Epilogue 1/2 : Le repos du champion
Sarah
J’observe Liam devant le panneau publicitaire, en pleine séance photo dans son costume bleu clair rayé. Il a un sourire avenant et plutôt naturel, même si, quand on le connaît, on voit bien qu’il n’est pas très à l’aise. Tu m’étonnes. Je ne le suis pas vraiment non plus, au milieu de tout ce monde, ronde comme une citrouille. Heureusement, Jim et Maman sont là, et Jude, avec sa joie juvénile, me détend un peu. Il faut dire que jamais je n’aurais pu imaginer que je finirais par assister au Draft de la NBA, que mon amoureux serait dans les dix premiers du top trente des joueurs pressentis pour les meilleures équipes selon les rumeurs. D’un autre côté, jamais je n’aurais imaginé me retrouver enceinte à ma remise de diplôme non plus. Il faut croire que Liam aura chamboulé ma vie de A à Z.
Je suis déjà bien contente d’avoir pu aller récupérer mon diplôme sans béquilles, et je le suis encore plus ce soir. Ça aurait fait plutôt tache avec ma jolie robe dans le même ton que le costume de Liam, les rayures en moins. Je suis déjà suffisamment énorme comme ça. Au moins, lors de la fête de fin d’année de l’université, j’ai pu danser un peu, même si les kilos en plus dûs au Têtard ne me permettent pas de récupérer comme je le voudrais de ma fracture. C’est encore douloureux, mais ça pourrait être pire.
Jude attrape ma main lorsque Liam nous fait signe de le rejoindre et je la suis bon gré mal gré. J’ai voulu tenter les talons, ce n’est pas une franche réussite, mais au moins, je n’ai pas l’impression d’être enlacée par un géant aux lèvres inaccessibles. Surtout avec le bidou entre nous.
Jim se poste à côté de son fils, le regard fier, et ma mère se colle à moi alors que je sens la main se Liam sur ma hanche me rapprocher de lui. Nous avons rapidement appris à vivre notre relation au grand jour. A l’université, ça n’a pas été si terrible que ça. Ses coéquipiers ont été plutôt compréhensifs, même si nous entendons parfois quelques remarques graveleuses. Evan se fait à l’idée, même si nous nous sommes éloignés, et Becca est ce qu’elle est, mais on ne touche pas au mec de la copine, alors elle est beaucoup moins entreprenante avec Liam et j’avoue que cela me fait du bien. Non pas que je me trouve moche, mais enceinte jusqu’au cou, forcément, ça n’aide pas à se sentir sexy. Alors les gros roploplos de ma meilleure amie sous les yeux de mon amoureux, c’est quelque chose dont je me passe sans problème.
Une fois aveuglés par les flashs, nous pouvons enfin entrer dans l’immense salle où se passe le Draft. C’est à la fois gigantesque et assez intimiste, sans doute grâce à la prééminence du noir, de la couleur des murs et plafonds jusqu’au sol, aux nappes sur les tables et aux chaises. Liam a visé juste avec son costard, et il a bien fait de me dire de ne pas mettre la robe noire que je voulais arborer, j’aurais pu faire du camouflage dans le décor. Il y a déjà beaucoup de monde dans la salle et un brouhaha conséquent, et nous mettons un petit moment à gagner notre table, mon amoureux étant arrêté par plusieurs joueurs qu’il a rencontrés durant la saison et qui le félicitent pour la victoire au championnat universitaire.
— Plus excitant qu’impressionnant, tout ça ? demandé-je à Liam en m’asseyant enfin. C’est dingue, cette salle.
— Ce qui est dingue, c’est que je suis là avec la femme que j’aime et que je vais bientôt être sélectionné dans une grande équipe nationale. Tu imagines si on se retrouve à Miami ou en Californie ? Le soleil toute l’année, ça fait envie, non ?
— La neige va me manquer, si c’est le cas, mais pourquoi pas. Tant que ça te va, ça me va moi aussi.
— Et si tu devais rêver d’un endroit où aller, où est-ce qu’on irait ? Je vais aller faire de l'œil au propriétaire de la franchise pour y être recruté, dit-il de manière assurée, même si moi qui le connais bien, je peux sentir ses doutes et son anxiété sur le fait d’être retenu ou pas.
— Honnêtement, je ne sais pas, souris-je en glissant ma main dans la sienne. Les Bulls de Chicago, ce serait le plus simple, mais j’ai bien envie de voir du pays avec toi. Enfin, j’en verrai assurément moins que toi, mais tout ça ne m’inquiète pas.
