31. Chris
Le soleil s’est levé. Je vais pouvoir la voir. Derrière une vitre. C’est pire que tout ce que j’avais imaginé. On dirait un moteur de voiture. Des fils et des tuyaux partout, des perfusions, des machines à chaque coin de la salle. Sa tête est presqu’entièrement couverte de bandages mais je reconnais immédiatement son nez et ses pommettes, son grain de beauté, puis les contours de sa silhouette sous la couverture… sans aucun doute, c’est elle. Je ressens soudainement une tristesse infinie, une douleur déchirante à la vue de ses bras tuméfiés, d’un pourpre violacé.
Un trou béant emplit ma poitrine, orpheline de mon cœur déchiqueté.
Que faire maintenant ? Je n’ai pas le droit de rentrer, pas le droit de l’approcher… Alors je reste là, debout dans le couloir, le front contre la vitre. Je l’observe, je la surveille. Prêt à bondir, je n’attends qu’une parole, qu’un regard, qu’un geste de sa part.
Les heures passent et je suis toujours au même endroit. J’entends soudain une voix qui parle fort se rapprocher de moi :
— Ah, il est là ! J’essayais d’appeler ça répondait pas ! Il paraît qu’elle a eu un accident ? Qu’est-ce qui s’est passé à la fin ?
Mon esprit reste suspendu quelques secondes dans l’espace avant de se détourner d’Alice. Il s’écrase sur les yeux exorbités d’une femme aux traits tirés. Son brushing fatigué a succombé à la force de gravité. Je reconnais la mère d’Alice, mais ne trouve rien à lui répondre. J’ai l’impression de devoir me justifier mais aucun mot ne vient, je suis absorbé par le vide qui m’envahit.
Elle s’arrête alors près de moi, regarde Alice et murmure :
— Ah oui quand même… Ça va vraiment pas fort là.
Après un temps de réflexion, elle pousse un long soupir et ajoute :
— Ils auraient quand même pu nettoyer les vitres.
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