrouve à notre coin habituel, tu viens ?
–Je finis de me réveiller et j'te rejoins.
–Passe chercher Émile si t'y pense.
–Pourquoi ça ?
–Tu le connais pour se changer, il est pire qu'une mariée.
–J'avais complètement zappé ça.
–Dis-toi que c'était pire durant l'échange scolaire.
Je me lève de mon lit :
–J'te plains ma pauvre.
–Bon on vous attend James et moi.
Je me prépare et descend les escaliers :
–Très bien, j'ai juste à botter le cul d'Émile, ça va être vite fait.
–Arrête, j'suis sûr qu'il aime ça.
–J'ai moins envie de le faire d'un coup.
–Ah ah ah, à tout de suite.
–À toute.
Je me dirige chez Émile, en dix minutes je suis au pas de la porte, je toque et sa mère m'ouvre :
–Tiens Rose, ça fait longtemps !
–Bonjour madame, je suis venu chercher Émile.
La mère d'Émile est plutôt grande, son sourire rayonnant ferait disparaître la moindre trace d'animosité dans le cœur de n'importe qui, ses traits légèrement tirés lui donne une mine adorable et elle a les mêmes yeux verts de son fils :
–Ah oui pour accueillir cet étranger ? Il m'en avait parlé, rentre je t'en prie.
Je fais ce qu'elle dit, j'entends le bruit caractéristique d'une douche :
–Ah ! Il en est encore qu'à la douche ?
La mère d'Émile me répond :
–Attends je vais le prévenir, pour qu'il se dépêche un peu.
Elle va en direction de la salle de bain et ouvre la porte :
–Émile ! Ton amie t'attend !
–Maman ! Combien de fois j't'ai dit de frapper avant d'entrer.
–Oh ne fait pas ton pudique avec moi ! Après tout, je l'ai vu un nombre incalculable de fois.
–Maman !
Je dis tout bas :
–C'est gênant.
Elle referme la porte et revient vers moi :
–Tu veux boire quelque chose le temps qu'il finisse de se préparer.
–Volontiers.
Elle part en cuisine et revient avec une tasse fumante :
–Voilà pour toi.
Nous nous asseyons à table, je sens la tasse, l'odeur du chocolat mélangé au miel assailli mes narines, je bois le liquide délicatement, la mère d'Émile me regarde souriante :
–Ah ! Ça me rappelle des souvenirs.
J'écarte la tasse de mes lèvres :
–Ah bon ?
–Oui, quand vous étiez petits vous veniez souvent boire un chocolat chaud, tu fais d'ailleurs toujours la même tête que quand tu étais petite.
–Quelle tête ?
Je bois de nouveau le chocolat :
–C'est comme si tu boudais en buvant, tout le monde trouvait ça trop choupi.
Je me retiens de toutes mes forces pour ne pas recracher, j'arrive à articuler un mot :
–Choupi ?!
–Je suis sûr que tu dirais la même chose si tu te voyais.
Elle tourne la tête vers la salle de bain, le bruit d'eau vient de s'arrêter :
–Je suis certaine que vous feriez de beaux bébés ensemble.
La porte s'ouvre d'un coup sec et je vois Émile sortir habillé, les cheveux encore humides, en criant :
–Maman !
–Tu vois que tu peux mettre moins d'un quart d'heure pour t'habiller.
J'éclate de rire, Émile me dit :
–Rose, t'es censé être de mon côté !
–Désolée ! C'était tellement improbable.
Je continue de glousser, Émile fini de s'habiller chaudement et me prend par l'épaule, il me force à quitter sa maison en passant le pas de la porte, je dis :
–Le chocolat était délicieux.
–N'hésite pas à revenir surtout.
Nous partons pour la plage ensemble, je regarde Émile qui est gêné par ce qui vient de se passer, je le trouve trop mignon quand il fait cette tête et je ne peux m'empêcher de rire, il me demande :
–Quoi encore ?
–Ah ah ah ! Non mais j'y crois toujours pas, Ah ah ah ! Même ta mère s'y met, j'en ai mal au ventre tellement c'est drôle.
–Tu peux redevenir sérieuse ?
Je me reprends en disant :
–Oui, bien sûr !
J'essaie de retenir mon fou rire le mieux possible, puis je souffle du nez et c'est reparti pour un autre fou rire :
–En fait non, ah ah ah ! Oh putain ! Ah ah ah, mon fou rire faiblit, ah ça va mieux !
–Bon, je vois qu'on n'a pas à s'inquiéter pour toi.
J'essuie les larmes de joie qui roule sur mes joues et je me relève en lui demandant :
–Comment ça ?
–Quand t'es partie en plein milieu du cours.
–Ah ! Ça, c'est juste que j'étais fatiguée.
–Ouais, Estelle nous a dit qu'elle avait réussi à te joindre et que tu n'étais pas réveillée apparemment.
Estelle, je ne te remercierai jamais assez, tu es mon ange gardienne, je prends un air étonné et lui dit :
–Merde ! C'était pas un rêve ?
–Je savais qu'un déménagement, c'était éreintant, mais j'imaginais pas que c'était à ce point.
–Ah, mais j'ai dormi comme un bébé.
Il passe sa main sur mon œil :
–Je vois ça, il te reste même encore une crotte d'œil.
Je m'écarte un peu :
–Arrête de me traiter comme une gamine !
–Quoi ? Je croyais que t'aimais ça ?
–Non !
En vérité, j'aime ses petites attentions, il est toujours délicat, peut-être parce qu'il n'avait jamais connu son père, je fais comme si de rien n'était :
–Aller, on nous attend sur la plage.
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