Ou pas trop. Je ne lui dirai pas le contraire. La solitude à chacun de ses déplacements me fait flipper, me retrouver seule avec le Têtard me fait flipper. Les groupies me font flipper. Bref, mieux vaut que je garde tout ça pour moi.
— En tous cas, si en début d’année, on m’avait dit que j’avais des chances d’être recruté dans les meilleurs pendant le draft et surtout que je serais à la cérémonie avec la même fille avec laquelle j’étais en début d’année, jamais je n’y aurais cru. Je crois que tu es un peu la raison de tous ces miracles, Sweetie.
— Oh la la, Liam, arrête ton char, intervient Daddy. Elle est déjà amoureuse, pas besoin d’en rajouter !
— Ça ne fait jamais de mal à entendre, ris-je. Même si j’avoue que tu en fais des caisses, Chéri. C’est uniquement toi qui t’as mené à cette situation, toi et ton spermatozoïde guerrier.
— Sarah ! me réprimande ma mère. On ne parle pas de ça à table ! s’offusque-t-elle.
— C’est vrai, ça, ma Chérie. On n’en parle pas, ça se met en pratique. On va aux toilettes à deux ? demande Liam en provoquant ma mère, un sourire aux lèvres.
Je pouffe en voyant la tête de la femme qui m’a donné la vie et suis plutôt contente qu’Adam Silver, le maître de cérémonie, l’empêche de répondre en annonçant le début des hostilités. Si Liam est sélectionné durant le premier tour, ce sont deux années de contrat garanties avec une troisième en option. Ce n’est pas rien et tout le monde en a conscience autour de la table, même si chacun y voit des conséquences différentes. Jude est triste à l’idée que nous partions vivre loin de la maison, ma mère a l’impression que je sacrifie ma carrière pour suivre Liam et la prive du bébé à naître, et Jim, lui, voit son fils réaliser son rêve après toutes ces années de travail acharné. Liam a tout donné pour être ici ce soir, sans jamais sacrifier ses proches. Il a même été plus que présent pour son père et sa sœur, et ce serait une récompense magnifique. Malgré les rumeurs qui vont bon train depuis plusieurs semaines, personne n’ose penser à voix haute que le tour est joué et que nous partons vivre ailleurs parce qu’il est drafté par une grande équipe de NBA.
D’ailleurs, les premiers joueurs sont appelés et le stress monte pour chacun de nous. Je vois la jambe de mon amoureux sautiller sous la table et sa grande main enserre la mienne sur ma cuisse avec force. Manque de chance pour moi et mon envie de rester dans le coin, ce ne sont pas les Bulls qui sélectionnent mon amoureux, mais les Cavaliers de Cleveland. Cinq-cents kilomètres à vol d’oiseau de la maison. Ça aurait pu être pire, mais l’essentiel, c’est le sourire de Liam qui se lève et nous prend un par un dans ses bras. Nous le félicitons rapidement avant qu’il ne se dirige vers la scène. Il récupère la casquette de l’équipe et rejoint le maître de cérémonie, à qui il serre la main avant de poser à nouveau pour quelques photos. Le seul moment où je le quitte du regard, c’est pour observer Jim qui semble avoir les yeux aussi humides que moi si ce n’est plus. Mon amoureux est tout beau, tellement classe, et son sourire est plus que rayonnant. Une vraie bombe, un futur champion. Je suis tellement fière de lui, tellement heureuse de le voir là que j’oublie mes peurs et ne retiens que le positif.
Liam passe le reste de la soirée sur un petit nuage. Je crois ne l’avoir jamais vu aussi heureux, aussi épanoui et serein. C’est fou comme j’ai l’impression d’avoir un autre homme face à moi, comparé à l’homme que j’ai rencontré et pu côtoyer en début d’année. C’est fou comme il rayonne.
— Je vais rentrer à l’hôtel, je suis crevée. Tu ne m’en veux pas ? demandé-je à mon basketteur alors que la soirée doit se poursuivre après le délicieux repas qu’on nous a servi.
— Oh, déjà ? Tu es si fatiguée que ça ? Je ne vais pas te laisser rentrer toute seule, en tous cas. Je t’accompagne, Sweetie. Sans toi, je n’ai pas envie de fêter quoi que ce soit.
