77. Un petit ami peut en cacher un autre

10 minutes de lecture

Liam

— Liam, tu n’oublies pas de mettre une chaise pour le petit ami de ta sœur, hein ? me lance Vic, occupée derrière ses fourneaux.

Je grimace et lui tire la langue dans son dos parce que tout dans cette phrase me hérisse les poils. Si Sarah a un petit ami, ça ne peut être que moi et ce n’est pas ma sœur. Je jouis trop avec elle pour que notre relation puisse être fraternelle. Bref, Vic n’y est pour rien dans l’histoire et je m’exécute en rajoutant une chaise à table pour Evan, le gars qui laisse traîner les capotes dans la poubelle de la chambre de Sarah.

Je croise ma “sœur” après être allé chercher la vaisselle de fête, celle qui vient de la grand-mère de Vic et qui est fragile. Comme si c’était une bonne idée que moi, le basketteur, je m’occupe de ça. En tous cas, Sarah est toujours dans le même état d’esprit, un peu gênée, mais elle assume le choix qu’elle a fait. Je me souviens de l’échange un peu virulent que nous avons eu quand elle est rentrée de chez Evan. Elle est venue me voir dans ma chambre et a fermé la porte. Alors que je me préparais déjà à lui sauter dessus, elle m’a gentiment repoussé et m’a dit qu’on devait parler.

— J’ai trouvé une solution pour que ma mère nous lâche la grappe, a-t-elle commencé, peu sûre d’elle. Enfin, qu’elle ne se rende surtout pas compte que personne n’entre en douce à la maison parce que le mec aux capotes vit ici… Je doute que tu apprécies, mais il faut qu’on fasse quelque chose, non ?

— Et tu veux faire quoi, ai-je répondu, mon instinct me disant déjà de me calmer afin de ne pas exploser.

— Je sens que c’est compliqué pour ma mère que je ne me livre pas à elle comme avant, alors… Je me suis trouvé un faux petit ami, en fait… Qui a accepté de venir dîner à la maison pour Thanksgiving.

— Un faux petit ami ? ai-je demandé en essayant de maîtriser ma voix. Et tu as demandé à qui, si ce n’est pas un secret pour celui qui est plus vrai que le faux ?

— Tu ne veux pas garder la surprise pour le jour J ? a-t-elle ri avant de grimacer en voyant ma tête. J’ai demandé à Evan, en fait.

A ce moment-là, Vic est arrivée et nous n’avons pas pu continuer notre petit échange, mais j’avoue que j’étais vraiment en colère qu’elle n’ait pas jugé bon de me parler de son idée avant de la mettre à exécution. Je suis toujours en colère, d’ailleurs, et elle le sent car elle essaie de croiser mon regard à plusieurs reprises pendant que nous mettons la table, mais je reste froid. Si elle veut de la chaleur, elle n’a qu’à aller voir son petit ami, vu que moi, je ne pourrai jamais l’être.

— Sarah, tu peux surveiller la dinde dans le four, s’il te plaît, lui crie sa mère. Je vais aller me changer et me faire belle pour le repas. Il faut que je fasse bonne impression à ton amoureux mystérieux, rit-elle après avoir déposé un bisou sur la joue de sa fille et de filer dans sa chambre.

— Au moins, tu as réussi à recréer une relation de confiance avec ta mère. Basée sur la vérité vraie, persiflé-je malgré moi.

— Tu préfères que je te présente à ma mère comme mon petit ami ? On va bien rigoler, tiens, quand elle va te hurler dessus parce que tu sautes sa fille et, summum de l’horreur, ta propre sœur, soupire-t-elle. Tu sais bien qu’il ne se passe rien avec Evan, arrête de bouder, je t’en prie, Liam…

— Il a toujours été proche de toi, Sarah. Tu ne crois pas qu’il va se faire des idées suite à ta demande ? Et vous allez vous bécoter devant nous, je suppose…

— Heu… Je n’ai pas pensé à ça, en fait, dit-elle avant de grimacer. Beurk, j’espère bien que non. Je suis bien élevée, on ne se bécote pas à table, voyons !

— J’espère bien, sinon ça va être difficile de me contenir. Je n’ai pas envie qu’un autre te touche Sweetie… Heureusement que c’est juste le temps d’une soirée…

— Embrasse-moi, Liam, m’ordonne-t-elle presque après avoir regardé que personne ne se trouvait dans le couloir. S’il te plaît… Je déteste quand tu fais la tête.

Je m’exécute et la passion que je sens dans l’étreinte de Sarah me réconforte et me rassure un peu. Mais ce petit plaisir trop peu car Daddy nous rejoint.

— Mmm. Ça sent bon, ici, ça fait longtemps qu’on n’a pas vraiment fêté Thanksgiving en famille. Nous allons pouvoir inventer nos nouvelles traditions familiales, c’est bien, n’est-ce-pas les jeunes ?

— Oui Daddy, c’est formidable. Mais je croyais que tu n’aimais pas la dinde ?

