59. Maillot et dentelle
Liam
L’avion décolle doucement et j’observe le paysage par le hublot. J’aperçois l’océan qui prend de plus en plus de place dans ce que je peux voir alors que l’appareil fait un grand demi-tour pour se diriger vers le nord et Chicago. Personne ne s’est assis à côté de moi, il faut dire que je suis d’une humeur exécrable. On s’est pris une véritable dérouillée et aucun de mes coéquipiers n’a l’air de trouver ça grave, ce qui m’a encore plus énervé. Et pourtant, perdre de plus de dix points contre nos rivaux de Floride, moi, ça me fait mal. En plus, on n’a mis aucune pression, il n’y a eu aucune révolte, j’ai eu l’impression d’être le seul qui voulait gagner. Et contre cinq adversaires, ce n’était pas suffisant. Bref, j’ai poussé un vrai coup de gueule dans le vestiaire à la fin du match avant d’aller m’excuser auprès des quelques supporters qui nous ont accompagnés. Et là, j’ai la rage, j’aurais tellement aimé réussir la saison parfaite, que des victoires, et voilà que cet objectif est déjà mort. Il ne faudrait pas que cette première défaite de la saison en annonce d’autres, si on veut remporter le titre…
Quand nous atterrissons quelques heures plus tard, le coach vient me voir avant que je ne parte et ne sorte de l’aéroport.
— Désolé, Coach, j’ai pas réussi à les motiver pour gagner, lui lancé-je alors qu’il s’approche de moi.
— Arrête de t’en vouloir pour toute l’équipe, chacun porte sa responsabilité. Tu n’es pas le seul fautif, vous êtes un groupe.
— Un groupe a besoin d’un leader et là, j’ai merdé, Coach. Tu sais, je comprendrais si tu me retirais le brassard… Ce serait mérité.
— Ce n’est pas au programme. Arrête de te faire du souci, Liam, ça arrive de perdre, sourit-il en me donnant une tape dans le dos. Vous allez morfler au prochain entraînement et ça ira.
— Compte sur moi pour relayer tes demandes, il faut qu’on souffre un peu. On se croyait tout beaux, on n’est pas les meilleurs, il y en a qui l’ont oublié. J’espère que ça ne remettra pas en cause mes possibilités d’être retenu par une équipe de la NBA, c’est tout, avoué-je alors que l’air froid de la nuit de Chicago nous surprend après la douceur de la Floride.
— Les recruteurs ne se contentent pas d’un match et d’un seul pour trouver leurs futurs joueurs, Liam. Et puis, crois-moi, s’ils devaient changer d’avis, ce ne serait pas à ton sujet. Tu as tout donné, gamin. Et tu es plus en forme, c’est bien.
Je souris et le salue, même si je ne suis pas convaincu. Il a beau dire que j’ai tout donné, ce n’était pas suffisant et j’ai vraiment peur que l’on soit désormais entraîné dans une spirale de la défaite, comme on l’était pour les victoires qu’on a enchaînées. Je m’enfonce dans un taxi qui me ramène chez moi et me plonge dans mes pensées qui me ramènent toutes à ce match raté. Et pourtant, on menait à la fin du premier quart temps. Qu’est-ce que j’ai pu rater pour que ça dérape comme ça par la suite ?
Je paie le taxi et le chauffeur empoche l’argent sans un mot avant de refermer son carreau, et je l’observe partir, seul, dans la nuit. Je me demande si un jour, c’est ce genre de travail que je ferai ou bien si je réussirai à faire carrière dans le basket. Au niveau où je suis, tout est possible encore, le meilleur comme le pire. Quand j’entre dans la cuisine, j’ai la surprise de constater que mon père n’est pas couché. Il m’attend au salon en regardant la télévision et me fait signe de m’installer à côté de lui, sur le canapé.
— Ça va, Fils ? J’ai vu le résultat du match sur le site de l’université...
