Chapitre 32 : La Lune en E8 écrit par Simon Folio
Chapitre 32 : La Lune en E8 écrit par Simon Folio
Ils ont commencé à vouloir jouer contre la reine. Une mauvaise idée pour eux, mais un peu de piquant plus ou moins divertissant pour elle.
Dans les couloirs du palais Boubon monsieur Barnella marche au côté de madame Le Guen. Au même rythme, les yeux fixés vers la même destination. Elle est dans son quotidien et ses habitudes, il est dans l'apparence et l'interrogation. Elle sait ce qu'on prépare contre elle. Il est divertissant pour une psyché comme la sienne de les laisser croire avoir un ou deux coups d'avance. Ce n'est pas pour aujourd'hui ; la chance de faire partie des proches, ou quand serait-ce des connaissances personnelles de la présidente du parti du regroupement national. Il y a un fossé entre ce prestige et le sien. Entre être proche des six vices président, ou de la présidente l'assemblée nationale et être monsieur Barnella.
Se retrouver encore une fois dans le camp d'Alix après tout ce qui s'était passé. Côtoyer cette SDF dans un but commun, rien de plus agaçant de son point de vue. Ce Leblanc semble cacher trop de choses à se servir d'eux comme des pions de la sorte. Néanmoins, si celui qu'on a envoyé en première ligne comme un sacrifice, arrivait à se la jouer fine, il pourrait peut-être inverser la tendance. Il ne croyait pas une minute à la confiance de leur équipe de pseudo justicier. En sa nouvelle coéquipière non plus, cela dit. Ça commence à devenir une habitude Holan, se disait-il à lui-même. Pour ce qu'il en est de son cas, en réalité c'est un monstre de solitude, qui a agi et agira probablement toujours comme tel.
" Tenez-moi cela, je vous prie.
- Bien sûr."
Il porte un fort beau costume pour n'être qu'un vulgaire portier. Holan Barnella le beau gosse, sert à tenir debout avec un manteau dans une main et un café dans l'autre.
Nombre de mouches tournent autour du dragon. Leurs manigances prennent l'agaçant bruit du vol de ces insectes. Et leurs pions qu'ils croient n'être qu'ombres. Des ombres visibles même en pleine nuit, de son point de vue. Ni leur José Ventôse, un si beau rossignol, mais si mélodieux soit son chant, un volatile est un volatile. Ni l'ambitieuse jeunette a l'aura si attirante, un espoir qui pourrait tant briller. Si seulement elle savait, que les armes utilisées dans sa sphère et celle de sa cible sont si différentes. Le petit diable à ses côtés, qui n'a pas intérêt à renverser une goutte de la précieuse caféine. Un trésor dans leurs mains, offert par ce bijou de Florian Leblanc. Ah ! Si seulement ils savaient que le poids de mes coffres déchire leurs piles de documents jusqu'à la miette la plus infime. Des noms dans des enveloppes, des photos, ce ne sont pas réellement des armes messieurs-dames les rebelles, un nombre si dérisoire de noms. Elle en a plus sur une seule Sim. Engendrer le chaos. Vouloir aller dans l'antichambre d'où on les observe depuis si longtemps. Pourquoi ? Que de proies qui étaient si empressées de mettre les pieds tout au fond de la grotte. Son destin est sa décision et sa force se mesure à celle de la présidente du parti. Mais l'on nourrira le loup. On suit, ou l'on plie devant sa conviction. Ils le savent tous, ce nom résonne à chaque pas si léger soit-il. Mon nom est Noemie Le Guen, ma légende de mon vivant et ma gloire à ma mort.
Chercher à asseoir son autorité en évinçant intel ou intel, ne soyez pas si niais. La DGSI, la cellule Leïba, leur Bnupx, ils lui ont offert un de leurs soldats et le moins fidèle de toute évidence. Elle se doute bien des menaces que ce cher Leblanc a dû utiliser pour tenter de les faire plier le genou devant sa cause. Dans un autre contexte, elle se serait contentée de les appeler une bande de jaloux. Mais pour ce qui est de l'esprit d'une figure politique d'une telle importance. Le commandement militaire chargé de veiller à la sécurité du Palais-Bourbon et des locaux parlementaires ; c'est une ligne de soldats qui est un symbole de sa force, plus qu'une des nombreuses formes de celle-ci.