— Je suis sûr que celle de Vic est excellente, j’ai hâte de la goûter ! La Dinde, hein, pas ta mère, Sarah ! se marre-t-il tout seul après sa mauvaise blague.

— Tu aurais dû lui dire que tu n’aimais pas la dinde, elle aurait préparé autre chose pour toi, Jim. Tu connais Maman…

— T’inquiète pas pour moi, Sarah, je crois que ce que je n’aimais pas, c’étaient les épices que mettait la mère de Liam. Là, je sens que je vais adorer. Et puis, vu que ton petit copain vient avec nous, c’est de lui que tu dois t’occuper, pas de moi !

S’ils s’y mettent tous à parler de lui comme ça, ça va être compliqué pour moi et je prétexte d’aller chercher des boissons dans le frigo du garage pour m’éloigner un peu des autres. Quand je reviens, Judith est en grande discussion avec Sarah sur le canapé du salon. Tout le monde attend le petit ami, l’homme mystère qui a ravi le cœur de Sarah. Je me demande comment elle va leur expliquer qu’il s’agit d’un mec qu’ils connaissent depuis des années et qu’elle avait peur d’en parler, mais bon, c’est son idée, qu’elle l’assume !

Quand enfin la sonnette retentit, c’est un peu comme si c’était le signal du vrai début de la fête. Vic vérifie sa coiffure devant le miroir alors que Jim vient se positionner près d’elle, une main sur sa hanche, protecteur. Jude saute d’excitation et se précipite vers la porte d’entrée pour l’ouvrir, suivie par Sarah qui affiche un sourire de circonstance. Je ne bouge pas du canapé, observant la scène de la manière la plus détachée possible.

— Bonjour mon Amour ! lance Evan en entrant et en enlaçant Sarah avant de déposer un rapide et chaste bisou sur ses lèvres.

Ça commence bien… S’il continue comme ça, il ne va pas sortir vivant d’ici, c’est sûr. Il avait vraiment besoin de le faire, ce bisou ?

— Salut, Evan… Heu… Maman, tu le connais déjà, rit nerveusement Sarah. Jude, Jim, je vous présente Evan…

— Evan ? C’est toi ? Mais… commence Vic avant de se reprendre. Vas-y, entre, c’est une surprise, mais une bonne surprise ! Quelle idée de te cacher ainsi !

— Bonjour Madame Ashford. Vous savez, quand on est jeune, des fois, on fait des folies, sourit-il, son bras toujours posé sur les hanches de MON amante.

— Salut Evan. C’est cool que tu sois venu, mais c’est avec ta famille que tu aurais dû passer la soirée, non ? Enfin, tu es le bienvenu ici, hein, je suis juste surpris, dis-je sans lâcher sa main des yeux, en espérant qu’il ne va pas en profiter pour peloter Sarah.

— Oh, ne t’inquiète pas, on va fêter Thanksgiving en famille complète demain soir. Ils ont hâte de savoir qui est ma petite amie mystère, sourit-il, son regard indéchiffrable porté sur moi.

Je sens la colère monter mais parviens à la contenir.

— Ah Sarah, tu ne nous avais pas dit que tu ne serais pas là demain soir, attaqué-je. Mais bon, j’aurais dû m’en douter. Tu ne peux pas te passer de ton chéri plus qu’une journée, hein ?

— Oh, vous allez vous présenter demain à tes parents, Evan ! C’est magnifique ! s’extasie Vic qui doit déjà être en train d’imaginer le mariage, les petits-enfants et tout le reste.

— Oui, il semblerait que ses parents aient autant envie de lui forcer la main que toi avec moi, Maman, soupire Sarah. Bon, on boit ? Je sens que je vais avoir besoin d’un remontant, moi…

Elle s’écarte d’Evan et se dirige vers le meuble central de la cuisine où elle se sert une grande rasade de sangria. Elle réalise rapidement que ce n’est pas comme ça que l’on fait quand on a des invités et remplit les autres verres alors que Daddy sert du jus de fruit pour Jude. Sarah fait le service et, quand elle vient me donner mon verre, ses doigts frôlent les miens. Elle m’adresse un petit sourire gêné avant d’aller s’asseoir près d’Evan qui a l’air d’adorer son rôle de petit ami. Il passe son bras autour des épaules de la jolie femme avant qu’elle ne le repousse sans trop de ménagement.

— Et vous deux, ça fait combien de temps que ça dure, alors ? s’interroge Vic. Enfin, je veux dire que vous êtes en couple ?

— Deux mois, dit Evan alors que Sarah, en même temps indique que ça fait quatre mois.

Les deux se regardent, gênés, et j’avoue que ça me fait plaisir de voir qu’ils n’ont pas pris le temps de préparer leur petit sketch.

— Ahah, m’amusé-je à intervenir. Evan, ça fait que deux mois que tu tires vraiment ton coup ? Tu sais qu’une relation, ce n’est pas que le sexe hein ?

