49. La trêve des basketteurs
Liam
Alors, là, j’hallucine. Elle me sort ça, comme si de rien n’était. Madame n’a pas couché avec Ryan ? On a fait tout ce tintouin pour rien ? C’est un peu la réponse du berger à la bergère !
— Tu veux dire qu’on a tous les deux joué au même jeu idiot ? Que tu m’as laissé m’énerver pour rien du tout ? Mais tu es complètement folle, ma petite !
Elle se recule légèrement car il est vrai que je me suis un peu agité en prononçant ces quelques mots et je me calme.
— Il semblerait qu’on soit aussi mature l’un que l’autre, oui… Et qu’on se rend stupide l’un l’autre, au passage.
J’éclate de rire en réalisant qu’elle n’a pas tout à fait tort et après un instant, elle se joint à moi.
— Eh bien, nous ne sommes pas sauvés si on partage déjà des traits communs entre frère et sœur, dis-je, amusé. Mais franchement, ça me fait plaisir que tu n’aies pas couché avec l’autre pervers de Ryan. Ce type peut être sympa et il joue bien au basket, mais sur le plan sexuel, c’est un vrai fou.
Je me mets à dribbler en regardant Sarah, me demandant ce qui l’a retenue d’aller jusqu’au bout avec mon coéquipier.
— Ouais, je ne sais pas… Disons que je ne le sentais pas. Puis franchement, y a mieux qu’une pizzéria pour un rencard, mieux qu’une pizza bourrée de fromages et d’oignons pour envisager une nuit. Je n’en avais pas envie, tout simplement. Et encore moins quand il s’est montré insistant.
— Ah oui ? Et tu as réussi à le repousser ? Je suis content de n’avoir jamais mangé de fromage et d'oignons avant une de nos petites folies, vu l’effet que ça te fait.
— J’ai fait comme j’ai pu, marmonne-t-elle en profitant de mon inattention pour récupérer le ballon et aller mettre un panier. Mais j’ai pas très envie de le recroiser en tête à tête, ça, c’est clair.
— Si tu as besoin, je vais le calmer, dis-je avec autorité.
Je vais chercher le ballon qui a roulé sur le côté du garage et reviens vers Sarah qui me regarde faire et se met en position de défense.
— Tu es aussi joueuse que moi, on dirait. On se fait une partie ?
— Si tu veux. On dirait qu’il n’y a que quand on joue au basket ou quand… Enfin… Bref, que dans ces moments-là qu’on ne s’engueule pas.
— Peut-être qu’on pourrait aussi reprendre cette partie-là, tu sais. Moi, je suis joueur, et j’aime les parties à enjeux ou à risques.
Je m’élance et, sans aucune difficulté, parviens à la contourner et saute pour mettre le panier avant de m’y accrocher et de retomber à ses côtés.
— Reprendre ? De quelle partie tu parles au juste ? me demande Sarah en récupérant le ballon. Tu n’es quand même pas sérieux ?
Je me mets en opposition devant elle, les bras écartés. Au vu de mon envergure, je bloque une grosse partie du chemin et je la vois hésiter, pensive. Je pense qu’elle est autant dans l’interrogation quant au moyen d’aller marquer un panier ou de répondre à ma question.
— Je dis juste que nos parents ne sont pas mariés. Ils ne font que vivre ensemble, on est comme dans une grande colocation. Techniquement, rien ne nous empêche de profiter encore de la vie ensemble, non ? Je pense que cela nous rendrait tous les deux heureux. Et là, je t’assure que moi, côté frustration, j’ai ce qu’il faut !
— De profiter ensemble ? Et… Tu n’as pas déjà assez profité ? Tu n’es pas encore lassé ? Ça ne te questionne pas une seconde, toi ?
— Pourquoi ça devrait me questionner ? Je sais que j’ai encore envie de toi, Sweetie. Le reste, je ne réfléchis pas jusque-là, moi. Mais là, la balle est dans ton camp. Dans tes mains, même. La question, c’est que vas-tu en faire ?
— Peut-être que tu devrais regarder plus loin que le bout de ton nez, Liam. Ouvre les yeux, non ? Ou peut-être que l’interdit t’excite, au final ? Toujours est-il que c’est hors de question. T’imagines un peu le truc ? soupire-t-elle en me lançant la balle, que je peine à rattraper, au niveau du bas ventre.
— Eh ! Tu fais quoi, là ? C’est pas comme ça qu’on marque les paniers ! Essaie encore ! affirmé-je en lui rendant le ballon et en m’approchant d’elle. Ose me dire que tu n’es pas tentée, que tu n’éprouves pas encore un peu au fond de toi cette envie de recommencer, d’oublier les interdits et les oukases. On est jeunes, on doit profiter, non ? Si on attend trop, demain, il sera trop tard.
— L’envie, c’est une chose. Il faut savoir être raisonnable aussi. Tout le monde nous considère comme des frères et sœurs, Liam. Qu’on en ait envie ou pas, ça rend la chose… Interdite, dit-elle avant de me tourner le dos et de tenter de me faire reculer pour s’approcher du panier.
