Fragmentaire

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La machine à laver est lancée. Il n’y a plus, désormais, qu’à attendre. Je viens de vider les poches. Aujourd’hui, mon fils a encore ramassé des graines, grandes gagnantes du hit-parade des cours de récréation, avant les tessons colorés, quelques cailloux bizarres, et des stylos usagés qui font des trous, et des tâches. Un petit pot en verre les recueille. Une, deux, trois. Dans le pot, plic, plic, plic, les Trésors Oubliés. Des graines de Flamboyants.

Accroupie, je les regarde, si nombreuses au travers de la paroi de verre. Il y a là comme un concentré de mystère. Tout est prétexte à questionnement, mais il est des lieux plus improbables que d’autres, comme le hublot d’une machine à laver. Et des objets, aussi.

Pourquoi y en a-il autant ? C’est de l’acharnement, un tel ratissage en règle, digne d’un monomaniaque sous influence, d’une mauvaise lune !

Joshua pense ramasser des graines. Mais à voir sa manie, c’est lui le possédé, par des trouvailles qui doivent cacher sous leurs cuticules colorées, lisses, rugueuses, ailées, accrocheuses, un charme ou quelque enchantement. Quel sortilège ont-elles bien pû utiliser, ces petites choses, pour capter son attention, son imagination ?

Hypothèse : Les graines ont un petit plus, si on les compare aux simples brisures, bouts de plastique, fragments de bouteilles, éclats de roche, trouvés dans les cours de récréation. Etats fragmentaires dont le destin - plus ou moins rapidement atteint - est dissolution. Joshua le perçoit-il ? Dans la graine, il y a l’arbre. Mmm… Evidemment, c’est un raccourci. Dans la graine, il y a peut-être l’arbre.

Car, pour passer de la graine à l’arbre, il n’y a pas, seulement, un saut de pure imagination. Il faut une conjonction, précise et nécessaire, d’éléments concrets. Des éléments premiers, Eau, Terre, Air ! Doivent contribuer, en des termes qui ne sauraient être modifiés. Trop de soleil ou trop peu, trop d’eau ou pas assez, une terre ingrate, et rien ne vient. Dans la graine, donc, il y a peut-être l’arbre.

Joshua est-il fasciné par la croissance, ses mystères, ses difficultés, son caractère, à la fois impérieux et aléatoire, ou cède-t-il tout simplement à sa manie de collectionneur ? S’il l’est, l’est-il de la même façon que moi ? Pour les mêmes raisons que moi ? Lorsque des graines sont germées dans la cour, il trouve que c’est dommage. Elles ne peuvent plus aller dans sa collection. Elles pourriraient. C’est aussi cela, la vie. Pas moyen de l’arrêter, une fois démarrée. Pas d’arrêt sur image. Une fois la lecture du code génétique lancée et la machinerie biochimique partie, il faut vivre, ou mourir.

Vaut-il mieux rester au sec dans un bocal, avec des centaines d’autres ?

A chaque âge ses réponses ! Sous des dehors de collectionneur maniaque, et autrement que je ne le fait sans doute, Joshua attribue une valeur particulière aux belles endormies.

Pour l’instant, « Josh » préfère les garder dans un pot, et laisser celles qui sont germées dans la cour. Cela est sage, car les graines germées se feront piétiner, impitoyablement, par de jeunes enfants, inconscients et joyeux. Quand aux graines dans le bocal, nul ne connaît encore leur destin. C’est ça, un Trésor. Un petit quelque chose, un potentiel, un message, qui devient clair, vrai, à l’ouverture du Coffre Magique.

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