Le Phénox

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Une relique sainte… Enfin, je ne devrais pas en avoir pour bien longtemps. Je possédais une carte, le trajet était sécurisé, monotone… ma moto jet rutilante n’était ni capricieuse ni fougueuse, à vrai dire elle était incroyablement lente, à croire qu’on avait fait exprès de la brider. Quant à la relique, on l'avait certainement posée là-bas pour le cas où. Pourquoi quitter le cocon familial si c’était pour y revenir aussi vite et aussi facilement ?

Même en faisant un ou deux détours, la route restait désespérément calme. Je ne fus donc pas surpris de trouver aisément ladite relique, soi-disant en or, et de pouvoir m’en emparer sans aucune, et je dis bien aucune, difficulté. Je la mis dans la besace en toile qui était écrasée dans le coffre de ma bête de course et entrepris le périlleux voyage de retour. Mais à mi-chemin, je m’arrêtai. Qu’étais-je en train de devenir ?

Je m’arrêtai à l’auberge « Les Trois Lieues » pour retarder encore un peu plus l'heure de mon retour et aperçus un homme étrange qui possédait un riche manteau en laine colorée à capuche. Je n’avais jamais vu cette race auparavant. Il était plus grand que moi. Bien que d’un type quasi-humanoïde, il portait une crinière flamboyante de plumes orangées et ses sourcils se prolongeaient en deux parties osseuses qui se dressaient de part et d’autre de son front.

Ses yeux étaient jaune animal et son nez formait un petit bec de rapace qui remplaçait sa lèvre supérieure. Il possédait une mâchoire humaine avec une dentition quelque peu aiguisée, même si ses dents étaient assez resserrées et petites. Ses oreilles étaient pareilles à celles d’un oiseau et les deux fentes faites dans le dos de sa tenue sans manche laissaient sous-entendre qu’il avait la capacité de se faire pousser des ailes. Je m’approchai de lui, tout sourire, espérant lui revendre la relique en la lui présentant bien.

  • Bonjour voyageur, lui dis-je pour entamer la conversation, puis-je m’asseoir à votre table ?

Il me rendit mon sourire et me fit un signe de la main qui m’indiqua la chaise libre en face de lui. Cela se présentait plutôt bien.

  • Je ne voudrais pas vous interrompre dans ce festin qui semble des plus délicieux, fis-je en scrutant la pauvreté du contenu de son assiette, mais en vous voyant, j’ai su que cet objet était fait pour vous.
  • De quel objet parlez-vous ? me répondit-il tout simplement. Il semblait intrigué, c’était bon signe.

Sans trop le faire patienter, mais en prenant tout de même mon temps pour ménager le suspens, je déposai la relique sur la table. Nul doute qu’en la voyant il tomberait sous son charme.

Elle reposait dans un coffret en bois rectangulaire (qui n’était même pas sculpté !) et ressemblait à une sainte croix religieuse faite en métal vaguement doré et décoré que mes parents avaient osé appeler or et qui ne duperait pas même le dernier des idiots. Mais cet oiseau semblait être le pigeon idéal aussi je poursuivis.

  • C’est une relique extrêmement rare que je vous propose d’acquérir.
  • Rare à quel point ? fit-il enjoué.
  • À un point tel que vous n’aurez pas assez d’une vie pour vous l’imaginer. Cet objet, outre sa valeur spirituelle, a une valeur pécuniaire indéniable puisqu’il est en or véritable.
  • Oh, vraiment ? fit l’inconnu qui dépassait de loin toutes mes espérances.
  • Je vois que Monsieur est un fin connaisseur. Alors je vais vous faire un prix.

Je m’approchai de son oreille et lui chuchotai une somme aussi astronomique que raisonnable à mes yeux. L’homme éclata d’un grand rire sonore et me donna une tape amicale dans le dos. Je faillis rendre mon dernier souffle, sous l’impact, mais fis bonne figure.

  • Alors, dis-je en insistant, cette offre ne se reproduira peut-être plus jamais ? Vous êtes tenté ?

Il esquissa un sourire et se leva. Cela m’impressionna davantage. Il était encore plus grand que je me l’étais imaginé et avait des pieds gigantesques pourvus de griffes dangereusement tranchantes placées telles des serres.

  • Oui je suis tenté, fit-il le regard glauque. Tenté de vous botter les fesses ! dit-il en riant à en faire vibrer les murs de l’auberge.

Je me mis à ricaner nerveusement, faisant mine de ne pas comprendre.

  • Alors maintenant je vais partir car je n’ai vraiment pas le temps de me faire escroquer par un aussi mauvais vendeur !

