Ce n’est pas Dieu, mais l’index d’Alice qui me répond quelques jours plus tard. On est le 10 octobre, deux semaines ont passé depuis l’accident mais j’ai l’impression que ça fait une éternité. On est à l’hôpital, sa main repose sur la mienne et son doigt tapote la paume de ma main.

Un coup pour oui, deux coups pour non.

Je cherche son regard. Il me fixe deux ou trois secondes et retourne au plafond. Alice a l’air absente, on dirait qu’elle est perchée dans une autre dimension.

Je déglutis et repose ma question :

— Alice, c’est Chris. Est-ce que tu me reconnais ?

Je retiens mon souffle. Le doigt se lève et retombe une fois. J’attends trois secondes pour être sûr… C’est bon. Je respire.

— Est-ce que tu te souviens du coma ?

Un coup.

— Tu es contente d’être revenue ?

Son doigt tout maigre se soulève et retombe une fois sur ma paume. Puis deux autres fois un peu plus vite. Je ne suis pas sûr d’avoir compris alors je demande :

— Oui et Non, c’est ça ?

Un coup. C’est ça.

— Tu as mal quelque part ?

Deux coups. C’est pas ça.

— Tu voudrais pouvoir bouger ?

Un coup.

— Je comprends. Les médecins disent que ça va venir, faut que tu t’accroches. J’imagine que t’as hâte de parler aussi…

Un coup. Plus énergique celui-là.

— Hier soir j’ai vu un truc sur internet… Je me suis dit que tu pourrais peut-être communiquer avec une souris et une sorte de clavier numérique qu’on afficherait sur un écran d’ordinateur. Tu pourrais choisir les lettres sur l’écran et faire des mots en cliquant avec ton index… ça te dirait d’essayer ?

Un coup.

— Je ramène mon ordinateur demain pour essayer, d’accord ?

Un coup.

L’infirmière me demande de partir, Alice doit se reposer. J’essuie la salive qui a coulé sur son menton et je l’embrasse sur le front. Ses yeux brillent un peu plus fort que d’habitude, je crois que c’est bon signe.