Jour 3 - Un souvenir

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J’étais restée frustrée de la séance de la veille. J’avais bien saisi qu’ils ne comprenaient pas où je voulais en venir. Ou peut-être s’en fichaient-ils complètement. Ou encore, voulaient-ils simplement me tester et voir si je restais sur mes positions. Mais rester sur ses positions pour un truc aussi futile n’était pas vraiment sensé. Le but était de répondre aux questions posées, par de divaguer pendant de longues minutes pour essayer de les éviter.

Pendant toute la journée, je m’étais dit que je ne retournerai pas répondre aux questions. C’était un peu la même rengaine que le jour précédent et ce serait sans la même chose pendant les jours qui suivraient. Sauf qu’aujourd’hui, il était vingt-trois heures passé quand je me décidai à me rendre dans ce bâtiment. Heureusement que nous pouvions aller à n’importe quelle heure s’asseoir dans cette pièce à peine meublée. En arrivant, je ne fus pas surprise de voir la même jeune femme assise à l’accueil. Elle se leva sans même m’adresser un bonjour et me conduisit jusqu’à la même salle, cinquième porte à gauche.

- Vous vous appelez comment ? Risquais-je sur le chemin.

Je n’eus comme seule réponse un silence complet. Peut-être n’était-elle pas autorisée à communiquer avec les sujets de l’expérience. C’était d’ailleurs très étrange de se considérer comme un sujet d’expérience. Ce qui me rappela que je n’avais pas vu mon ami depuis notre premier rendez-vous. Nous étions arrivés ensemble, et pourtant, je ne l’avais pas vu ressortir, ni m’attendre après la première séance. Cela m’étonnait. Je m’étais dit que nous échangerions sur cette expérience après chaque séance, mais il ne répondait même plus à mes messages. Je n’avais pourtant reçu aucune instruction concernant une non-communication entre les sujets et n’avait pas lu quelque chose de similaire dans la description de l’expérience qu’on m’avait fourni en venant m’inscrire.

Je n’insistai pas pour avoir le nom de la dame de l’accueil et me contentai d’aller m’asseoir sur le canapé, à peu près dans la même position que la veille. Je me plaçais en fonction de ses fils sur lesquels je tirais pendant que je formulais mes réponses. Un peu comme un geste nerveux dont je ne pouvais me défaire. J’attendis, mais cela me sembla moins long que la veille.

- Parle-nous d’un souvenir.

La formulation était plus directe que les deux jours précédents. Aussi, je n’avais pas droit à un « bonjour Ottie ». On me lançait juste le thème du jour de but en blanc. Je marmonnai entre mes lèvres que la politesse se perdait, mais je rendis compte qu’il était tard et que la patience de mon interlocuteur avait peut-être été mis à rude épreuve pendant la journée. Je réfléchis un instant. Je ne manquais pas de souvenirs à raconter, mais je cherchais celui que j’avais réellement envie de partager.

- J’ai beaucoup de souvenirs en tête, c’est même difficile de choisir. Vous devez l’avoir compris ça, que j’ai du mal à me décider quand il ne faut choisir qu’une seule chose. C’est sans doute mon côté indécis, que vous pourriez d’ailleurs rajouter à ma réponse d’il y a deux jours quand je vous ai parlé de ma personnalité…

Ca y est, je recommençais à parler trop et j’avais l’impression que bientôt la voix me ferait savoir son agacement. Je regardai mes doigts qui jouaient avec le fil défait du canapé, avant de reprendre.

- Je crois que j’ai envie de parler d’un souvenir un peu triste, comme pour contraster avec le fait qu’on parler de quelque chose qui nous rend heureux hier. En fait, ce souvenir est un peu les deux, parce que j’ai d’abord été très heureuse, avant d’être très malheureuse.

Je marquai une pause en me disant que j’avais tout mon temps, mais j’eus rapidement cette impression étrange que quelqu’un s’impatientait. Ce n’était sans doute que le fruit de mon imagination, mais je repris la parole et débiter mon souvenir à la vitesse de l’éclair, omettant plusieurs détails. Je suppose que c’est parce que ces derniers étaient sans importance.

- Je suis tombée amoureuse, comme tellement d’autres personnes avant moi. Je croyais que tout était possible. Ca me donnait des ailes. Je ne l’ai pas avoué tout de suite à la personne à qui je voulais donner mon cœur, cela a pris du temps… Beaucoup de temps. Mais ça me rendait heureuse de garder ça pour moi, de me dire que j’avais tout de même cette personne à mes côtés et que je n’avais pas besoin de plus. Et j’avais raison. J’ai ce souvenir d’être avec cette personne dans un lieu que j’appréciais beaucoup. On discutait, comme on le faisait souvent. Je me sentais bien… Tellement bien que la vérité finit par sortir et que je lui avoua tout dans un long monologue, dis-je en laissant échapper un rire. Je ris parce qu’aujourd’hui ça me parait complètement dingue d’avoir osé faire cette longue déclaration. C’était idiot, enfantin, et aucun adulte, ou jeune adulte, ne ferait ça… Mais j’étais une ado un peu trop rêveuse qui pensait que tout était simple. Je suis tombé d’assez haut quand cette personne m’a répondu que j’étais simplement une bonne copine. D’où le fait que j’ai été très malheureuse… Maintenant, que j’ai pris du recul sur tout ça, j’aime le prendre comme un bon souvenir et en rire. Après tout, j’avais passé une très bonne après-midi avec quelqu’un que j’appréciais et au moins, j’ai compris que tout n’était pas toujours rose et que parfois, les sentiments ne sont pas réciproques, même souvent.

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