Alix Tran était arrivée depuis quelques heures déjà. Elle l'observa marcher dans le couloir sans rien dire. Le rythme de marche, si serein, de celle qu'elle avait observée si longuement. Bien plus qu'une rivale intouchable, cette ennemie si inatteignable, pensait-elle. La patience est une arme et lorsqu'on ne peut pas rater sa cible, rien d'autre ne compte que de frapper au bon endroit et essentiellement au bon moment.
Il y en avait un autre d'animal Yorgen. Félin, presque invisible, si ce n'est cette aura du fauve que l'on percevait qu'une fois trop tard. La panthère Yorgen n'avait pas du tout apprécié qu'on le frappe par-derrière, quand il avait la tête ailleurs. De plus, vouloir cloisonner sa furie comme sa liberté n'avait pas vraiment fait bon ménage dans son esprit d'ores et déjà enflammé. Ils n'ont rien dépouillé du tout. N'ont vendu la peau d'aucun ours et le pelage, de celui qu'il pensait pouvoir traiter comme un vulgaire canidé est probablement hérissé pour un bon moment, désormais. Ventôse... je comptais sur toi Ventôse. Mon roi des rats. Lui, grâce à qui l'inhumain Yorgen avait de nouveau réussi à s'imaginer une fausse bonne image de quelqu'un. Ça faisait si longtemps qu'il n'avait pas fait semblant d'apprécier une autre personne que lui-même, cher garde du trou à rat. Et puis après tout, laissons les mijoter encore un peu. Laissons les croire qu'ils peuvent approcher la main de la serrure de sa cage en toute sécurité. Ce n'est qu'une question d'heures de toutes façons. Lorsque la petite Alix et son José, de toute leur pieuse volonté auront fait ce qu'ils ont à faire, les yeux fermés devant leur si évidente vanité. Quelques heures et on lui remettra ce cellulaire qui sonnera. Qu'est-ce qu'ils croient tous ? Ses soldats à lui n'ont ni visage, ni âge et souvent pas, ou plus d'un nom. Dans son esprit inaccessible, il sait qu'ils n'arrêteront pas les institutions. Tout autant qu'on ne peut stopper réellement un fauve de son espèce, si ce n'est par la seule chose qui nous stoppera tous. Comme ils n'arrêteront pas cette fumée et cette odeur, seul calmant de sa vie qui empreigne d'ores et déjà le cachot où il se trouve.
Voir ces conspirationnistes de la Bnupx comme un pétard mouillé à allumer si besoin, en cas d'insurrection ou de contre-insurrection nécessaire à la prise, ou à la garde, du pouvoir. Une différence certaine entre la cible de monsieur Leblanc et les fléches humaines qu'il a choisi. Alix, José, Florian... Holan se méfiait à juste titre de son nouveau cellulaire. Car bien que la figure politique, au regard plus épais qu'un roc, avait dû prendre son temps pour que son nouveau sous-fifre la rejoigne à l'endroit choisi. Depuis le point de départ qu'était son appartement, aux murs orange, où il se réveille chaque jour et la tartine de beurre et de confiture bio, accompagnée de son jus d'orange pressée du matin même, consommés pour son petit déjeuner, le résultat était bel et bien là. Sur le côté choisi, dans la position décidée préalablement sans aucune erreur, de son point de vue tout se passait comme prévu.
Se recoiffant toutes les deux minutes. Son pied applaudissant contre le sol, tant son esprit était embrumé par cet incident concernant la députée Alix. Les conséquences auxquelles il serait exposé, si ce petit rien s'ébruitait beaucoup trop. Quelques dossiers en plus et l'opinion publique s'occuperait de tout déformer, pour le faire passer pour le pire monstre que l'humanité ait pu engendrer. Ils ont ce qu'ils nomment des concitoyens d'un même parti, des compatriotes. Sa nouvelle cible a des fidèles. Allez contre madame Le Guen, c'est aller droit en pleine guerre civile. Il doutait encore avoir à prendre ce risque.
Ils voudront la faire tomber pour une affaire de réseau criminel. Pour les drogues, le dossier bidon avec leur propre nom est déjà dans les tiroirs. Avec les fausses preuves de voyages et leur vrai faux passeports, dont ils ignorent eux-mêmes l'existence. Pour les armes, ce vautour fou de Yorgen peut déjà être remercié d'où il est, surtout ses contacts d'Europe de l'Est.
