Le restaurant est maintenant fermé jusqu'à ce que le planning et toutes les commandes soient faites, en gros, ils rouvriront après le mariage. Ce qui fait que j'ai toute ma fin de semaine de libre, je me vois déjà faire la grasse matinée. Oh ouais ça va être bien ! Prendre une couverture, une tasse de chocolat chaud et regarder un film, je suis extatique à l'idée, j'augmente l'allure pour rentrer au plus vite. J'ouvre en grand la porte d'entrée et croise Max qui est en train de mettre son manteau :

–Tiens Rose ! J'ai besoin de toi.

Et merde, c'était trop beau ! Je souffle :

–Tu veux quoi ?

–On doit acheter les décorations pour le mariage, tu es la dernière personne de disponible.

–On peut pas faire ça demain ?

–Hey, c'est moi qui suis censé être la paresse, pas toi.

Il me prend le bras et m'emmène avec lui :

–Youpie, adieu mon rêve de repos.

–Tu auras tout le temps de te reposer une fois que tu auras passé l'arme à gauche.

–Merci pour ce message de soutien mortel.

–Bon, c'est pas tout ça, mais dépêchons-nous avant que tous les magasins ferment.

–J'te suis.

Max me traîne dans des magasins spécialisés en mariage, nous nous retrouvons vite les bras chargés de sac, je lui demande durant les achats :

–On va décorer la salle des fêtes ?

–Ouais, c'est ça, vu que les parents de Claire se chargent de la nourriture et des habits, nous, on se charge des décorations et des autres dépenses.

–Ah ?

–Pas le choix vu que Taïba est orpheline, nous sommes sa famille et je suis son responsable légal aussi.

–Comment t'as fait ?

–Tu veux vraiment que je te réponde, alors que tu connais la réponse.

–Il y a que le chantage qui fonctionne dans ce pays ?

–Quand tu commences à menacer les petits privilèges des riches, bizarrement, ils sont tout ouïe et sont prêts à t'accorder n'importe quoi.

–Tu les connais bien.

–Je sais très bien comment ils fonctionnent. Bon il nous reste que le livre d'or à acheter et on est bon.

Une tonne de livres d'or se propose à nous, tous différents, je ne sais lequel choisir. Il y en a un qui fini par retenir mon attention, il est blanc et à une langue étrangère calligraphiée, la couleur dorée de ses courbes est juste magnifique. Je le prends pour le regarder de plus près :

–Tu as trouvé quelque chose Rose ?

Je lui montre le livre :

–Je trouve celui-là vraiment magnifique, mais je ne sais pas ce qu'il y a de marqué dessus.

Il le regarde de plus près et me répond :

–C'est de l'Arabe ça dit "Que votre amour dure éternellement jusqu'à ce que la mort vous sépare". Hey ! Bonne pioche !

–Nan, mais en ce moment, j'ai une chance d'enculer pour ce qui est d'aider les autres, mais pour moi, c'est niet.

Nous nous dirigeons vers la caisse, Max paye en liquide et me demande :

–Ah ! Vraiment ?

–Ouais, genre, je voulais me reposer, mais tu m'as dit non.

Nous sortons du magasin, la nuit est déjà bien installée, heureusement que les lampadaires éclairs notre chemin :

–Il y a quand même pas que ça, parce que là, c'est juste du chipotage.

–Bah y'a aussi le fait que je sois devenu l'assistante médicale de Cynthia durant une nuit. Le fait que je me fasse aborder par des relous durant mon travail et y a aussi le soir où tu m'as fait pleurer Max !

–Oh ! Arrête !

–Max ? Maximilien ?

Max s'arrête à peine et continue de marcher, la voix se fait plus insistante :

–Maximilien ? Tu n'as pas changé depuis tout ce temps.

Je me retourne, un homme aux cheveux grisonnants et à l'aspect sale nous interpelle, un SDF ? Max s'arrête sans se retourner en disant :

–Vous vous trompez de personnes, je ne connais aucun Maximilien.

–Tu ne pourras jamais tromper ton vieux père.

–Marrant ! Je n'ai aucun souvenir du mien.

Il reprend sa route :

–Tu m'en veux toujours depuis la mort de ta mère, hein ? Depuis qu'elle est partie, tu es resté froid avec moi, jusqu'au jour où tu as disparu sans rien me dire, tu me hais donc à ce point ?

Max s'arrête :

–Effectivement, je te déteste, mais tu te méprends, ce n'est pas depuis qu'elle est morte, c'était bien avant. Il se tourne vers celui qui prétend être son père, c'est au moment où j'ai su qui tu étais ! Henri De Gaudreault, tu es juste un connard de plus à effacer !

–Je ne voulais que ton bonheur.

–Mon bonheur ? Tu veux dire "j'ai forcé mon fils à suivre mes pas" as-tu pensé seulement à ce que je souhaitais ? As-tu pensé à mon consentement ?

–Pour que tu fasses quoi ? Éboueurs ? Artiste raté ? Agent d'entretien ?

