la fausse note
Puis vint l’entracte. L’heure où les baignoires se vident pour remplir les lavabos. Ziza et son père avaient choisi de rester au balcon. Soudain, Ziza remarqua une note. Elle était assise sur la rambarde du balcon, le dos tourné. Seule, elle avait l’air de bouder.
- Qu’est-ce qui ne va pas, demanda gentiment Ziza.
- Ils m’en veulent parce que je ne suis pas comme eux. Ils disent que je n’ai rien à faire là. Ils me traitent d’empoisonneuse, de bonne à rien.
Soudain une armée de notes vint investir le balcon. Ça discutait ferme. Une vraie cacophonie.
- Oh la la, s’écria Ziza, la paix !
Pause...
Le do fit le dos rond
Le ré devint muet comme une carpe
Le mi fit mine de rien
Le fa s’effaça
Le sol soliloqua
Le la la ramena plus
Le si sifflota
Le calme revint
Ah ! ça fait du bien, se dit en silence, le silence.
- Alors qu’est-ce qui se passe, demanda Ziza.
- C’est à cause d’elle, dit la clef d’ut en montrant la note au bout du balcon.
- Elle est toujours à côté, dit la barre de mesure.
Encombrée de ses lignes, la portée approuva.
- C’est une fausse note, se lamenta le soupir.
Le mot fut prononcé. Toute la gamme se pétrifia sur place. La symphonie avait une sainte horreur des fausses notes.
- C’est à cause de l’accord, tenta de se justifier la fausse note.
- Tu vas voir si c’est à cause de l’accord, fulmina l’accord.
Le brouhaha recommença. Et dans un demi silence, on entendit le dièse dire au bémol :
- Vous allez baisser d’un ton, môssieur !
Le bécarre s’en mêla et mit tout le monde au diapason.
La lumière s’éteignit et le calme revint.
Alors, la musique emplit tout l’espace.
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