- Bonjour Ottie, tu sais quel thème on va aborder aujourd'hui ?

Je secouai la tête. J'étais installée sur une chaise assez inconfortable et avais l'impression d'avoir attendu des heures avant qu'on ne me parle enfin. Si cette expérience avait comme premier but de tester notre patience, c'était déjà chose faite. Ou peut-être était-ce moi qui n'avais simplement aucune patience. Personnellement, je n'opterais pas pour la seconde option, mais bon nombre de mes proches le feraient sans doute. Je m'étais lancée dans cette sorte d'interview ayant pour but d'aborder des parties de notre vie, sans trop savoir quel était le réal but derrière. J'ai suivi, un peu aveuglément, certes, un ami qui avait envie de voir ce que cela pourrait donner. Je sais, je ne devrais pas suivre aveuglément les gens, mais pour mes proches, je ferais n'importe quoi. Tout ce que je savais, c'est qu'on devait venir dans cet endroit une fois par jour, quand on le souhaitait, pour répondre à une question, sur une thématique. Ce qui me frustrait le plus, c'était le fait que je ne voyais pas mon interlocuteur. Je n'arrivais même pas à distinguer si c'était une femme ou un homme, puisque la voix semblait déformée par un quelconque logiciel.

- On va parler de ta personnalité. Tu pourrais nous la décrire ?

Le thème du jour était donc ma personnalité. Je ne savais même pas pourquoi j'avais accepté cette expérience. Je déteste parler de moi.

- Ma personnalité ? Répondis-je, marquant une longue pause avant de reprendre. Je dirais que j'ai comme une double personnalité. Non, je suis très loin d'avoir un trouble de la personnalité, ce n'est pas ce que j'entends par double personnalité. J'entends plutôt par là que ma personnalité change beaucoup en fonction des personnes avec qui je suis et principalement en fonction du fait que je connais les gens ou non. Si je ne les connais pas, je suis très taiseuse, timide, et je mets un temps infini à me détendre. J'ai cette sorte de carapace qui ne disparait pas tout de suite. Je peux la garder pendant des semaines, le temps que j'apprenne à connaitre qui je suis. Ce qui est assez paradoxal puisque je vous parle de moi, comme si je vous connaissais depuis des années, alors que je ne sais même pas si vous êtes une femme ou un homme.

Je marquai une pause. Je n'avais pas encore parlé de la deuxième facette de ma personnalité, et pourtant, j'espérais que c'était l'inconnu qui m'en demanderait plus. Mais je me retrouvai plongée dans une silence de plomb. J'en déduisis que je devais continuer et que la seule interaction que j'aurais avec cet interviewer serait l'annonce du thème du jour.

- D'un autre côté, quand je connais réellement les personnes, je parle fort, je suis enthousiaste, ma timidité a complètement disparu. C'est comme si j'étais une personne totalement différente.

Je ne sais pas ce que je pourrais raconter de plus, ni si je répondais réellement à la question qui m'était posée... Après tout, je n'avais reçu aucune consigne. Une jeune femme blonde avec les cheveux tirés en arrière dans un chignon serré et stricte m'avait accueillie. Elle m'avait conduit à travers de longs couloirs aux murs blancs, j'avais l'impression d'être dans un hôpital et pas dans un des bâtiments du campus de l'université. Elle avait ouvert une porte qui donnait sur une pièce meublée d'un canapé, et d'une chaise. Au début, je n'avais pas osé m'installer. Je m'étais contenté de faire les cent pas, en me disant que quelqu'un me rejoindrait rapidement pour commencer l'expérience. J'avais fini par trouver le temps long et m'étais d'abord installé dans le canapé. J'avais pu scruter chaque détail du tissu, tous ses petits défauts. J'avais même tiré sur un fil qui dépassait. Suite à quoi, je m'étais rendu compte que peut-être la pièce était filmé, pour des questions de sécurité, par forcément à des fins d'observation pour l'expérience. Je m'étais donc déplacée sur la chaise, pour me rendre compte qu'elle était très inconfortable. Ce n'était qu'une simple chaise en bois, mais au moins, je ne chipotais plus à rien. Je me tenais droite et entendais quasiment mon cœur battre dans ma poitrine tant la salle était vide et silencieuse. Je compris que je resterais seule dans cette pièce, et que j'étais effectivement observée par un inconnu pour qu'il puisse, sans doute, analyser mon comportement lorsqu'une voix, aux étranges tonalités, retentit dans le silence. J'avais davantage l'impression d'écouter un robot, à l'image de C3PO dans la saga Star Wars, qu'un humain.

Alors que je pensais qu'on me demanderait plus de précision sur ce que je venais de dire. Me disant qu'ils voudraient aussi savoir que je suis perfectionniste, un peu bornée, ou peut-être très bornée, que mes proches trouvent que je suis parfois trop gentille et que je n'arrive pas facilement à dire non, même si, quand ça va trop loin je finis par ne plus me laisser marcher sur les pieds... Tout en moi était lié à cette double personnalité que j'ai décrit à mon interlocuteur (si on peut l'appeler un interlocuteur, puisqu'il s'est contenté de m'annoncer le thème de la journée). Mais la porte de la pièce s'ouvrit, laissant apparaitre la jeune femme blonde au chignon serré. Elle ne souriait pas. Elle m'apparaissait réellement antipathique. Elle ne parlait pas et se contenta de faire un geste pour me faire comprendre que je devais sortir et m'en aller. C'est à cet instant que je me demandais comment cela se déroulait du côté de mon ami qui m'avait embarqué dans cette expérimentation. Je plissai les yeux en découvrant la lumière du jour. Le soleil me brulait presque la peau. Il ne faisait pas aussi chaud quand j'étais entrée dans ce bâtiment du campus. Combien de temps s'était écoulé depuis mon entrée dans l'expérience ?