–Voilà ce que je déteste chez toi ! Tu ne penses qu'à tes petits privilèges, qu'à ta petite réputation, il prend une voix débile "M'enfin mon fils, faire un boulot de bas-étage, quelle disgrâce !", j'vais t'apprendre un truc ! C'est qu'il y a des personnes bien vivantes qui font ce boulot et qui sont largement meilleures que toi ! Toi, tout ce que tu vois, c'est qu'est-ce qui te rapportera le plus, tu t'en fiches d'où il vient, t'en que tu auras ton pognon, tu as financé la révolte des enfants ! Tu as fait tuer des gosses ! Mais ça t'en avait rien à foutre, tant qu'ils restent chez eux, tant que toi, tu as tes petits privilèges ! J'aurais mieux fait de ne pas naître, cela m'aurait évité de te connaître.

–Mais je t'ai élevé !

–Quand ? Le jour où ma mère est morte et que tu n'es pas venu à son enterrement parce que tu avais du boulot ? Ou le jour de mes seize ans ? Quand tu t'es dit "Tiens ! C'est vrai que j'ai un fils et qu'il a une bite, il faudrait peut-être qu'il apprenne à s'en servir et qu'il se mette en chasse." et bien j'vais t'apprendre un deuxième truc. Je ne suis pas intéressé par le sexe ! Combien de fois, tu m'as présenté des filles que tu as très certainement payées pour les forcer à coucher avec moi ? Tu ne t'es jamais posé une seule seconde la question de "Est-elle vraiment consentante ? Le fait-elle par choix ?", je vais t'apprendre un troisième et dernier truc. Toutes celles que tu m'as présentées ont juste pleurées de joie quand je leur ai dit qu'elle n'avait pas à le faire.

Le vieil homme écarquille les yeux :

–Mais qu'est-ce que vous faisiez pendant tout ce temps ?

–On regardait un film.

–Les salopes !

–C'est entièrement et uniquement ta faute ! Tu les as payés pour qu'elles se fassent violer par moi ! Le consentement ça s'achète pas ! Max est en colère quand il finit sa phrase.

–Je…

Max le coupe avant même qu'il ne continue :

–Ça fait quoi maintenant que tu as tout perdu ? Que tu n'es plus rien ? Que je t'ai renié ?

–Quoi ?

–Maximilien De Gaudreault est mort ! Je ne sais pas qui il est ! Moi, c'est Max Adunato Familia ! Souviens-toi que je ne te connais pas et que je n'ai pas envie de le savoir !

Il lui tourne les talons et part, je jette un dernier coup d'œil à son père, il a l'air d'être triste. Je rejoins Max en essayant de le rassurer :

–On peut dire que tu l'as effacé sans passer par le Somnium.

–Il va subir ce qu'il a fait aux autres. C'est amplement suffisant, l'effacer ne ferait qu'alléger son supplice et puis de toute manière, là où il est, il ne peut plus rien faire à part essayer de survivre.

–Sur toutes les signatures que nous avons, il ne reste que B.D et Lise Liddell.

–Ouais la reine d'Angleterre, nous allons effacer la plus haute autorité de Grande-Bretagne.

–Boh ! On a déjà coupé la tête d'une Autrichienne, alors une Anglaise, laisse-moi rire d'une manière hautaine s'il te plaît, Oh oh oh !

–Ton sarcasme était parfait.

Je fais la révérence :

–Je vous remercie, maître de la folie !

–Seulement maître ?

–Très bien seigneur et maître du mal et de tous les péchés !

–C'est déjà mieux !

Je souris :

–Tu m'fumes ! Tu sais !

–On me le dit souvent.

Max se dirige vers la salle des fêtes, elle est grande et épurée, son parquet qui n'est plus de toute première jeunesse grince au contact de notre poids. David qui s'est refait une petite beauté, suite à son passage à tabac, mène d'une main de maître la décoration de la salle :

–Voilà ! Comme ça, cela sera nickel !

Gloriam et Shusendo attache une banderole, aider par Cynthia et Aziz :

–David ! J'ai ce qu'il te manquait ! Et on a le livre d'or !

–Ah ! Parfait, posez ça dans le coin, on finira demain !

Il nous montre un coin de la pièce où une porte est ouverte, c'est un petit débarras, j'aide Max à déposer délicatement les sacs dedans, David arrive derrière nous et ferme la porte à clef une fois sorti :

–Bon, nous sommes parés, on devrait avoir fini juste avant le jour j.

Je râle :

–C'est pas vrai ! C'est bon j'ai compris ! J'abandonne l'idée même de me reposer !

Cynthia me dit :

–Arrête de te plaindre un peu, t'es pas obligé de faire le stéréotype de la femme chiante.

–On en parle de toi en tant que femme fatale ?

–Mais moi, c'est différent !

David se met entre nous deux :

–Les filles, arrêtez de vous battre pour moi !

Cynthia et moi, on marque une pause avant de le fixer et de dire simultanément :

–Ta gueule !

Max nous dit :

–Je sais ce qu'il nous manque ! Notre pot de célébration sur notre guerre de gang réussi !

Aziz lui répond :

–Ah ! L'appel de l'alcool ! Y'a rien de mieux !