— C’est plutôt étonnant d’entendre ça de ta bouche, Liam, rit-il. Les rumeurs vont bon train sur le campus à ton sujet, et on ne peut pas dire qu’il y ait autre chose que du sexe dans tes relations, à toi.

— Ah les rumeurs… Elles disaient aussi que tu étais gay, tu vois. On ne peut vraiment pas leur faire confiance, il y a rarement une once de vrai dans ce qu’on croit voir !

— Arrêtez donc de parler de ça, s’indigne Vic, il y a une enfant parmi nous ! Et puis, c’est l’heure de passer à table. Evan, je t’ai installé à côté de Sarah, bien entendu. Il ne faudrait pas que vous soyez trop éloignés l’un de l’autre.

Je me retrouve, moi, entre Vic et Jude, loin de Sarah qu’Evan s’amuse à coller. Enfin, si je veux être honnête, il la colle sans vraiment la toucher, il est près sans vraiment avoir des gestes déplacés. Il joue plutôt bien le rôle du petit ami, mais pour moi qui sais que ce n’est qu’un rôle justement, je vois bien qu’il garde ses limites. J’avoue que même si je suis agacé de certains de ses gestes, je suis dans l’ensemble impressionné de sa maîtrise. Moi, à sa place, avec une “petite amie” comme Sarah, je serais déjà en train de l’emmener à l’étage pour profiter de son corps de rêve.

Vic et Daddy ont préparé tous les plats traditionnels en plus de la dinde : purée, patates douces, haricots verts, gâteau de maïs, gelée de canneberge et en dessert la célèbre tarte au potiron qu’on recouvre de crème chantilly.

— Oh, ma chérie, s’écrie Evan, je crois que tu as trop de chantilly !

Il vient alors piquer de la crème dans l’assiette de Sarah pour la porter à sa bouche, mais celle-ci réagit rapidement et instinctivement et se saisit de son doigt pour le lécher et récupérer son bien. Je trouve ça si sensuel que je sors de mes gonds alors que j’avais réussi à me retenir jusque là.

— Eh bien, un peu de tenue à table ! Vous ne voulez pas qu’on vous laisse la place pour faire vos bêtises ? ajouté-je alors que Sarah prend un air coupable et vraiment mal à l’aise.

— Oh ça va, Liam, me dit Vic, ne joue pas au prude. C’est bien de voir cette belle entente entre les deux, je trouve !

— En fait, je déteste qu’on pique dans mon assiette, et encore moins la chantilly, marmonne Sarah en me lançant un regard inquiet. Je… Désolée, vraiment.

— T’en fais pas, ma poulette, dit Evan, se prenant au passage des éclairs de la part de Sarah qui n’a pas l’air d’apprécier le petit nom, moi, j’ai adoré ! A refaire !

— Si tu le dis, soupire-t-elle, clairement moins à l’aise que son petit ami du soir.

Lorsque la soirée se termine et que je préfère jouer avec Jude plutôt que de les regarder tous les deux toujours côte à côte, Evan se lève pour nous quitter, à mon grand soulagement.

— Oh, mais Evan, tu sais que tu peux rester là pour la nuit et éviter de revenir en douce plus tard, hein ? lui indique Vic qui veut jouer à la maman libre d’esprit. Je suis sûre que Sarah ne dirait pas non à des câlins, ce soir, et sans avoir à se cacher !

— Vic, ne te mêle pas de leurs histoires, intervient Daddy devant l’air vraiment mal à l’aise de la jeune femme. Je suis sûr qu’il ne viendra plus en cachette, maintenant qu’ils se sont montrés à nous. Et je suis sûr aussi que s’il souhaite partir, c’est qu’ils se sont organisés comme ça. Alors, laissons les jeunes faire leur vie, d’accord ?

Oh Daddy ! Mon héros ! Je n’aurais pas supporté qu’Evan puisse accepter de passer la nuit avec Sarah et là, mon père vient de sauver la mise.

— Oui, oui, c’est ça, ce soir, je rentre chez moi. Merci de l’accueil, c’est beau de voir une si jolie famille ! Ma poulette, je te dis à demain, alors ?

— Oui, on fait ça. Je te raccompagne à ta voiture, lui répond Sarah en ouvrant déjà la porte d’entrée pour sortir.

— Bonne soirée les jeunes, ne passez pas trop de temps dehors à vous embrasser, il fait froid et vous risquez d’attraper la crève ! leur lance Vic alors que la porte se referme derrière eux.

Je me positionne à la fenêtre discrètement et suis content de voir que Sarah est en train d’enguirlander Evan. Elle n’a pas l’air commode avec lui, mais, en réfléchissant à la soirée, je me dis qu’elle a fait le bon choix dans son “faux” petit ami. Il a un peu profité de la situation, c’est clair, mais ça aurait pu être pire. Par contre, s’il ne revient pas passer des soirées avec elle, les parents vont se poser des questions. Qu’est-ce qu’on va bien pouvoir inventer encore ?

Annotations

Vous aimez lire XiscaLB ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0