Travail (2)

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–Tu le savais ?

–Quand je te disais que Taïba me disait tout. D’ailleurs ma mère m'a envoyé un message me disant que ça ne s'énervait pas au niveau réservation.

–Et ça veut dire ?

–Que ce soir, tu as quartier libre.

–Ah !

–On rejoint l’immeuble ?

–Maintenant ?

–Si on veut finir la préparation de son anniversaire, oui.

Nous rentrons toutes les deux à l'immeuble, personne n'est dans le salon, je crie :

–Y'a quelqu'un !?

La voix de Cynthia au loin nous répond :

–Là-haut !

Nous montons au premier étage, devant la porte de Cynthia il y a trois cartons fermés, sa porte s'ouvre brutalement, elle sort un carton et le dépose sur les autres et nous dit :

–Taïba, David et Gloriam sont au troisième, Rose, j'ai besoin de tes petits bras.

Je la suis dans sa chambre et nous allons dans la pièce la ou Gloriam est sorti en rampant, la dernière fois, je n'avais vu que l'écran allumé et le désordre environnant, mais maintenant ce n'est plus un désordre, c'est un capharnaüm sans nom, d'autant plus qu’il fait un froid de canard dedans, je lui demande :

–Pourquoi il fait si froid ici ? Et pourquoi c’est autant le bordel ?

Elle met ses mains sur ses hanches et se défend :

–Il fait froid pour que mes bébés n’attrapent pas chauds et puis ce n'est pas un bordel, c’est un rangement organisé.

Je pousse le cadavre d'une canette de soda du bout du pied entouré de paquet de bonbon :

–Mouais… j’ai des doutes. Et où sont donc tes bébés ?

Elle me montre tous les objets informatiques autour de nous :

–C'est de formidables bébés.

–Mais ce ne sont que des machines.

Elle me regarde avec un grand sourire :

–Je vais faire comme si tu n’avais rien dit.

–Mais ce n’est pas le monde réel.

Cynthia se rapproche de moi puis me dit sèchement :

–Écoute bien Rose ! Je ne suis pas la meilleure pour débattre, mais sache une chose, je déteste qu’on me dise que ce monde est moins réel que les autres.

Je sens une goutte de sueur perler sur mon front et lui demande :

–Pourquoi ça ?

–Parce que tu crois vraiment que celui qui rêve n’est pas dans son monde ? Celui qui va chanter n’importe où n’est pas dans son monde ? Celui qui lit un livre n’est pas dans son monde ? Tu crois que le Somnium n’est pas un autre monde ?

–Euh… si.

Elle s’écarte de moi et me réponds :

–Alors vient pas me dire à moi uniquement que ce que je fais n’est pas le monde réel.

–Je m’en souviendrai… Tu me voulais pourquoi déjà ?

Elle se dirige vers le fond de la salle en me disant :

–J’avais besoin de tes petits bras.

Je la suis, au fond de la pièce se trouve un atelier avec les membres d’Aziz qui ont été retirés, elle me montre un endroit à côté de l’établi :

–J’ai fait tomber un détonateur et il a roulé derrière l’établi, tu peux le récupérer ? J’aurais bien voulu le faire, mais je suis née avec des mains de bûcheron.

–Oh ! Si ce n’est que ça.

Je m’agenouille et regarde derrière l’établi, je vois un petit cylindre qui doit être en plein milieu. J’arrive à glisser mon bras, je le touche du bout des doigts, je me dandine pour espérer gagner quelques millimètres et prendre l’objet dans mes mains quand Cynthia me dit :

–Hum… Bon p’tit boule !

Je sursaute quand elle me dit ça et me cogne contre l’établi :

–Aie ! T’as pas autre chose à faire que de mater mon cul ?

Elle hausse les épaules :

–Il me manque uniquement ce détonateur pour l’anniversaire de Ai, donc non pas vraiment.

Je regarde le désordre ambiant dans cette salle :

–Mouais.

Je retourne chercher le cylindre en demandant :

–Dis-moi, je voulais te demander désolé si c’est déplacé, mais tu es homo ?

Cynthia fait mine de réfléchir et me répond :

–Hum… Non, j'ai beau réfléchir, rien ne m’intéresse chez les femmes, j’ai déjà les attributs pour m’amuser, nan, je préfère les hommes avec des grosses bites.

Je me crispe d’un coup, elle me demande :

–Qu’est-ce qu’il y a ? Tu viens d’avoir des pensées perverses ?

–Non, c’est juste que je ne pensais pas que tu pouvais être comme ça.

–Parler ouvertement ? C’est vrai que je suis plutôt introvertie, mais si tu me poses une question, je te répondrai franchement. C’est pas dans ma nature de mentir.

