II.
L’appartement de Max est en souterrain de l’agence immobilière de sa mère, dans un quartier très central de la ville. C’est une petite rue avec beaucoup de circulation, je me fraie un chemin à travers la ligne de voiture pour rejoindre la rue piétonne menant droit à ma destination. J’entends encore le tambour étouffé de la musique pourtant déjà trop loin. Comme si les basses s'étaient incrustées dans ma tête. Boom boom boom, elles rythment mes pas. Il fait froid et tout est gris, quelle idée j’ai eu de sortir.
[passage à travers la ville ?]
J’ai le temps pour une cigarette quand j’arrive à l’arrêt de bus. Je m’assieds contre une rambarde et sors machinalement de ma poche la puff que j’avais toujours dans la main. J’ai l’impression que ma tête va exploser sous la pression. Comme prise dans l’étau de deux états s’affrontant. Il faut en faire gagner un, je prends une taffe puis allume une cigarette.
Balayant douloureusement l’autre côté de la rue du regard, je ne remarquai rien d’intéressant. Mon cerveau semblait stresser, ne réussissant plus à se fixer, mes yeux allaient d’un coin à un autre, scannant tout sur leur passage. Chaque mouvement s’exécutant dans la plus grande sécheresse me déchirait les paupières. Je les fermai et me sentis partir un instant, être emporté, comme aspiré, je les rouvrai vite, ahuri. Ok, ne pas fermer les yeux. Tirant sur ma cigarette, je m’impatientais de l’arrivée du bus, lutant maintenant avec moi-même pour ne pas céder à la tentation de gouter encore de divin délice que me promet Morphée.
Les gens doivent me prendre pour un fou à me voir ainsi les yeux écarquillés, n’être pas capable de fixer plus d’une seconde quelque chose, dans des fringues qui ne doivent plus avoir de forme, auraient-ils tort, j’en suis plus proche que n’importe qui en ce moment. En même temps, c'est pas pire que d’autres trucs. Puis… J’arrête quand je veux. Je reprends une bouffée de la puff, qui bip rouge, elle est vide. Comme elle, je m’éteins sous le poids de mon existence, mourant d’attente que ce foutu bus arrive.
Putain je suis encore trop défoncé, il m’a donné quoi l’autre débile ? Je suis clairement pas redescendu là, j’ai l’impression que mon cerveau va exploser, en surchauffe il paraît ne pas pouvoir s'arrêter même une milliseconde.
Le bus arrive, je me dépêche de finir ma clope en me relevant. Je monte, sans même un coup d'œil au conducteur qui je suis sûr fait une sale tête vu que je paye pas, mais il peut rien dire, et il le sait, ça doit encore en ajouter à son air d’enculé. Je vais m'asseoir tout au fond au milieu, c'est ma place chaque fois qu'elle est libre, surplombant un poil les autres, pouvant les observer tous sans qu'eux le puissent. Pas que ce soit très intéressant en pleine semaine à cette heure, il n’y a que quelques lycéen à moitié endormi, aussi en retard que moi, et des vieux, pas plus éveillé, au moins aussi proche de la mort que je ne le suis.
Le décor se met à bouger. Ça fait du bien. Mes pensées ne peuvent plus vraiment se fixer aux choses, elles deviennent alors comme plus fluides, je respire enfin. Je vais un peu mieux quand on arrive à l'arrêt le plus proche d'où je travaille, juste que je suis complètement explosé de fatigue. Maintenant fermer les yeux est putain d'agréable, c’en est risqué même de cligner. Elle va être longue cette putain de journée. Je sais même pas pourquoi je suis venu putain. Je sors du bus, j’allume une clope et j’avance machinalement.
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