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Paris, 2019

— Assez parlé de toi, et de nous ! Tu reprends la saga, s’il te plait ? On en était à la construction de la Maison.

— Je ne sais pas où est la limite… OK ! On reprend l’histoire dans l’ordre ! La maison est donc construite en 1738, sans vraiment de changement depuis. Elle a simplement suivi les modes et la modernité.

— Tu sais, Séb, c’est peut-être elle la véritable héroïne ! Elle a abrité tout le monde, accueillante, indifférente à leurs qualités et à leurs turpitudes.

— Je te rappelle qu’elle ne t’a pas non plus laissée indifférente !

— D’accord ! Tu reprends le fil de tes aïeux ? Après Martin…

— Je résume : Martin meurt en 1757. C’est son fils Léon qui lui succède à trente-deux ans. Il s’est marié avec Honorine Reynes quatre ans auparavant. Rien de bien intéressant à dire sur son règne ! Juste une anecdote sur son enfance qui éclaire bien cette période ! Il faut au préalable se remettre dans cette époque : la maison était peut-être accueillante, mais les temps très durs à vivre. C’était encore le petit âge glaciaire !

— Oui, de 1300 à 1850, environ, les températures ont chuté. Mais détaille un peu plus pour le 18e dans le Rouergue, avec ce que tu m’as montré.

— La mémoire des phénomènes climatiques marque profondément ce début du 18e siècle, tellement ils constituent une question permanente de survie pour le commun. En regardant les livres de tenue du domaine, la météo est le facteur principal de fluctuation de la richesse familiale, puisque presque entièrement dépendante de l’agriculture.

« Aux étés torrides, quand les bobourinádos[1] durcissent la terre et laissent les bêtes sans foin, succèdent des hivers si rigoureux qu’on voit l’eau geler dans le pot sur la table devant la cheminée qui ronfle. Les loups descendent alors plus tôt et plus nombreux de la montagne, tandis que la bijio négro[2] fige le territoire sous ses nuages funèbres. Il est nécessaire dès lors de faire venir du grain de Rodès, payé à prix d’or et transporté sous bonne garde, car du blé avait été volé les premières années, puis le monter au grenier. Ces années-là, les rentrées peinent à maintenir le train de vie, pourtant modeste, de la maison. Au moins, on ne meurt pas de faim à l’houstál de Jonhac ! Entre ces mondes qui partagent la même rudesse de vie, qui dépendent tout pareillement du ciel, les différences s’avèrent minimes.

« À Rodès, à la Mascarie, une maison de force a été ouverte pour les miséreux en 1741, année effroyable. Ce qu’on en lit est terrible. Plusieurs échauffourées avaient eu lieu dans la contrée, souvent des femmes qui s’opposaient à l’enlèvement du grain par les marchands. On parlait de « grands désordres lors desquels la population, rameutée par le tocsin, avait brulé ou jeté à la rivière les charrettes venues charger les sacs.

— Ce n’est pas l’histoire de ta famille, mais, n’empêche, sans ces éléments d’ensemble, on ne peut pas comprendre leur vie quotidienne. Tu dois le maintenir dans ta version finale.

— C’est ce que je pense. Reste à trouver la forme…

[1] périodes de canicules


[2] « bise noire », vent nord-nord-est porteur de nuages noirs

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