Je dépose mes affaires et vais me chercher un morceau de chocolat. D’habitude, je ne fais pas ce type d’écart, mais là, j’ai bien mérité un peu de réconfort. Je m’affale sur le canapé à côté de lui.
— Une horreur, ce match. Tu imagines ? Se prendre une telle raclée ? J’ai honte, Daddy.
— On ne peut pas gagner à tous les coups. Si c’était le cas, plus personne ne jouerait, il faut du challenge. Et puis, si on n’échoue jamais, on ne peut pas savoir la force qu’on a pour se relever.
— Je sais, soupiré-je, mais un de nos objectifs de la saison vient de s’envoler et je t’avoue que ça m’énerve. C’est gentil, en tous cas, d’être resté pour m’attendre. Tu dois être crevé, non ?
— Ça va, je ne suis pas si vieux que ça. Et toi, pas trop crevé ? Enfin, tu es plus sage que lorsqu’on vivait à la maison, rit mon père. D’ailleurs, je te remercie de ne pas ramener de filles à outrance ici. Je ne crois pas que ça plairait beaucoup à Vic…
— C’est normal, Daddy. Je veux que tout se passe bien entre vous deux. Au moins, vous pouvez en profiter, même si je trouve que vous ne perdez pas de temps. Vic est déjà au lit ?
— Oui, elle était crevée. Je suis fou d’elle, tu sais ? C’est une évidence, pour moi, même si ce n’est pas facile de passer après son mari...
— Tu dois être largement à la hauteur, Daddy. C’est évident, sinon, on ne serait pas là tous les deux, dans ce canapé qui doit valoir plus cher que toutes nos affaires dans l’ancienne maison, affirmé-je.
— Sans doute, oui. Toi aussi, tu hésites encore à t’asseoir dans ce canapé ? rit-il. Et je ne te parle même pas du plan de cuisine en marbre, j’ai peur de l’abîmer chaque fois que je pose un truc dessus.
— C’est clair. Et le siège des toilettes, des fois, j’ose à peine poser mes fesses dessus de peur d’abîmer les petits dessins de chats qu’il y a dessus ! me moqué-je.
— Et pendant qu’on flippe de tout péter, ta sœur vit sa meilleure vie, avec toute l’insouciance de son âge.
— Oui, c’est clair, c’est super pour elle. Bon, ça me fait du bien de parler de tout ça avec toi, ça me redonne un peu le sourire, mais moi, je suis vieux, sûrement, je suis crevé et je vais aller me coucher. Bonne nuit, Daddy !
— Bonne nuit, Fils. Je vais faire de même, maintenant que je t’ai vu. C’est pas le tout, mais vu la nana qui m’attend au lit, c’était un sacré effort de rester là, plaisante-t-il en me faisant un clin d'œil.
Ah la la, heureusement que leur chambre est au rez-de-chaussée, loin de la mienne, sinon, je suis sûr que j’aurais été dérangé par des nuisances nocturnes encore plus frustrantes du fait que moi, je suis à la diète depuis notre arrivée ici. Peut-être que je devrais tirer un trait sur Sarah et me lancer vers d’autres aventures ? Ou alors, me faire moine. Je crois que je pourrais facilement devenir le premier moine basketteur de la NBA…
J’en suis là de mes réflexions quand j’entre dans ma chambre et dépose mes affaires sur mon petit bureau. Lorsque je me retourne vers mon lit, je suis surpris de découvrir que la place est occupée. Et pas par une personne, mais deux ! Mais que font-elles là ? Pourquoi ont-elles décidé d’occuper mon lit ? Je les observe et suis attendri par le spectacle qu’elles m’offrent.
