Jour 16 – Quelqu’un qui te manque

3 minutes de lecture

L’échange silencieux d’hier m’avait laissé perplexe. Mon ami n’a rien dit, il n’a même pas essayé de dire ne ce serait-ce qu’un mot. Il m’a simplement regardé comme décontenancé par ma présence. C’était comme s’il ne s’attendait pas à me voir là. Alors qu’il savait que je faisais cette expérience, puisque c’est lui qui m’y avait embarqué et que je lui avais envoyé plusieurs messages. J’avais mis un peu de temps à comprendre qu’en réalité, c’était l’un des initiateurs de cette expérience et que s’il semblait aussi mal à l’aise, c’était parce qu’il m’écoutait parlé depuis quinze jours maintenant. C’était étrange de se dire que quelqu’un qu’on connaissait depuis seulement quelques mois, avec qui on s’était lié pour une raison inconnue, mais à qui nous n’avions jamais tout raconté, connaissait maintenant plus de choses sur votre vie, que certains membres de votre famille. En l’occurrence, il en savait plus que mes parents. Et ça me gênait.

Ce n’était pas la première fois que j’avais hésité à revenir. Mais cette fois-ci, le sentiment était encore différent. J’avais fini par aller m’installer dans cette petite pièce en attendant la question du jour. Lorsque la voix robotique retentit, je mis un temps assez long avant de répondre. J’avais peut-être envie de les faire poireauter. Je n’avais pas envie de répondre à la question.

- Ça a l’air de te plaire de m’écouter parler pendant de longues minutes sur les thèmes que tu nous impose… Je te tutoie, vu qu’on est amis, et que je sais que tu es seul devant ton écran pendant que ton acolyte accueil vos sujets d’expérience dans une ambiance froide et complètement détaché. Un peu comme si nous n’étions pas vraiment des humains à vos yeux. Alors j’ai une requête. Si tu veux que je réponde à la question, arrête de te cacher derrière ta voix robotique, et viens me poser tes questions en face, sur cette chaise complètement inconfortable.

Personne ne me répondit. J’attendis ce qui me sembla être une éternité. Enfin, je vis la porte de la petite pièce s’ouvrir. Ce n’était pas la blonde qui m’accueillait tous les jours, mais l’homme qui me posait toutes ces questions depuis seize jours et qui m’avait amené à faire cette expérience. Je le laissai refermer la porte et venir s’asseoir sur cette chaise, que j’avais volontairement déplacée juste en face du canapé. Il s’y installa, posant ses prunelles couleur noisette sur moi. Il ne dit rien.

- Bonjour Luke, dis-je en le regardant.

- Bonjour Ottie.

Je comprenais maintenant pourquoi la voix robotique m’avait semblée familière au début de l’expérience. Elle cachait la voix rauque de Luke. Je dois avouer une petite chose. Cet ami que j’avais suivi dans cette expérience était un peu plus qu’un simple ami. Nous n’étions pas meilleurs amis, je n’ai pas de meilleurs amis comme j’avais pu lui expliquer l’un des jours précédents, nous n’étions pas non plus un couple… Non, ça, c’était une appellation un peu trop formelle.

- Alors, repose-moi ta question.

Mes yeux étaient plongés dans les siens, je m’attendais à ce qu’il baisse le regard, mais je devais surestimer mon pouvoir d’autorité ou d’intimidation.

- Parle-moi de quelqu’un qui te manque, me dit-il d'une voix douce que je ne lui connaissait pas.

- Si je te disais que, toi, tu me manques un peu depuis seize jours, tu en penserais quoi ?

- Que comme d’habitude, tu évites de répondre réellement à la question.

- J’y réponds. Mais ce n’est peut-être pas la réponse que tu attendais. Tu préférerais peut-être que je te parle de ce membre de ma famille que j’ai perdu et qui a laissé un vide en moi. Mais j’aime garder cette part de mystère.

- Alors je te manque ? Dit-il en réprimant un sourire.

- Disons que, oui, un peu. J’ai été décontenancée quand tu n’as plus répondu à mes messages. J’ai cru que tu m’évitais à cause de ce qu’il s’est passé, pas parce qu’en réalité, c’est toi qui me posais toutes ces questions.

- Je voulais que tes réponses soient sincères, et elles ne l’auraient peut-être pas été si tu savais que c’était moi derrière.

- Elles n’auraient pas été différentes.

Il hocha la tête. Il continua à m’observer et sembla se détendre lentement.

- Tu reviendras demain ?

- Et les autres jours. Je m’y suis engagée. Mais j’ai une condition, dis-je avant de marquer une pause, mais sans pour autant lui laisser l’occasion d’ajouter quoi que ce soit. Que tu reviennes te mettre là, sur cette chaise, pour me poser tes questions.

- D’accord.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Linekiese ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0