76. Alice
Pendant ma dernière année au Brésil, Ariane vient passer quelques mois à la maison pour faire un stage chez L’Oréal. Ça me fait un bien fou de la retrouver et je réalise à quel point elle a pu me manquer. Je partage ma chambre avec elle et je lui fait découvrir ma vie d’expatriée à Rio. Notre différence d’âge n’est plus un problème et une forte complicité s’établit entre nous. Plus soudées que jamais, on ne manque jamais de se soutenir dans les innombrables moments de conflits avec nos parents. Le soir, on fume des joints dans la chambre pour se détendre, on se goinfre de gâteaux et on part en fou rire en imaginant la tête de nos parents s’ils nous surprenaient.
Un soir, je l’emmène dans un pub irlandais pour lui présenter des amis. Comme à mon habitude, j’enquille les cocktails de tout poil jusqu’à ce que je me sente mal. Je me précipite aux toilettes, un lavabo se présente à moi et je vomis dedans avec soulagement. Ariane me rejoint quelques instants plus tard et me retrouve allongée par terre. Quand elle me demande si ça va je réponds :
— Je crois que j’ai bouché le lavabo, il faut qu’on se barre d’ici avant qu’ils s’en rendent compte sinon ça va être trop la merde… Tu peux m’aider à me relever ?
Après un coup d’oeil rapide au liquide rosâtre qui stagne non loin de moi, Ariane confirme :
— Ah oui en effet, c’est bien bouché. Mais pourquoi t’as pas vomi dans les toilettes ?
— Bah j’ai pas réfléchi, j’ai vu un trou, je pensais pas que ça allait se boucher !
— Bon… On peut pas laisser ça comme ça quand même.
Et là, ni une ni deux, Ariane plonge ses mains dans mon vomi et entreprend de transvaser à la main le contenu du lavabo vers la cuvette des toilettes. L’opération dure de longues minutes pendant lesquelles je reste subjuguée par le spectacle de ma soeur qui continue à me faire des blagues, les mains pleines de vomi, passant du lavabo à la cuvette, sans me faire le moindre reproche.
Ma soeur, ma sauveuse, mon héroïne.
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