Jude porte son pyjama licorne, avec des arcs-en-ciel qui parsèment son corps. Elle est couchée sur le dos, les bras croisés sur le ventre. Elle doit être en train de rêver car ses petites jambes bougent légèrement dans son sommeil. A ses côtés, un bras autour de l’épaule de ma sœur, Sarah est allongée. Elle est vêtue d’un de mes maillots de basket trop grand pour elle et d’une petite culotte en dentelle dont le raffinement jure un peu avec le haut sportif. Ses longues jambes sont magnifiques, tout comme le reste d’ailleurs. Je me demande ce que je dois faire : les réveiller ? Aller dormir dans le lit de Sarah vu que le mien est occupé ? Je me décide sur un entre deux et me déshabille sans faire de bruit. Je fais un rapide passage par la salle de bain et enfile mon short de pyjama avant d’aller me coucher derrière les deux filles, sur le petit espace accessible du lit. Mais je ne dois pas être assez discret car immédiatement, Sarah se réveille et s’étire.
— Oh, désolé de te réveiller, mais je crois que c’est mon lit, chuchoté-je dans son oreille.
— Vraiment ? murmure-t-elle. Je crois qu’avec Jude, on va se battre pour ton matelas, en fait. Il rebondit bien pour faire du trampoline, ta sœur a adoré.
— Tu veux essayer de le faire rebondir avec une autre activité ?
Je sais que je la provoque alors qu’on ne peut rien faire car Jude est juste à côté, mais cela m’amuse… Et m’excite. Je passe une main sous le maillot qu’elle porte et caresse doucement son sein sans qu’elle ne me repousse.
— Bien sûr, allez, je t’attends, me provoque-t-elle. Par contre, vas-y mollo, pas sûre que ta sœur apprécie le tour de manège.
— Tu sais que tu me fais très envie ? On va dans ta chambre ? demandé-je en la sentant s’amuser à frotter ses fesses contre mon érection.
— Non, j’ai commencé la soirée avec Judith, hors de question que je l’abandonne maintenant, désolée, beau basketteur, mais je crois que je préfère la compagnie de ta sœur. Ses câlins sont beaucoup moins tendancieux. Alors, ce match ?
— Une vraie catastrophe, j’ai besoin de réconfort, tu vois. On s’est fait laminer et j’ai vraiment honte du match qu’on a produit.
— Ah, mince… Vu votre début de saison, ce n’est pas bien grave. Je suis sûre que vous allez vite rebondir. Et, niveau réconfort, tu as la dose quand même, non ? Tes deux frangines dans ton lit…
Ça, ça a le don de casser l’ambiance et de me donner un coup de froid. Parce que même si je n’ai pas oublié la présence de Judith, c’est clair que ce n’est pas ma “frangine” avec laquelle j’échangeais jusque là. Je m’éloigne de Sarah et la dégage un peu afin de ne plus être en contact avec elle.
— J’espère qu’on va rebondir et prendre un nouveau départ, en effet, affirmé-je sans préciser si je parle de l’équipe ou de ma relation avec elle.
— Au fait, tu as trouvé ton costume pour Halloween ? me demande-t-elle en se tournant doucement avant de se coller contre moi.
— J’hésite entre Mickael Jordan et Shaquille O’Neal. J’ai déjà les maillots, tu penses que ça suffit ou je dois me montrer plus original ?
Je ne peux m’empêcher de reposer ma main sur son bras nu et de la caresser un peu alors que tout ce que je veux, c’est maintenir la distance pour ne pas continuer à me laisser tenter par sa douce sensualité.
— C’est pas très Halloween, ça, quand même, pouffe-t-elle en passant son bras autour de moi.
— Dis-moi ce que tu seras et je verrai pour m’accorder avec toi, si tu veux, Sweetie.
Je cède à sa proximité, je ne peux plus résister et me penche pour l’embrasser. Elle répond à ce baiser langoureusement avant de me repousser doucement. Elle se retourne et reprend la position qu’elle avait à mon arrivée, un bras autour de Jude. Je me glisse dans son dos et me colle contre elle. Épuisé par ma journée, je ne tarde pas à m’endormir en espérant retrouver Sarah dans mes rêves comme quand notre histoire a commencé : nue, aimante et accessible sans devoir briser aucun tabou.
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