L'avidité de certain qui s'oppose à l'envie de paix de tous. La belligérance ; la soif de chaos derrière les idéaux d'autres quitte à briser la neutralité d'une masse. Le pouvoir, qu'il soit financier ou militaire, peut-être que ce pouvoir possède la personne sans aucune mesure, bien plus que qui que ce soit serait en mesure de posséder ce pouvoir. Un monde détruit pour d'autres et la richesse pour peu ; ce rêve de l'un, cauchemar de tous qui perdure encore et toujours. Mais manger des fruits et semer des graines, c'est bien aussi. Je ne sais plus. Je ne sais pas. Je sais que je ne saurai jamais. Une pensée banale pour le moineau José, certes. En vol plané à la recherche de la paix, ou au moins de sa propre paix si cela est seulement possible.
Ce même Ventôse était à la porte, pléthore de clés dans ses poches et sa tête. à l'écoute de ce qui se passait à l'intérieur de l'hémicycle grâce au matériel de ce cher Florian Leblanc. Si tout ce cirque n'avait pas été sa réalité, il aurait trouvé ça particulièrement risible qu'ils croient tous à ce point le tenir dans le creu de leurs mains. Une inspiration d'air pur, un seul mouvement efficace, un seul trait vers la destination. L'espace est la lame, la volonté est le tranchant. Mais en attendant, il avait trébuché sur une marche en sortant rejoindre quelqu'un.
Tout peut se compliquer dans une chute. Par le simple bruit de talons hauts qui avancent le plus délicatement qui soit sur des pavés. Une ombre qui marche le plus tranquillement du monde dans un portique. Un individu quelconque, une personne qui n'est qu'un riverain lambda dans un contre-jour dans le regard de tout le monde.
À l'intérieur de l'hémicycle, on peut entendre les mots attendus par tant de gens. " Merci. La parole est à la députée Alix Tran pour le regroupement national.
10 h 33 Il y a quelques instants la séance a été ouverte. Désormais, il est temps pour Alix l'héroïne, de passer derrière le micro et de défendre à la tribune sa propre vision de la noblesse. Elle était prête, elle y croyait de tout son esprit et de toute son âme.
Noémie Le Guen trône sur son siège, siège sur son trône, comme à son habitude. Quel que soit le siège, où que soit ce siège. S'amusant des divergences et escarmouches verbales de cette grande cour de récréation. De tous ces enfants qui, pour la plupart, aussi moralement concernés soient-ils par des sujets sérieux n'en connaissent pas les conséquences sur leur quotidien. Attendant avec curiosité les mots de sa première fan...
José Ventôse l'oiseau, quant à lui, se tenait maintenant droit devant cette silhouette inconnue qui s'était avancée durant ce temps, engagé dans sa propre conversation.
" C'est dur. Disait José.
- C'est pour la bonne cause. Répondait la voix féminine.
- C'est quand même dur.
- Je sais. Moi aussi, le nid me manque.
- Ce sourire restera toujours aussi charmant.
- Comme la clé que je viens récupérer restera toujours aussi secrète.
- J'en suis tout aussi sûr, oui. Rétorquait José, en souriant à son tour.
- Elle va parler dans une minute. Elle a donc uniquement les informations concernant Le Guen. Les dossiers transmis par notre cher F.Leblanc.
- Et voici la liste des informations venus de l'espionnage. De toutes ces lettres et de nos infiltrés des mairies, aux commissariats les plus simples des villages les plus paumés, jusqu'aux petites mains du palais de l'Élysée.
- C'est bien la vraie ? Avec la protection ? Celle que je t'ai donnée avant que tu n'aies à quitter notre maison, que tu as remplie d'informations comme convenu. Chaque octet comble mon cœur de joie.
- Ton humour me manque aussi. C'est bien cette clé. Je t'ai promis de ne te donner que du vrai. Ne l'ai-je pas fais ?
- Pour les amis Ernesto et Maximo.
- Pour tous ceux comme eux, tous ceux comme nous.
- Bisou monsieur Ventôse.
- Bisou madame Ventôse. "
Annotations
Versions