Chapitre 2 (2/2)

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Elle en voulait à son grand-père. Comment pouvait-elle savoir que ses histoires étaient vraies ? Lui qui prenait tout à la rigolade, qui vivait depuis toujours dans son imagination ? Qui explique à une gamine de six ans la vérité sur quelque chose de si dangereux et prend ainsi le risque qu'elle essaie, plutôt que de cacher la machine pour qu'elle ne l'atteigne jamais ? Qui ? Elle se mit à serrer plus fort, de colère. Owen restait là. Elle avait toujours vu son grand-père écrire sur cette machine, elle y avait toujours eu accès. Mais ils savaient tous les deux qu'elle l'admirait trop pour défier son autorité quand il lui disait de ne pas y toucher. Maintenant qu'il était mort… Elle n'aurait pas dû… Elle enfouit son visage dans le manteau d'Owen. Il bredouillait quelques mots réconfortants, gêné de la sentir si proche, mais Ambre était ailleurs. Elle repassait dans sa tête toutes ces heures que son grand-père avait passées à pianoter sur sa machine, elle qui le regardait à cette même place enlever une feuille, une autre, en modifier une, relire, corriger, et puis elle se souvenait de l'étonnement qu'elle avait, chaque fois qu'il avait fini, quand il prenait le petit paquet de feuilles et soupirait, satisfait, avant de le déchirer et de le jeter dans la corbeille à ses pieds. La corbeille était encore pleine de morceaux de papier… Ambre sentit soudain le souffle lui revenir, le sang se remettre à couler dans ses veines. Elle sursauta, et réduisit la feuille qu'elle tenait dans sa main en miettes sous le regard effaré d'Owen. C'était forcément la solution. Il ne restait que des confettis sur le drap jauni quand elle reprit ses esprits et elle murmura pour toute explication :

« Mon grand-père déchirait chacune de ses histoires, je me suis toujours demandé pourquoi. »

Elle rassembla les restes de papier dans ses mains, se leva et les lâcha en pluie au-dessus de la corbeille. Ils tombèrent sur d'autres, plus anciens, sur lesquels elle apercevait des noms de gens qu'elle se souvenait avoir vaguement côtoyés dans son enfance, d'autres qu'elle ne connaissait pas.

« Et maintenant ? » Owen la fixait avec un regard qu'il voulait rassurant.

Maintenant, il fallait vérifier que tout était revenu dans l'ordre.

« Tu es en voiture ? Ca t'embêterait de m'emmener chez Elena ?

Non, bien sûr, allons-y. »

Leurs deux sourires étaient inquiets, mais sincères.

« Et après, pour effacer la mésaventure, on pourrait aller dîner ensemble ?»

Ambre sourit un peu plus franchement, sans trop en faire. Ils gagnèrent la voiture d'Owen sans un mot de plus, et les langues se délièrent une fois en route - seulement parce qu'elle devait le guider jusque chez son amie. Son appartement était encore allumé malgré l'heure tardive, c'était bon signe. Elle appuya sur l'interphone. Rien. Elle essaya encore une fois. Pas de réponse. Elena habitait au rez-de chaussée aussi Ambre enjamba le portillon et s'approcha d'une fenêtre. Il y avait des voix. Encore un bon signe. Elle cogna contre le carreau quelques coups, une tête regarda à travers le rideau : son compagnon. Il ouvrit la fenêtre et lui expliqua qu'elle venait de rentrer. Quelques secondes plus tard, Elena apparut. Elle avait pleuré. Ambre lui sauta au cou : elle lui dit qu'elle était terriblement désolée, qu'elle n'aurait jamais dû faire ça et qu'elle en le referait plus, qu'elle ne pouvait imaginer ce qu'elle avait dû ressentir…

« Ambre, lo siento, je ne comprends pas...

- C'est à cause de la machine ! Les histoires étaient vraies tu vois, j'ai écris ton prénom, oh crois moi je ne voulais pas, mais je ne savais pas quoi écrire et Owen m'a dit… Il m'a dit… Enfin je suis désolée quoi, j'aurais jamais dû faire ça t'as dû avoir si peur, j'ai eu si peur… T'étais introuvable… Et puis j'ai déchiré la feuille, et là, voilà c'est pour ça que t'es...

- Shh. Va t'en, la coupa Elena en retenant ses larmes, s'il te plaît.

- Ok, tu m'en veux, je veux pas te faire pleurer, je comprends, j'ai fait une connerie mais...

- Basta ! Explosa-t-elle. Tout ne tourne pas autour de toi ! Tu as écrit sur ta machine, y qué ? Tes histoires sont juste des histoires, grandis un peu ! Claro

Elle regretta immédiatement ses paroles mais Ambre était tétanisée. Elle souffla un « je suis désolée », avant de tourner les talons et de regagner la voiture. En claquant la portière, la pluie se mit à tomber à grosses gouttes.

« Non, ne dis rien jolie demoiselle, j'ai compris. Je suis là. »

Owen l'entoura de ses bras.

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