— Ah, c’est facile de tourner le dos face aux choix à faire. Mais en faisant ça, tu diminues tes chances, Sweetie.
Je profite de ma position pour passer mon grand bras sous le sien et lui chiper le ballon. Je me retourne et le balance presque sans regarder vers le panier dans lequel il rentre sans même toucher les bords.
— Tu vois, quand on prend des risques, on peut avoir de belles réussites, ajouté-je en la voyant se retourner agilement et se précipiter pour récupérer la balle et la mettre à son tour dans le panier.
— Mais à quel prix, Liam ?
— Pour toi, je te fais une réduction spéciale famille, m’amusé-je à répondre. Pour ma grande sœur, je lui dois bien ça, non ?
Sarah me frappe dans le torse mais sourit quand même.
— Arrête, c’est pas drôle, Liam. T’imagines un peu le malaise si les parents le découvrent ? Ou Jude ? Comment tu veux lui expliquer ça ?
— A son âge, on accepte tout, Sweetie. Tu sais qu’elle croit aux princesses et aux grenouilles qui se transforment en princes ? Pourquoi est-ce que ça lui poserait problème qu’on se fasse plaisir à deux ? Et puis, franchement, personne n’a su au début, je n’ai pas non plus envie de le crier sur tous les toits. Enfin, on fait comme tu veux, conclus-je, un peu amer.
Je suis surpris de sa résistance, je n’ai pas l’habitude que l’on me dise non et que, même quand je cherche à convaincre, cela ne fonctionne pas. Tout ça pour une signature sur un papier qui n’a pas encore eu lieu. Je balance le ballon loin de moi et me dirige vers le jardin où je m’installe sur une chaise longue. J’espérais avoir un peu de temps pour réfléchir à tout ça, mais Sarah me suit et s’installe sur la chaise à côté de la mienne, sans toutefois s’étendre comme je l’ai fait. Elle me dévisage avant de reprendre la parole car, de mon côté, je n’ai pas l’intention de m’exprimer.
— Ça lui donnerait juste une image biaisée des relations fraternelles, enfin ! Et puis, tu parles d’un truc toi, on s’appelle famille, frères et soeurs et une fois tout le monde au lit on se rejoint pour baiser ? Très épanouissant, marmonne-t-elle.
— Tu sais, si j’ai continué avec toi et que j’ai maintenu notre deal malgré les avances de Becca, c’est que je pensais qu’avec toi, cela pouvait être différent des autres, me confié-je sans oser la regarder. Mais je comprends que tout ça est voué à l’échec.
— Et en quoi est-ce que cela pourrait être différent, Liam ? m’interrompt-elle doucement.
— Je ne sais pas, moi, on n’a pas eu l’occasion de voir. Et on ne le verra pas, vu comment tu te positionnes. C’est dommage, je trouve. En tous cas, j’avais envie de te revoir, toi. Et j’en ai encore envie. Je… Enfin, pas simplement de te revoir car on vit ensemble, mais tu vois, quoi ? Nous… Bref…
Je m’empêtre dans mes paroles et je ne me reconnais pas. Moi, le capitaine de l’équipe, le gars qui sait toujours quoi dire devant les femmes, voilà que je perds tous mes moyens et que je bafouille à nouveau en sa présence. Cette femme a la capacité incroyable de me faire oublier jusqu’à mon nom. Finalement, ce n’est peut-être pas plus mal qu’elle veuille garder de la distance entre nous.
— On ne pourra pas le voir, dans tous les cas, Liam, puisque nos parents vont se marier. Je ne comprends pas bien ce que tu veux, du coup. Bien sûr que j’aimerais bien… Enfin… Je ne dirais pas non à un nouveau deal, dirons-nous, mais… C’est quoi, on baise jusqu’au jour du mariage ? Je ne suis pas sûre d’être capable de ça.
— Je comprends, Sweetie. Je persiste à trouver ça dommage, mais on ne va pas refaire le monde. Et je ne vais pas souhaiter que nos parents se séparent, non plus. Ils sont heureux tous les deux, ça se voit, et le mariage va arriver vite en plus. Bref, oublions tout ça. On peut quand même arrêter de toujours se chamailler, non ? Deal ?
— Deal, oui, je crois que ça vaut mieux pour tout le monde. Juste… Arrête de m’énerver, et tout ira bien, sourit-elle en tendant sa main, paume vers le ciel.
Je tape dans sa main sans vraiment savoir ce que j’accepte. D’arrêter de l’énerver ? Sûrement. Pour le reste, est-ce que je vais vraiment abandonner tout espoir de la retrouver dans mes bras ? Je ne sais pas si cela sera possible, mais cette discussion a au moins eu le mérite de me remettre dans mon état habituel. Je reste confiant dans l’avenir et me laisse porter par les événements, sans trop penser au lendemain. Vivre au jour le jour, c’est quand même le meilleur moyen d’être heureux, non ?
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