Prologue
Matthew
- On a un homme inconscient au rez-de-chaussée. Jéjé et Théo sont déjà au deuxième. Il y a des cris d’enfants à l’étage, on monte ! Léa, Sophia, vous gérez ?
Je monte les marches, suivi de près par Paul. Il fait une chaleur à crever au premier étage et la fumée est déjà épaisse. Je n’aime pas faire entrer les filles quand le lieu n’est pas sécurisé. Même si elles sont médecins urgentistes et formées aux interventions en cas d’incendie, je ne suis jamais rassuré. Je préfère leur amener les blessés à l’extérieur.
- Ok on est prêtes, on entre ! dit Léa à la radio.
- Prenez à droite en entrant. L’homme est au sol sous l’escalier. Faites gaffe, ça chauffe !
Je continue mon chemin, pièce par pièce. Les cris des enfants se rapprochent. Il faut faire vite, la fumée s’épaissit encore. Mon matériel pèse une tonne sur mon dos mais je me concentre sur les pleurs que j’entends.
- C’est bon on l’a ! Coup à la tête ayant sans doute engendré la perte de connaissance. Les gars, vu son gabarit on va avoir du mal à le soulever seules.
J’entre dans une chambre d’enfant et y découvre deux petits garçons d’environ dix ans recroquevillés dans un coin. Je fais signe à Paul de me suivre et nous les récupérons.
- Ça va aller, on vous sort de là, dis-je en prenant le plus petit dans mes bras. Léa, on a les enfants, préparez votre homme, je vous rejoins dès qu’on les a sortis.
- On t’attend. Fais vite Matt, vu la fumée ici, il doit y avoir un départ de feu au sous-sol aussi.
Je rebrousse chemin et parcours le couloir en sens inverse, la tête du gamin enfouie contre moi. Il n’y a pas de feu dans le couloir mais la fumée rend la visibilité compliquée. S’il y a eu un départ de feu au sous-sol, rien au rez-de-chaussée alors que les étages du dessus sont pris par les flammes, c’est sans doute un incendie volontaire. Bordel !
Je suis Paul dans les escaliers et dépose le gosse dans les bras de Jones, notre chef de caserne, à l’entrée pour pouvoir aller aider les filles. Lorsque j’entre à nouveau dans le bâtiment, tout se passe très vite. Il y a une explosion au premier étage, j’aperçois Sophia qui se redresse et recule alors que Léana se jette sur le patient inconscient pour le protéger.
- LEA !!!! hurlé-je alors que l’escalier s’effondre sur elle.
Léana
J’émerge difficilement au son d’un bip régulier. J’ouvre un œil, puis le second. Ma tête me lance, j’ai l’impression d’avoir un marteau-piqueur dans le crâne. Mon dos me fait souffrir également, tout comme mon bras gauche. En fait, j’ai vraiment mal partout.
- Léa ?
J’observe la pièce. Quatre hommes et une femme s’y trouvent. Je les reconnais quasiment tous, je bosse avec eux. L’inquiétude sur leur visage me touche et je me redresse difficilement. Matthew a sa main sur la mienne, Paul et Théo sont au pied de mon lit et Sophia a les yeux rougis, assise sur le bras du fauteuil où est installé Matthew.
Matt se lève et m’embrasse sur le front.
- Tu vas bien ? Comment tu te sens ?
- Je… j’ai mal partout. Qu’est-ce qui s’est passé ? Et… On se connaît ? dis-je en regardant le quatrième homme, posté à côté de Paul et Théo.
Je vois le visage de mes collègues se décomposer. Ils se regardent tous puis reportent leur attention sur moi.
- Léana, depuis combien de temps bossons-nous ensemble ? dit doucement Sophia.
- Quoi ? Pourquoi cette question stupide Sosso ?
- Léa, réponds à la question, me dit Mattew.
- Mais enfin, ça fait à peu près quatre mois pourquoi ?!
Nouveau silence dans la pièce. Je ne comprends plus rien. Qu’est-ce qui leur prend ? J’ai la tête qui va exploser, le marteau-piqueur a augmenté la cadence. Je porte ma main à mon crâne et grimace en sentant une bosse sous un bandage.
- Léana, ça va faire trois ans qu’on travaille ensemble, dit doucement Sophia.
Je rigole en la regardant mais le regrette aussitôt car une douleur aiguë me traverse la tête. Et puis mon rire meurt quand je vois la tête de ma collègue. Elle a l’air tout à fait sérieuse.
- Allez, arrêtez de blaguer sérieux, je ne suis pas vraiment d’humeur là !
- Léa, je te promets que je ne déconne pas.
Ma tête se met à tourner et ce n’est pas dû à la douleur cette fois. Bon sang, qu’est-ce que ça veut dire ? Est-ce que j’ai vraiment oublié trois ans de ma vie ?!
- Je vais chercher un médecin, dit Sophia en se levant avant de quitter la pièce.
- Matt, je ne comprends rien, qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi est-ce que je suis à l’hôpital d’abord ?
Mais Matthew ne répond pas. Il a les yeux dans le vide et semble tout aussi perdu que moi. Merci du soutien l’ami, j’ai un peu besoin d’être rassurée là ! Il sursaute lorsque je pose ma main sur la sienne.
- Léa… Tu ne te souviens vraiment pas des derniers mois ?
- Je… je ne sais pas. De quoi devrais-je me souvenir ?
- Mais… De pleins de choses ! Des soirées jeux de société à la coloc par exemple ! Des brunchs après nos gardes ! De… merde !
Il se lève et fait les cent pas dans la chambre devenue soudain trop petite pour son grand corps. Et moi je ne comprends vraiment rien et je commence à paniquer. J’observe le brun d’un mètre quatre-vingt aux larges épaules et au corps sculpté par l’entraînement déambuler dans la pièce, une main dans la poche arrière de son jean, l’autre frottant sa nuque.
Lorsque le médecin arrive, il fait sortir tout le monde et je croise le regard de Matthew. J’y lis l’incompréhension et ce qui me semble être de la tristesse. Moi je suis totalement perdue.
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