5 février - Unité de temps
5 février – Unité de temps
« Je n’ai pas le temps »
Nous avons tous cependant le même nombre d’heures dans une journée. Il est toutefois intéressant de voir ce que nous en faisons.
Ce temps s’égrène et se désagrège au fil de nos activités. Une journée peut se consumer en une ronde sans fin d’une tâche à une autre, et cependant laisser un goût amère au moment de se coucher :
« Je n’ai pas fait tout ce que j’avais prévu, demain, il faudra que je fasse ceci en priorité, je n’ai pas arrêté, je suis fatigué, vivement le week-end, vivement les vacances, vivement la retraite… »
Et ces pensées font une ronde toute la nuit dans nos rêves, transformant nos vies en cauchemars perpétuels, avant qu’une nouvelle journée commence, aussi épuisante que la précédente :
« Vivement ce soir ! »
C’est une vaste blague.
Mais si on cherche le bouton d’arrêt de la machine, alors un grand silence se fait. Tous les engrenages cessent leur danse infernale et une immobilité hypnotisante nous donne le vertige ; pourquoi courir ?
J’aime penser à ma mort. Il n’y a rien de morbide. Cela me permet de voir les choses sous un autre angle. Quelque soit mon emploi du temps chargé, mes objectifs ambitieux, mes plans de carrière et mes rêves de foyer idéal, la mort peut pointer le bout de sa faux à tout moment, sans crier gare. Une rupture d’anévrisme, et zou !
Je m’amuse à imaginer cet instant, où je m’effondre et tout mon univers avec moi. Les trois jours suivants seraient animés de cette mascarade sociale où chacun vient vérifier que je suis bien morte. Puis vient l’inhumation, et voilà, tout ce ménage que je m’évertuais à accomplir avec diligence est complètement à refaire, même les meubles ont été bougés de place, mes papiers ont été fouillés pour connaître mes dispositions testamentaires, ma garde-robe a été retournée pour choisir la tenue dans laquelle on m’enverrait ad patres.
Quant à mes projets de tous bords, qui me semblaient si importants, si précieux, si chargés de sens du temps où je croyais que j’avais une mission à accomplir, qu’en est-il ?
Il en restera certainement quelques cartons que mes descendants disperseront, car que fait-on des rêves de nos ancêtres, si ce n’est leur rendre leur liberté ?
J’imagine la suite de tout cela pour relativiser mon quotidien. Cela m’évite de perdre mon âme dans un projet qui me prend aux tripes. Ce que je fais tous les jours change ma vie en profondeur, et pour cette raison je varie mes activités. J’ai une unité de temps qui m’aide à faire tout ce qu’il me plaît sans que ma journée s’effrite en multi-tâches. Je ne fais qu’une chose à la fois, bien concentrée sur le moment que je vis, et je m’accorde trente minutes pour chacune de mes activités. Quoique je fasse, je sais que j’ai « toujours le temps » de faire ce que j’aime, car une demi-heure, c’est facile à placer dans une journée ; ainsi chaque jour, malgré mes deux métiers, ma maison à gérer et ma famille à aimer, j’ai toujours des niches personnelles de trente minutes pour lire, écrire, peindre quelque chose, cuisiner ou flâner.
Je suis disponible pour tout le bien qui peut m’arriver.
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