Son regard me transperça. Ce type avait vraiment un charisme impressionnant. Je décidai de renoncer à mon projet de vente forcée et quittai l’auberge peu après. Qu’allais-je faire, rentrer chez papa et maman ? Non, je ne pouvais m’y résoudre. Que faire alors ? Car il devenait de plus en plus évident que je n’avais pas de but réel dans la vie. Je n’étais qu’un type qui n’avait eu jusqu’à présent qu’une existence facile et ennuyeuse.

En longeant le chemin de terre qui devait me conduire au prochain village, j’aperçus une charrette antigravité stationnée sur le bas côté, sur laquelle était entreposé un monticule de foin. Je décidai de passer la nuit dedans, faute de mieux.

Je n’avais jamais imaginé jusqu’à ce jour que le foin piquait autant, qu’il sentait si fort et que dormir dehors était aussi désagréable. Non, j’étais loin de m’en douter…

Je me réveillai le lendemain matin avec le sentiment d’être ballotté. Je sortis ma tête de la motte de foin et constatai que la charrette antigravité s’était déplacée. J’étais sur un chemin inconnu, je me dirigeai vers une ville inconnue et le type, Humain, qui conduisait le véhicule, ne m’inspirait pas confiance.

Je décidai donc de rester dissimulé et silencieux. Mais cette décision ne fut pas respectée car la route devenue mauvaise, je chutai bruyamment. La charrette s’arrêta et le type aux fausses allures de fermier se dirigea vers moi, l’air menaçant.

  • Alors comme ça on voyage gratuitement !
  • Je suis désolé Monsieur, je voulais seulement dormir, je ne voulais pas...

À peine m’étais-je demandé pourquoi j’étais tout à coup devenu si mielleux qu’il se calma. Après tout, je n’étais certainement à ses yeux qu’un gamin fugueur. Il me déposerait dans la prochaine ville et rechercherait mes parents avant que les autorités locales ne me réexpédient. Cela aurait dû se passer ainsi.

Mais une fois dans le bourg, il me conduisit dans une ruelle sombre et me présenta à quatre de ses amis, dont deux étaient Elvs. Visiblement, ils projetaient de me détrousser. Si tout mon argent s’envolait déjà, je n’avais plus qu’à faire demi-tour et à rentrer prestement, au moins j’avais la relique.

  • Donne-nous tout ce que tu as et on te laisse repartir sain et sauf !

Ces paroles manquaient cruellement de sincérité mais je ne voyais pas d’autre solution que de leur donner mon or.

  • Qu’est-ce que tu caches, montre-moi ça, me dit l’un d’entre eux d’un ton que je qualifierais d’impudent.

Oh non, ils avaient découvert la sainte relique ! Mon laissez-passer pour le chemin du retour – que j'avais pourtant essayé de refourguer allez savoir pourquoi. Mais c’était du toc, ils le comprendraient vite, et… Bien évidemment, j’aurais dû m’en douter !

Agacé le type la balança et elle se brisa en mille morceaux tellement sa qualité était médiocre. J’étais à présent ruiné et privé de ma solution miracle. Qui plus est, maintenant qu’ils avaient épuisé mes ressources, je pouvais craindre le pire. Ils étaient d’humeur badine et souhaitaient se divertir un peu en me boxant sans douceur aucune. Et je n’avais pas sur moi mon bâton de graveline ni de roche à proximité qui pourrait le remplacer. J’étais maudit. Je ne pouvais même pas fuir.

J’aurais pu mourir ce jour-là si l’homme oiseau de la veille n’était pas venu à mon secours. Il se battit à mains nues et les fit voler avec une facilité déconcertante. Puis il s’approcha de moi et me sourit.

  • J’ai bien fait de passer par là, on dirait !

Il me tendit la main que j’acceptai avec reconnaissance. Je crois que ce fut la première fois de ma vie que je remerciai sincèrement quelqu’un. Il me rendit mon or et secoua mes vêtements abîmés et poussiéreux.

  • Voilà qui est mieux, jeune Urdann, laisse-moi te conduire en lieu sûr !

Je le regardai curieusement. Je n’avais pas le souvenir de lui avoir donné un jour mon nom. Il me paya un bon repas chaud et se présenta.

  • Je suis Kernarok mais appelle-moi Ker.
  • Ker-na-rok, répétais-je comme si l’on avait placé du papier mâché dans ma bouche. Qu’est-ce que vous êtes ?
  • Un Phénox, se contenta-t-il de me répondre.

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