Un centre d'écoute hors du commun
Une salle d’attente comme il en existe des milliers avec ses chaises, sa petite table au centre de la pièce garnie par des magazines plus datés les uns que les autres. Sur les murs, de nombreuses affiches d’utilité publiques sont disposées, elles parlent de nombreux sujets comme la vaccination contre la grippe, les numéros des services d’urgence mais il y a également quelques affiches plus spécifiques. Sur l’un des murs, l’une d’elles évoque la violence conjugale avec le 3919, numéro à appeler pour les victimes de tels sévices. Dans cette pièce, un homme est assis, attendant depuis un petit moment. De prime abord, il semble parfaitement calme, le regard caché derrière un magazine sportif du siècle dernier… seulement cet état n’est qu’une apparence car, en vérité, le stress qui habite cet individu pourrait le consumer. La lecture de ces articles ne semblait pas l’apaiser, l’homme reposa le livre et ferma les yeux, dans l’espoir d’oublier l’enjeu de sa présence en ces lieux pour quelques secondes.
- Monsieur Bréon ?
Cette phrase prononcée par une personne à la voix fluette le fit instantanément sortir de ses pensées. Devant lui se tenait une jeune femme, probablement la vingtaine, avec un physique aussi fin que sa voix laissait entrevoir. Les deux personnes se serrèrent mollement la main avant de s’engager dans un long couloir assez étroit. Finalement, tous deux s’installèrent dans un bureau qui n’avait pas grand-chose d’accueillant. Tout y était assez rudimentaire, ce qui marquait un contraste surprenant vis-à-vis de la salle d’attente.
- Vous êtes ici sur décision de justice ?
- Oui, répondit l’homme, la tête basse.
- Avant de commencer, je dois renseigner votre formulaire d’arrivée. Ça nous servira à prévenir votre contrôleur judiciaire que la démarche a été enclenchée.
L’homme acquiesça sans prononcer le moindre mot, la tête toujours aussi basse. Pendant plusieurs minutes, la jeune conseillère remplissait de nombreuses cases renseignant notamment l’identité de son interlocuteur. Il s’appelle Luc Bréon et a soufflé ses quarante-deux bougies il y a peu. Il vit à Paris, dans un studio situé à proximité de la gare de Paris Bercy.
- Bien, nous allons pouvoir commencer. Qu’est-ce qui vous amène ?
- Je suis sorti de prison il y a quelques semaines… j’ai été condamné pour violences conjugales. Aujourd’hui, je ne suis plus rien et ma présence entre dans le cadre de l’obligation de soins.
- Quelle peine de prison avez-vous reçu ?
- Trois ans dont un avec sursis.
La jeune femme hocha lentement de la tête avant de se présenter à son tour. Répondant au nom d’Alice Vergne, elle s’attribue le poste de conseillère en réhabilitation personnelle. Ce travail était sa fierté car il nécessitait une certaine empathie, qualité qu’elle possédait et maniait à la perfection.
- Comment s’appelle votre ex-compagne ?
- Marie… elle s’appelle Marie.
- Vous étiez en couple depuis longtemps ?
- Avant qu’elle ne porte plainte, ça faisait 13 ans…
- Comment l’aviez-vous rencontré ?
Les minutes défilaient à toute vitesse pendant que Luc s’exprimait, sans langue de bois, sur ses errements de célibataire endurci, passant une grande partie de sa vingtaine seul, profitant des week-ends pour aller en boîte de nuit afin de « draguer à l’ancienne ». Il revint sur cette période, la qualifiant de sexuellement pleine mais de sentimentalement détestable. Il n’était pas rare de le voir déambuler dans les rues du douzième arrondissement en charmante compagnie, avec laquelle il passait des nuits torrides. Luc conclut cette période sur la facilité qu’il avait à draguer pour, finalement, revenir à un célibat pesant, dès les jours suivants.
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