— Non, non, profite voyons, je ne veux pas te priver de quoi que ce soit. Je vais demander à ma mère de rentrer avec moi. Profite de cette soirée, c’est la tienne. Et ne critique surtout pas le fait que je sois fatiguée, sinon ça va barder, beau gosse, souris-je. T’imagine pas une seule seconde ce que c’est que de porter ce petit monstre.
— J’ai pas envie de m’amuser sans toi, ça ne serait pas pareil. Alors, je te suis, Sweetie. Les parents rentreront avec Jude quand ils en auront assez. Et c’est non négociable !
Je lève les yeux au ciel et attrape la main qu’il me tend pour me lever. Liam va prévenir ma mère et Jim que nous partons et je m’en veux de le priver de cette soirée.
— On peut rester encore un peu, si tu veux… Je veux pas que tu regrettes d’être parti si tôt.
— Arrête, Sweetie. Je t’ai dit que c’est avec toi que je voulais fêter mon contrat, rien ne me fera plus plaisir. Et tu portes notre bébé, alors c’est normal que je veuille t’accompagner. J’aurais trop peur que tu te fasses draguer en plus. Une jolie femme comme toi, on ne la quitte pas des yeux !
J’éclate de rire en baissant les yeux sur moi. Franchement, je doute que je me ferais draguer. A la limite, je pourrais faire le tapin, certains hommes fantasment sur les femmes enceintes, mais pour le reste, j’ai un gros doute.
— Ne dis pas n’importe quoi, je crois qu’il n’y a pas plus clair que ce genre de ventre pour afficher clairement que je ne suis pas disponible, dis-je alors qu’il m’entraîne vers la sortie.
— Tu n’es pas disponible ? fait-il mine de se lamenter. Et moi qui croyais que tu l’étais pour assouvir toutes mes folies…
— Désolée, beau basketteur, mais j’ai déjà un amoureux et je suis folle de lui.
La chaleur de ce début de Juillet nous tombe dessus alors que nous gagnons la rue. Je suis contente que l’hôtel soit à quelques mètres de là parce que je suis vraiment crevée et j’ai les pieds en compote. Si c’était à refaire, peut-être que j’aurais opté pour des ballerines, en fait. New York. Qui aurait cru que je marcherais main dans la main avec l’homme que j’aime dans les rues de cette ville, avec comme avenir un déménagement, un bébé et une carrière professionnelle en NBA ? Moi, certainement pas.
— Quelle chance il a, cet amoureux. Je vais te laisser en profiter, alors et finir la nuit seul, abandonné de tous, sans un ami ni une amante. Quel désespoir ! Quand je pense que ça pouvait être un des plus beaux jours de ma vie…
— Est-ce que je t’ai dit combien j’étais fière de toi ? lui demandé-je plus sérieusement en entrant dans l’hôtel. Parce que je le suis, vraiment.
— C’est un peu grâce à toi, malgré ce que tu dis. Pour te rendre fière, je me suis dépassé. Pour pouvoir m’occuper de toi, j’ai fait le maximum. Sans toi, je ne suis pas sûr que je serais là ce soir.
Je ne lui réponds pas tout de suite et me love contre lui pendant que nous sommes dans l’ascenseur. Une fois entrés dans la chambre, je soupire de plaisir en me déchaussant et me laisse tomber sur le canapé de la suite que nous partageons avec les parents et Jude.
— Ok, je veux bien avoir participé à tout ça, mais l’essentiel vient du beau gosse bourré de talent qui partage ma vie. Tout ça, c’est le fruit de ton travail, de ton acharnement durant des années.
— Tu me rappelleras tout ça quand j’aurais le blues parce que je ne suis pas au niveau ? Je crois que je vais avoir besoin de toi dans les années à venir pour garder le moral.
Il s’installe à mes pieds et pose sa tête sur mes genoux, ses yeux levés vers moi, alors que je lui caresse doucement la nuque.
— Je suis là et je ne compte pas bouger. On est une équipe, ça vaut au lit, mais aussi et surtout dans la vie, Capitaine de mon cœur.
Son sourire appelle le mien et, une fois de plus, je peine à mesurer la chance que j’ai de l’avoir rencontré. Il a tout chamboulé avec sa grande taille, son caractère et ses grandes paluches. Avec son sourire, ses yeux qui lisent en moi comme dans un livre ouvert. Avec son attachement pour la famille, sa force et sa volonté. L’avenir peut avoir lieu n’importe où tant qu’on est ensemble. Après ce début de relation difficile, je suis prête à tout affronter tant qu’il est à mes côtés.
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