Je me remets à essayer de prendre le détonateur en lui disant :

–Je ne savais pas.

Elle me baragouine quelque chose dans sa langue :

–I bet you feel dumb right now ?

–Tu dis ?

Elle répète en soupirant :

–Je parie que tu te sens conne maintenant.

–Un peu, je t’imaginais plus prude que ça.

–Non, j’ai absolument aucun problème avec le sexe, je n'aime juste pas commencer les conversations et je n’aime pas les conversations vide de sens, c’est notamment pour ça que je n’aime pas discuter avec Max.

J’ai failli me cogner une nouvelle fois contre l’établi en apprenant cela :

–Ah bon !

–Ouais la philosophie, mes couilles, mon cul, ça me brise les ovaires.

Je réussis à prendre le cylindre entre mes mains en disant :

–Ça y est, je l’ai.

Je me relève en m’appuyant sur l’établi et bouscule les objets posés dessus, il y a un petit cadre poussiéreux qui tombe, je dis en relevant le cadre :

–J’suis désolée, j’ai pas fait attention.

–Ne t’inquiète pas, ce ne sont que des petites bricoles.

J’enlève la poussière omniprésente du cadre et découvre la photo d’une famille de trois personnes, des parents et leurs fils, je demande à Cynthia :

–C’est qui ?

Elle prend le cadre et regarde la photo, un sourire triste se dessine sur son visage :

–Mes parents.

–Ils sont encore aux ex-États-Unis ?

–Non. Ils sont morts durant la révolte des enfants. Ils ont jugé que les affaires d’un pays étranger étaient plus importantes que l’anniversaire de leur fille, c’était l’époque où les pays se faisaient encore la guerre pour leurs propres intérêts, l'appât du gain était plus fort que les valeurs humaines.

–Et le garçon ?

–Lui, ils l’ont renié et nous on se détestait autant l’un que l’autre.

Elle dépose le cadre sur l’établit et commence à partir :

–Et pourquoi tu n’es pas sur la photo ?

–Parce qu’on ne pouvait pas coexister ensemble, lui et moi.

Je la suis sans rien dire d’autre, nous descendons les cartons, David, Taïba, Gloriam et Claire sont déjà en train de faire les décorations, nous avons mis plusieurs heures pour tout mettre en place, une fois fini, il est vingt heures pile, je m'affale sur le canapé en soufflant :

–J’en peux plus ! C’est bon, laissez-moi crever ici !

David se met à jouer la comédie :

–Horreur ! Dois-je croire que le spectre de la Mort est amoureux et que l'affreux monstre décharné te garde ici dans les ténèbres pour te posséder ? Je veux rester près de toi, et ne plus sortir de ce sinistre palais de la nuit…

Je le coupe :

–T’en fait trop David.

Il s'arrête tout de suite :

–Si on peut plus s'amuser.

Claire me dit :

–Quel dommage, nous qui pensions pouvoir passer une bonne soirée tous ensemble dans un bon bar.

–Allez-y sans moi.

Taïba me dit :

–Sérieux !? Rater une occasion pareille !? Et moi qui pensais qu'on allait pouvoir te faire goûter le meilleur breuvage qui existe sur terre.

Elle pique ma curiosité, je lui demande donc en prenant un ton hautain :

–Et qu'elle est donc le nom de ce fameux breuvage très cher ?

–Ça s'appelle le mojito, un mélange de citron, menthe avec de l'eau gazeuse et du rhum blanc sans oublier du bon sucre de canne, servie avec de la glace pilée pour que le tout soit frais.

–Oh, j'suis pas totalement convaincue.

Taïba se rapproche et me susurre à l'oreille :

–Et le meilleur, c'est qu'il existe plusieurs parfums du genre fraise ou mangue et que ça se marie parfaitement avec une crêpe.

J’en salive rien qu'à l'idée, une fois que Taïba s'est suffisamment écarté je fais un bon et met mon manteau :

–Bon moi je vous attends depuis tout à l'heure, vous vous dépêchez.

Gloriam qui est habillé comme un garçon demande :

–Que lui as-tu dit pour qu'elle change d'avis ?

–Je lui ai proposé un truc que son ventre ne pouvait pas refuser.

Je me tourne vers eux en leur disant :

–Je ne vois pas de quoi tu parles !

Elle m'interroge :

–Tu es sûre ? Moi, je crois que ç'a un rapport avec une sucrerie appelée crêpe.

Mon ventre se fait entendre, je dis en détournant le regard :

–Mon ventre non plus ne voit pas de quoi tu parles.

Ils rigolent tous et nous commençons à sortir, je leurs demandes :

–On va où d'ailleurs ?

–Au Valhalla.

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